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 Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk

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MessageSujet: Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk   Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk I_icon_minitimeMer 20 Sep 2017 - 18:05

Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk

Source : William R. Polk, Consortium News, 28-08-2017

Beaucoup d’Américains considèrent tout simplement la Corée du Nord et ses dirigeants comme « cinglés », mais l’Histoire, derrière la crise d’aujourd’hui, révèle une réalité plus complexe qui pourrait changer ces impressions simplistes, comme l’explique l’historien William R. Polk.

Les États-Unis et la Corée du Nord sont proches d’un conflit qui, s’il débutait, conduirait presque certainement à un échange nucléaire. C’est l’opinion manifeste de la plupart des observateurs compétents. Ceux-ci ont des divergences sur les causes de cette confrontation ainsi que sur la taille, la portée et la puissance des armes qui pourraient être lancées, mais aucun ne peux douter qu’une confrontation nucléaire même « limitée » aurait des effets épouvantables sur une grande partie du monde, incluant les États-Unis.

Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk 1-8
Une fillette coréenne porte son frère sur le dos, dépassant un char M-26 bloqué à Haengju, Corée, le 9 juin 1951 (photo Forces Armées américaines)

Donc, comment en sommes-nous arrivés là, que faisons-nous maintenant et que pourrions-nous faire pour éviter les très probables conséquences dévastatrices d’une guerre nucléaire même « limitée » ?

Les médias regorgent de comptes rendus des dernières déclarations et événements, mais d’après mon expérience personnelle du cas le plus proche d’une catastrophe nucléaire, la crise des missiles cubains, et pour avoir étudié d’autres nombreux « moments critiques », j’ai appris que l’incapacité à apprécier l’arrière-plan et la séquence des événements rend incapable de comprendre le présent, et est donc susceptible de mener à des actes d’autodestruction. Avec cet avertissement à l’esprit, je raconterai dans la partie 1 comment nous et les Coréens en sommes arrivés là où nous sommes. Ensuite, dans la partie 2, j’aborderai la façon dont nous pourrions entrer en guerre, ce que cela signifie et ce que nous pouvons faire pour rester en vie.

Durant la majeure partie de son histoire, la Corée s’est considérée comme l’élève de la Chine. Elle a emprunté au confucianisme chinois ses concepts de droit, ses canons d’art et sa méthode d’écriture. Pour cela, elle a généralement rendu hommage à l’empereur chinois.

Avec le Japon, les relations étaient différentes. Équipé de l’arme de destruction massive de l’époque, le mousquet, le Japon a envahi la Corée en 1592 et l’a occupé avec plus d’un quart de million de soldats. Les Coréens, armés uniquement d’arcs et de flèches, ont été battus et soumis. Mais, en raison d’événements au Japon, en particulier la décision d’abandonner l’arme à feu, les Japonais se sont retirés en moins d’une décennie et ont quitté d’eux-mêmes la Corée.

Officiellement unifiée en un seul royaume, la société coréenne était déjà partagée entre les Pouk-in ou « Peuple du Nord » et les Nam-in ou « Peuple du Sud ». L’importance de cette division dans la politique pratique n’est pas claire, mais elle a apparemment joué un rôle dans la lutte contre les tentatives de réforme et dans l’isolement du pays des influences extérieures. Elle a également affaibli le pays et facilité la seconde intrusion des Japonais. À la recherche de minerai de fer pour leur industrie naissante, ils ont « ouvert » le pays en 1876. Sur les traces japonaises sont venus les Américains qui ont établi des relations diplomatiques avec la cour coréenne en 1882.

Les missionnaires américains, dont la plupart étaient également des marchands, ont suivi le drapeau. Le christianisme venait souvent sous le couvert du commerce. Les marchands missionnaires vivaient à l’écart des Coréens dans des villes de style américain, comme les Britanniques l’avaient fait en Inde au début du siècle. Ils rencontraient rarement les indigènes, sauf pour le commerce. Contrairement à leurs homologues au Moyen-Orient, les Américains n’étaient pas connus pour leurs « bonnes œuvres ». Ils ont consacré plus de temps à vendre de biens qu’à enseigner l’anglais, à exercer la médecine ou à faire du prosélytisme ; alors quand bien même les Coréens admiraient leurs marchandises, ils restaient en dehors d’une minorité, attachés aux mœurs confucéennes.

