samskaraa
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| Sujet: Comment s'acquiert la continuité de conscience Dim 26 Fév 2012 - 14:07 | |
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Extrait de la "Science de l'Occulte" de Rudolf Steiner
La continuité de conscience
Dans le stade actuel de son évolution l’homme passe entre la naissance et la mort par trois états : la veille, le sommeil, et entre les deux le rêve. Nous parlerons plus tard du dernier de ces états. Pour l’instant nous considérons l’existence comme divisée entre ces deux états essentiels le sommeil et la veille. L’homme s’élève à la connaissance supérieure lorsqu’à côté du sommeil et de la veille il se crée un troisième état de conscience. Pendant la veille, l’âme est livrée aux impressions des sens et aux représentations qui en découlent. Pendant le sommeil, les impressions des sens font silence : mais en revanche la conscience elle-même se perd. Les expériences du jour se noient dans l’océan de l’inconscience. Supposez maintenant que l’âme puisse réaliser une conscience, même lorsque les sensations sont éliminées comme dans le sommeil profond. Admettons que même tout souvenir des événements de la veille soit disparu. L’âme se trouverait-elle alors dans un néant ? Ne pourrait-elle avoir aucune expérience ? On ne peut répondre à cette question qu’en créant réellement cet état que nous supposons, et en constatant ainsi que l’âme peut-être consciente même en l’absence de toute impression sensible et de tout souvenir. Alors l’âme se trouvera comme endormie à l’égard du monde extérieur ordinaire : et pourtant au lieu de dormir elle sera pleinement éveillée dans un monde réel. On atteindra ce mode de conscience en suivant les préceptes que donne l’occultisme. Tout ce qu’il enseigne d’un monde supérieur à celui des sens se découvre dans un pareil état.
Ces états n’ont qu’un trait commun avec le sommeil : c’est que les impressions extérieures y cessent totalement : il en est de même des pensées auxquelles donnent lieu ces impressions. Mais tandis que dans le sommeil l’âme n’a pas la force d’être consciente, elle acquiert cette force dans les états dont nous parlons. Elle s’assimile la capacité d’éprouver une sensation, telle que seuls les organes des sens pourraient la lui faire éprouver durant la vie. L’éveil de l’âme à cette conscience supérieure se nomme l’Initiation. Les procédés d’initiation font évoluer l’homme depuis la forme normale de la conscience diurne jusqu’à une activité psychique où il dispose d’organes spéciaux pour ses perceptions spirituelles. Ces organes sont contenus en germes dans toute âme : il ne faut que les développer.
Les premiers moyens dont nous traiterons sont empruntés à la conscience normale de la veille : et les plus efficaces sont ceux dont la pratique se passe en méditations silencieuses. Il s’agit pour l’âme de se livrer à des représentations précises, capables par leur contenu d’éveiller les facultés humaines endormies. Elles se distinguent de ces représentations de la veille qui ont pour but de refléter un objet extérieur ; pour ces dernières, plus elles reflètent l’objet fidèlement et plus elles sont véridiques : et cette vérité est conforme à leur essence. Ce n’est pas là le but des représentations qui visent au progrès spirituel. Elles ne sont pas faites pour refléter un objet extérieur. Mais elles ont en elles la force d’agir sur l’âme elle-même. Elles sont symboliques. Tandis que dans la vie psychique ordinaire les forces intérieures sont divisées, et que les multiples représentations se succèdent avec rapidité, dans l’entraînement occulte il est capital de concentrer toute la vie psychique sur une unique représentation. Cette représentation, c’est la volonté qui doit l’installer au centre de la conscience. C’est pourquoi des images symboliques valent mieux que celles qui reflètent directement des objets ou phénomènes extérieurs : ces derniers ont leur point d’appui dans le monde extérieur, et par suite l’âme n’est pas réduite à ses propres moyens comme dans les symboles qu’elle tire de son réservoir propre d’énergie. La quantité d’énergie dépensée par l’âme est également de la plus haute importance. L’essentiel, ce n’est pas la représentation, mais bien l’effort, et la durée de l’effort dirigé sur une unique représentation. C’est des profondeurs inconscientes de l’âme que surgit la force que l’on y puise par la concentration sur une seule représentation.
Donnons un seul exemple d’une concentration sur une représentation symbolique. Il faut d’abord édifier dans l’âme la représentation en question : on procède comme il suit. Représentez-vous une plante qui pousse dans le sol et qui, feuille après feuille, se développe jusqu’à la floraison. Imaginez un homme placé auprès de cette plante. Représentez-vous sous une forme vivante que cet homme possède en lui des capacités et des pouvoirs infiniment plus parfaits que ceux de la plante. Songez qu’il peut au gré de ses désirs et de ses volontés se rendre ici ou là, tandis que la plante est attachée au sol. Et maintenant dites-vous ceci : Sans doute l’homme est plus parfait que la plante. Mais je découvre en lui des dispositions dont l’absence chez la plante me la fait paraître plus parfaite que l’homme en un certain sens. L’homme est plein de convoitises et de passions : il y conforme sa conduite. Je peux dire que ses penchants et ses appétits le livrent à de véritables aberrations. Chez la plante, au contraire, je vois un organisme qui, de feuille en feuille, se conforme aux lois pures de la croissance, qui épanouit ses fleurs, sans passion, aux chastes rayons du soleil. Je puis me dire que l’homme a une certaine perfection qui l’emporte sur la plante : mais il a payé cette perfection en laissant son être s’imprégner non seulement des forces si pures que je vois chez la plante, mais en outre de passions, de convoitises et d’appétits. Je me représente maintenant que cette sève verte qui circule dans les canaux de la plante est l’expression des lois placides et pures de la croissance. Je me représente ensuite le sang rouge qui circule dans les artères humaines et j’y vois le siège des passions et des désirs. Toutes ces considérations doivent devenir vivantes dans ma pensée. Ensuite je songe que l’homme est capable de progrès ; qu’il peut purifier ses désirs et ses appétits par les hautes facultés de son âme ; que de la sorte l’élément bas de ces