La protection de la Chine

C’est vers la Chine plus que vers l’Amérique que les Coréens se sont tournés pour se protéger du « soleil levant » japonais. Au fur et à mesure qu’ils devenaient plus puissants et commençaient leur expansion extérieure, les Japonais ont œuvré pour mettre fin à la relation entre la Corée et la Chine. En 1894, les Japonais ont envahi la Corée, capturé son roi et installé un gouvernement « ami ». Puis, comme une sorte de sous-produit de leur guerre de 1904-1905 avec la Russie, les Japonais ont pris le contrôle et, en accord avec les politiques de l’ensemble des gouvernements occidentaux, ils ont repris le « fardeau de l’homme blanc ». Les politiciens et les hommes d’État américains, dirigés par Théodore Roosevelt, ont trouvé à la fois inévitable et bénéfique que le Japon ait transformé la Corée en colonie. Durant les 35 années suivantes, les Japonais ont dominé la Corée tout comme les Britanniques ont dominé l’Inde et les Français ont régné sur l’Algérie.

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Une carte de la péninsule coréenne montrant le 38e parallèle où la DMZ [NdT : Zone démilitarisée] a été établie en 1953. (Wikipedia)

Si les Japonais étaient brutaux, comme ils l’étaient certainement, et exploiteurs, comme ils l’étaient aussi, les autres puissances coloniales faisaient de même. Et comme d’autres peuples colonisés, alors qu’ils s’éveillaient peu à peu à la politique, les Coréens ont commencé à réagir. Au fil du temps, ils ont vu les intrus japonais non pas comme les porteurs de le « fardeau de l’homme blanc » mais comme étant eux-mêmes le fardeau. Certains Coréens ont réagi en fuyant.

Le plus connu parmi eux était Syngman Rhee. Converti au christianisme par les missionnaires américains, il est allé à l’Ouest. Après un parcours pénible d’exilé, les autorités militaires américaines l’ont autorisé, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à devenir le premier Président de la Corée (du Sud).

Mais la plupart de ceux qui avaient fui les Japonais avaient trouvé asile en Mandchourie, influencée par la Russie. Le plus connu de ces exilés « orientaux », Kim Il-sung, a participé à la guérilla anti-japonaise et a rejoint le Parti communiste. Et pendant que Syngman Rhee arrivait dans le Sud contrôlé par les États-Unis, Kim Il-sung devenait le chef du Nord soutenu par les Soviétiques. Là, il a fondé la « dynastie » régnante dont son petit-fils Kim Jong-un est le leader actuel.

Au cours des 35 années d’occupation japonaise, personne en Occident n’a accordé beaucoup d’attention à Syngman Rhee ou à ses espoirs pour l’avenir de la Corée, mais le gouvernement soviétique était plus attentif à Kim Il-sung. Alors que la Grande-Bretagne, la France et l’Amérique, toutes éloignées, n’avaient aucun rôle actif, l’Union soviétique proche, avec sa longue frontière avec le territoire détenu par le Japon, devait se préoccuper de la Corée.

Ce n’est pas tant pour des considérations stratégiques ou suite à la perception d’un danger que la politique occidentale a évolué (et le consentement soviétique à celle-ci). Pour des raisons en partie sentimentales, l’Amérique a impulsé un changement dans le ton des relations avec le monde colonial pendant la Seconde Guerre mondiale ; entraînés par la nécessité d’apaiser l’Amérique, la Grande-Bretagne et la France ont accepté. C’est le reflux de la guerre, plus que tout plan préconçu, qui a placé la Corée dans le groupe très répandu et mal défini des nations « émergentes ».

Héritier des rêves de Woodrow Wilson, Franklin Roosevelt a proclamé que les peuples coloniaux méritaient d’être libres. La Corée devait bénéficier de la grande libération de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le 1er décembre 1943, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine (alors nationaliste) ont convenu lors de la Conférence du Caire d’appliquer les termes révolutionnaires de la Charte de l’Atlantique de 1941 : « Conscients de l’asservissement des peuples de Corée », Roosevelt et un Churchill réticent ont-il proclamé, ils « sont déterminés à ce que, en temps voulu, la Corée devienne libre et indépendante ».

Lors de la conférence de San Francisco en avril-juin 1945, où les Nations Unies ont été fondées, la Corée a peu attiré l’attention, mais un vague arrangement était envisagé dans lequel la Corée serait soumise à une tutelle de quatre pouvoirs (américain, britannique, chinois et soviétique). Cette politique a ensuite été confirmée lors de la conférence de Potsdam le 26 juillet 1945 et a été acceptée par l’Union soviétique le 8 août quand elle a déclaré la guerre au Japon. Deux jours plus tard, les troupes russes se sont répandues dans la région du nord. Ce n’est que près d’un mois plus tard, le 8 septembre, que les premiers contingents de l’armée américaine sont arrivés.

Les conséquences de la guerre

Jusqu’à ce moment-là, la plupart des Coréens ne pouvaient pas faire grand-chose pour leur propre libération : ceux vivant en Corée soit étaient en prison, soit vivaient dans la peur d’être bientôt arrêtés, soit collaboraient avec les Japonais. Les quelques-uns qui avaient trouvé refuge à l’Ouest, comme Syngman Rhee, avaient réalisé qu’ils pouvaient s’exprimer, mais que personne qui pouvait les aider n’entendait leur voix. Il fallait les libérer, mais pas les aider à se libérer par eux-mêmes. Seuls les petits groupes d’exilés, dans les zones contrôlées par les Soviétiques, ont effectivement combattu leurs bourreaux japonais. C’est ainsi que le mouvement de guérilla coréen d’obédience communiste commença à jouer un rôle identique à celui des insurgés d’Indochine, des Philippines et d’Indonésie.

En se préparant à envahir la Corée, ni les Américains ni les Russes ne comprirent la différence entre les Pouk-in, c.à.d. « le Peuple du Nord » et les Nam-in, c.à.d. « le Peuple du Sud ». Ils étaient concernés dès le début, au moins dans leurs accords réciproques comme quand ils se trouvaient en Allemagne, par la nécessité de prévenir les accrochages lors de l’avance de leurs forces armées respectives. Les Japonais, cependant, traitaient séparément les deux zones qui avaient été créées par cette décision militaire improvisée.

Alors qu’une armée soviétique avançait, les Japonais réalisèrent qu’ils ne pourraient pas résister, mais ils détruisirent autant qu’ils purent des infrastructures du Nord lors de leur fuite vers le Sud. Après avoir atteint le Sud, les soldats aussi bien que les fonctionnaires coopérèrent au moins au début avec l’arrivée des forces américaines. Ces actions divergentes convenaient à la fois aux Russes et aux Américains — les Russes voulaient expulser les Japonais alors que les Américains commençaient déjà à leur pardonner. Ce qui s’est passé dans cette période confuse a grandement modelé la Corée, jusqu’à nos jours.

Les Russes avaient apparemment une stratégie à long terme vis-à-vis de la Corée et les forces insurgées d’obédience communiste étaient là pour l’appliquer, mais c’est seulement lentement et avec réticence que les Américains développèrent un plan cohérent pour « leur Corée », et trouvèrent des autochtones qui pourraient l’appliquer. Ce qui arriva était à la fois idéologique et circonstanciel. Il est utile et peut-être important d’en souligner les principaux points.

Le premier point est que les étapes initiales de ce qui devint la guerre froide étaient déjà en place, et ont été rapidement renforcées. Bien que la Conférence de Yalta stipulait que le Japon devait se rendre à tous les Alliés, pas seulement aux États-Unis et à la Chine, le président Truman a mis en place une politique américaine différente sans avoir consulté Staline.

Porté par le succès de l’essai de la bombe atomique du 16 juillet 1945, Truman décida que l’Amérique fixerait unilatéralement les conditions de la guerre du Pacifique : Staline réagit en accélérant les attaques de son armée en Corée et en Mandchourie, tenues par les Japonais. Il voulait créer des « faits accomplis sur le terrain ». Ainsi les événements de juillet et août 1945 ont déterminé la politique — et l’interprétation de la guerre — de chaque grande puissance. Ils ont modelé la Corée d’aujourd’hui.

Depuis, les arguments se sont toujours appliqués à justifier la politique de chacune des grandes puissances. Pendant de nombreuses années, les Américains ont argumenté que c’étaient les bombes atomiques larguées sur Hiroshima le 6 août et sur Nagasaki le 9 août qui avaient forcé les Japonais à se rendre, et non la menace ou la réalité de l’invasion soviétique.

Le butin de la guerre

Selon le point de vue américain officiel, c’est l’Amérique qui a gagné la guerre du Pacifique. Île après île après Guadalcanal, les soldats américains ont marché, navigué et volé vers l’île finale qu’est le Japon. Depuis les îles alentours et depuis les porte-avions, l’aviation américaine a bombardé et incendié les villes et usines japonaises. Hiroshima et Nagasaki furent les derniers coups de cette longue, douloureuse et coûteuse entreprise.

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Le champignon atomique qui suivit le largage de la bombe atomique sur Hiroshima, Japon, le 6 août 1945.

Truman a soutenu que les Russes ne sont arrivés qu’après la défaite du Japon. Ainsi, il se sentait justifié — et habilité — à agir seul au Japon. De sorte que quand le général Douglas McArthur organisa la cérémonie de la capitulation le 2 septembre, il mit les Russes de côté. La cérémonie eut lieu sur un vaisseau de guerre américain et sous le drapeau américain. Il fallut dix années supplémentaires avant que l’URSS n’achève officiellement sa guerre contre le Japon.

Le second point crucial est ce qui se passait sur la péninsule coréenne. Là, une puissante armée russe était présente au Nord et une armée américaine avait le contrôle du Sud. Les décisions prises au Caire, à San Francisco et à Potsdam étaient aussi éloignées de la Corée que les discours ampoulés de ces hommes d’État l’étaient des réalités, des dangers et des opportunités du théâtre des opérations. C’est ce que l’Amérique et l’Union soviétique ont fait sur le terrain qui est crucial pour comprendre la Corée d’aujourd’hui.

Tout comme les Hollandais se préparaient à le faire en Indonésie, comme les Français le faisaient en Indochine et les Américains aux Philippines, les autorités militaires américaines, dans leur pré carré coréen, ont écarté les dirigeants nationalistes (que les Japonais venaient de libérer de prison), et ont insisté pour que tout le pouvoir reste à leur propre gouvernement (militaire). Ils ne savaient quasiment rien (mais étaient intrinsèquement pleins de soupçons) sur les Coréens anti-Japonais qui s’étaient autoproclamés « République Populaire ». Au nom des États-Unis, le général John Hodge a rejeté le gouvernement national autoproclamé et a déclaré que le gouvernement militaire était la seule autorité légitime dans la zone sous contrôle américain.

Hodge déclara aussi que « la présente administration japonaise resterait temporairement en place pour faciliter l’occupation », tout comme les Hollandais d’Indonésie continuaient à utiliser des troupes japonaises pour contrôler les populations indonésiennes. Mais les Américains réalisèrent rapidement l’impopularité de cet accord, et démantelèrent l’administration japonaise dès janvier 1946.

Dans le chaos qui s’ensuivit, des dizaines de groupes avec de réelles mais souvent vagues différences formèrent des partis, et demandèrent à jouer un rôle dans la conduite des affaires coréennes. Ce développement alarma le gouverneur militaire américain. L’objectif de Hodge, compréhensible en soi, était de maintenir l’ordre et la sécurité. Les politiques locaux semblèrent incapables de garantir ni l’un ni l’autre, et au cours de ces années, le gouvernement militaire américain fit emprisonner des dizaines de milliers de militants politiques.

La guerre froide in vitro

Bien que ce ne soit pas si évident dans les déclarations publiques, les Américains étaient déjà aiguillonnés par la peur des Russes et par leur sympathisants et communistes locaux, réels ou supposés. Une fois encore, la situation en Corée rappelle celle de l’Indochine, des Philippines et de l’Indonésie. Les alliés en temps de guerre deviennent des ennemis en temps de paix. La guerre froide avait déjà commencé au moins in vitro.

Juste au bon moment, à la manière d’un deus ex machina, Singman Rhee entra en scène. Fidèle et audible anticommuniste, pro-américain et, bien que complètement coupé des affaires coréennes, ethniquement coréen, il était juste celui que les autorités américaines voulaient. Il a rassemblé les groupes de droite dans un gouvernement virtuel qui devait devenir un gouvernement effectif sous l’égide des États-Unis.

Pendant ce temps, les autorités soviétiques ne se heurtaient à aucun problème politique ou administratif similaire. Ils avaient le prototype d’un gouvernement coréen disponible. Ce gouvernement en devenir avait déjà une histoire : des milliers de Coréens s’étaient enfuis en Mandchourie pour échapper à la domination japonaise et, lorsque le Japon leur a apporté la guerre en formant en 1932 l’État marionnette appelé Manchukuo, certains des réfugiés se sont regroupés pour lancer une guérilla. Le Parti communiste a inspiré et assumé le commandement de cette insurrection. Puis, comme tous les insurgés — de Tito à Ho Chi-minh et Sukarno — ils se sont proclamés gouvernement en exil.

Le groupe coréen était prêt, dès que l’invasion soviétique lui en a donné la possibilité, à devenir le noyau de la République populaire démocratique de Corée (RPDC). L’URSS l’a reconnu comme le seul gouvernement de la Corée (toute entière) en septembre 1948. Et, malgré ses méthodes de gouvernement frustes et souvent brutales, il avait acquis une patine de légitimité grâce à ses années de lutte armée contre les Japonais.

L’URSS et les États-Unis considéraient tous deux la Corée comme leur avant-poste. Ils ont d’abord essayé de conclure un accord pour diviser l’autorité entre eux. Mais ils ont constaté leur échec le 2 décembre 1945. Les Russes semblaient s’attendre à cet échec et n’ont guère réagi, mais les Américains ont cherché l’aide des Nations Unies pour formaliser leur position en Corée. Sur leur instigation, les Nations Unies ont formé la « Commission temporaire sur la Corée ». Elle était censée opérer en Corée, mais les Russes l’ont considérée comme une opération américaine et l’ont exclue du Nord. Après une campagne laborieuse, elle a réussi à superviser les élections mais seulement au Sud, en mai 1948.

Les élections ont abouti à la formation le 15 août d’un gouvernement dirigé par Syngman Rhee. En réponse, un mois plus tard, le 9 septembre, l’ancien chef de la guérilla, le communiste allié des Soviétiques Kim Il-sung, a proclamé l’État de Corée du Nord. Ainsi, l’arrangement ad hoc pour empêcher la collision de deux armées s’est transformé en deux États.

L’URSS avait une longue histoire avec Kim Il-sung et les dirigeants du Nord. Elle avait discrètement soutenu le mouvement de guérilla au Manchukuo (i.e. en Mandchourie), avait vraisemblablement éprouvé les dirigeants communistes au travers des purges des années 30 et les avait observés de près pendant la guerre. Les survivants étaient, selon des critères soviétiques, des hommes fiables. Il était donc possible pour les Russes de faire profil bas dans les affaires nord-coréennes. Contrairement aux Américains, ils se sont sentis aptes à retirer leur armée en 1946. En même temps, bien sûr, leur attention était centrée sur la montée beaucoup plus massive de la révolution en Chine. La Corée doit leur être apparue comme un spectacle secondaire.

La position des États-Unis était différente dans presque tous ses aspects. Premièrement, il n’y avait pas, dans le Sud, de cadres qui soient de longue date pro-américains ou idéologiquement démocrates.

L’ascension de Rhee

La figure principale, comme je l’ai mentionné, était Syngman Rhee. Alors que Kim Il-sung était un communiste dévoué, Rhee n’était certainement pas un apôtre de la démocratie. Mais idéologie à part, Rhee avait été profondément influencé par ses contacts avec les Américains. Les missionnaires avaient sauvé sa vue (après la variole), lui avaient donné une éducation basique de style occidental, l’avaient employé et converti au christianisme. Probablement sous leur influence, il avait été impliqué, jeune homme, dans des manifestations contre le sous-développement de la Corée, sa corruption et son incapacité de résister au colonialisme japonais. Ses activités l’ont amené en prison à l’âge de 22 ans. Après quatre ans de ce qui semble avoir été un régime sévère, il a été libéré et en 1904 est parti en exil en Amérique.

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Le dirigeant sud-coréen Syngman Rhee

De manière remarquable pour un jeune homme sans distinction particulière — bien qu’il fût fier d’une relation éloignée avec la famille royale coréenne — il était au moins reçu, sinon écouté, par le président Théodore Roosevelt. Des rencontres de cérémonie ou de routine avec d’autres dirigeants américains ont suivi au fil des ans. Les dirigeants américains qu’il a rencontrés ne considéraient pas la Corée comme de grande importance et, même s’ils l’avaient considéré, Rhee n’avait rien à offrir. J’en déduis donc que ses promenades durant 40 ans d’une université à l’autre (BA à l’Université George Washington, MA à Harvard et PhD à Princeton) et son travail au YMCA et dans d’autres organisations, ont été une litanie de frustrations.

C’est l’entrée en guerre de l’Amérique en 1941 qui donna à Rhee l’occasion qu’il avait longtemps recherchée : il convainquit le président Franklin Roosevelt d’épouser au moins nominalement la cause de l’indépendance coréenne. Les paroles aimables de Roosevelt auraient probablement peu d’effet — comme l’avait compris apparemment Rhee. Pour leur donner de la consistance, il travailla en étroite collaboration avec l’OSS (l’ancêtre de la CIA) et développa des contacts avec les chefs militaires américains. Deux mois après la capitulation japonaise en 1945, il fut ramené en Corée sur l’ordre du général Douglas MacArthur.

S’établissant à Séoul, il conduisit des groupes de Coréens de droite à s’opposer à toute tentative de coopération avec l’Union soviétique et surtout à s’opposer à la création d’un État de la Corée du Nord. Pour ceux qui connaissent mieux l’histoire européenne, il pourrait être considéré comme ayant aspiré au rôle joué en Allemagne par Konrad Adenauer. Pour jouer un rôle similaire, Rhee s’est fait « l’homme de l’Amérique ». Mais il n’a pas été en mesure de faire ce qu’Adenauer pouvait faire en Allemagne et fournir à l’Amérique une société idéologiquement contrôlée et les éléments d’un état unifié, comme Kim Il-Sung pouvait l’apporter à l’Union Soviétique. Mais, soutenu par le gouvernement militaire américain et sous des formes ostensiblement démocratiques, Rhee a été élu, avec le résultat suspect de 92,3 pour cent des voix, comme Président de la république de Corée nouvellement proclamée.

La relative faiblesse de Rhee vis-à-vis de Kim eut deux conséquences : la première était que pendant que les forces soviétiques auraient pu se retirer du Nord en 1946, l’Amérique se sentait incapable de retirer ses forces du Sud. Elles y sont restées depuis lors. La deuxième conséquence était que pendant que Rhee tentait d’imposer un régime autoritaire à sa population, de manière identique à celle imposée au Nord, il se montra incapable de le faire réellement et à un coût acceptable.

L’administration dont il hérita en partie était largement dépendante des hommes qui avait servi les Japonais comme soldats et policiers. Il était trop compromis avec eux. Il écarta la demande positive du nationalisme par la peur négative du communisme. Au lieu de leadership, il fit confiance à la répression. En fait, il engagea une répression féroce, qui ressemblait à celle de Corée du Nord mais, à la différence de cette dernière, était très largement rendue publique. Le ressentiment en Corée du Sud contre Rhee et son régime monta bientôt au niveau de quasi-insurrection. Rhee pouvait être le chouchou de l’Amérique, il n’était pas aimé en Corée. Telle était la situation quand la guerre de Corée débuta.

Reprise de la guerre

La guerre de Corée débuta dans les faits le 25 juin 1950, mais bien évidemment avait commencé avant que les premiers coups de feu soient tirés. Et Syngman Rhee, et Kim Il-sung étaient déterminés à réunifier la Corée, chacun selon sa propre vision. Rhee avait officiellement mentionné la « nécessité » d’envahir le Nord pour réunifier la péninsule. Le gouvernement communiste n’avait pas besoin de faire des déclarations publiques, mais les événements sur le terrain avaient dû convaincre Kim Il-sung que la guerre avait déjà commencé. Sur la ligne de séparation, d’après un savant américain de Corée, le professeur John Merrill, de nombreux Coréens avaient déjà été blessés ou tués avant que la « guerre » n’ait commencé.


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En ce mois de juillet 1950 document photographique des archives de l’armée américaine classé « top secret » à l’époque : des soldats sud-coréens patrouillent parmi quelques-uns des milliers de prisonniers politiques tués à Taejon, Corée du Sud, au début de la guerre de Corée (APPhoto/Archives Nationales, Major Abbott/ARmée des États-Unis, archive)

L’événement qui semble avoir précipité la guerre à grande échelle a été la déclaration émanant du gouvernement de Syngman Rhee annonçant l’indépendance du Sud. Si elle s’était réalisée, comme Kim Il-sung l’avait clairement compris, elle aurait empêché la réunification. Il a considéré que c’était une déclaration de guerre. Il était prêt pour la guerre. Il avait profité de ses années au pouvoir pour bâtir une des plus grandes armées au monde, sachant que l’armée du Sud avait été saignée par les dirigeants du Sud.

Kim Il-sung devait connaître en détail la corruption, la désorganisation et la faiblesse de l’administration Rhee. Comme l’a rapporté Max Hastings, journaliste anglais et chroniqueur sur la Corée, l’entourage de Rhee avait entrepris le pillage à grande échelle des fonds publics et des salaires. L’argent engagé par les bailleurs de fonds étrangers pour fonder un État moderne était détourné vers des comptes à l’étranger, des « soldats fantômes », l’équivalent militaire des Âmes mortes de Gogol, qui n’existaient que dans les comptes de l’armée, recevaient des soldes que les officiers supérieurs se mettaient dans les poches, tandis que les vrais soldats relativement peu nombreux n’étaient pas payés et n’avaient ni uniforme, ni armement, ni nourriture. Dit brutalement, Rhee a offert à Kim une occasion qu’il n’a pas pu refuser.

Nous savons à ce jour, mais pas à l’époque, que Staline n’était pas favorable à une attaque du Nord, et n’y consentit que si la Chine, à l’époque un État communiste, en prenait la responsabilité. Ce que « responsabilité » signifiait réellement n’était pas clair, mais cela a suffi pour que Kim bascule vers la guerre. Il ordonna à son armée d’envahir le Sud. Traversant rapidement la ligne de démarcation, ses soldats se ruèrent vers le Sud. Beaucoup plus disciplinés et motivés, ils s’emparèrent de Séoul en trois jours, le 28 juin.

Syngman Rhee décréta une lutte à mort, mais, en fait, lui et son premier cercle avaient déjà fui. Ils furent rapidement suivis par des milliers de soldats de l’armée du Sud. De nombreux soldats qui n’avaient pas déserté s’enfuirent au Nord.

A l’initiative des États-Unis, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies — profitant de l’absence de la délégation soviétique — vota le 27 juin, c’est-à-dire juste avant la chute de Séoul, la création d’une force pour protéger le Sud. Quelques 23 pays conduits par les États-Unis fournirent environ trois millions de soldats pour défendre le Sud. Il y avait des pays comme la Thaïlande, le Sud-Vietnam et la Turquie avec leurs propres problèmes d’insurrection, mais la plupart des combats étaient livrés par les forces américaines. Ils étaient conduits au Sud et près de la péninsule coréenne par l’armée de Kim Il-sung. Les troupes américaines étaient mal équipées et presque toujours débordées en nombre. Le combat était acharné et les victimes nombreuses. A la fin du mois d’août, ils ne contrôlaient plus qu’un dixième de ce qu’était la République de Corée, seulement la province du Sud autour de la ville de Pusan.

En analysant sagement le déséquilibre réel entre les forces du Sud soutenues par les Américains et les forces apparemment victorieuses commandées par Kim Il-sung, le dirigeant chinois Zhou Enlai demanda à son état-major ce que les Américains pouvaient être amenés à faire : négocier, battre en retraite ou tenter une contre-attaque depuis leur bastion de Pusan. L’état-major fit savoir que les Américains mobiliseraient certainement leur potentiel supérieur pour contre-attaquer.

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Des soldats nord-coréens gravement blessés gisent là où ils sont tombés et attendent l’examen médical des infirmiers de la Marine, qui accompagnent les Marines dans leur avancée. 15 septembre 1950 (photo par le Sergent Frank Kerr, US Marine Corps).

Pour se protéger des intrusions en Chine, Zhou convainquit ses alliés de déplacer des troupes plus au nord à la frontière sino-coréenne, et de même le gouvernement soviétique de fournir un appui aérien au Nord-Coréens. Ce qui était brillant, c’était que l’état-major de Zhou prédit exactement ce que les Américains feraient et où ils le feraient. Conduits par le général Douglas McArthur, les Américains lancèrent une contre-attaque habile et audacieuse. En arrivant à Inchon le 15 septembre, ils isolèrent le gros de l’armée du Nord de ses bases. L’opération fut un succès militaire remarquable.

Mais, comme de nombreux succès militaires, il développa sa propre évolution. MacArthur, soutenu par le Secrétaire d’État Dean Acheson et le général George Marshall — et sous le commandement du Président Truman — décida de faire route vers le Nord pour mettre en place le projet d’unification de la Corée de Syngman Rhee. Au début de l’offensive le 25 septembre, les forces américaines reconquirent Séoul, détruisant pratiquement l’armée nord-coréenne encerclée et franchirent le 38e parallèle le 1er octobre. Sans rencontrer de réelle opposition, ils poussèrent vers le fleuve Yalou à la frontière chinoise. Cette offensive effraya à la fois les gouvernements soviétique et chinois qui craignaient que la vague de la victoire porte les Américains sur leurs territoires.

En réponse, les Chinois utilisèrent un nouveau stratagème. Ils envoyèrent une immense force armée, environ 300 000 hommes pour arrêter les Américains mais, pour éviter au moins officiellement et directement une confrontation avec l’Amérique, ils la définirent comme un groupe de volontaires ne faisant pas partie des forces armées régulières — « l’Armée des Volontaires du Peuple Chinois ». Le 25 octobre, l’armée légère chinoise détruisit effectivement ce qui restait de l’armée sud-coréenne, et expulsa les Américains de Corée du Nord.

Estomaqué par l’effondrement de ce qui semblait une victoire définitive, le Président Truman annonça l’état d’urgence, et le général McArthur sollicita l’utilisation de 50 bombes nucléaires pour arrêter les Chinois. Ce qui se serait passé alors est de la pure spéculation, mais ce qui arriva vraiment fut que McArthur fut remplacé par le général Mathew Ridegeway qui rétablit l’équilibre des forces conventionnelles. Tristement, la guerre continuait.

Au cours de cette période et pour les deux années suivantes, l’armée de l’Air américaine a mené des bombardements massifs. Une partie était censée détruire la capacité chinoise et nord-coréenne de continuer à se battre, mais la Corée est un petit territoire et ce qui a commencé en « frappes chirurgicales » s’est transformé en tapis de bombes. (Un tel bombardement sera considéré comme un crime de guerre à partir du protocole I de 1977 des conventions de Genève.)

Les attaques étaient démesurées. Environ 635 000 tonnes d’explosifs et d’armes chimiques ont été larguées — ce qui était bien plus que ce qui a été utilisé contre les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme l’a souligné l’historien Bruce Cumings, l’armée de l’Air des États-Unis a constaté que « trois ans de pluie et de ruines » avaient infligé des dégâts plus importants aux villes coréennes « que les villes allemandes et japonaises incendiées pendant la Seconde Guerre mondiale ». La capitale nord-coréenne Pyongyang a été rasée et le général Curtis LeMay pense que les bombardements américains ont causé la mort d’environ 20 pour cent — un sur cinq — des Nord-Coréens.

Un tapis de bombes sur le Nord

L’estimation de LeMay, horrible telle qu’elle est formulée, doit être gardée en mémoire aujourd’hui. Commencez par la probabilité qu’elle soit sous-estimée. L’économiste canadien Michel Chossudovsky a écrit que l’estimation de 20 pour cent de LeMay devrait être révisée à près de 33 pour cent, soit environ un Coréen mort sur trois. Il poursuit en soulignant une comparaison significative : au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques ont perdu moins de 1% de leur population, la France en a perdu 1,35%, la Chine en a perdu 1,89% et les États-Unis seulement le tiers de 1%. Autrement dit, la Corée a subi proportionnellement environ 30 fois plus de tués pendant les 37 mois du tapis de bombes américain que ces autres pays en ont perdu pendant la totalité de la Seconde Guerre mondiale.


(A suivre)
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Comment l’Histoire explique la crise coréenne, par William R. Polk

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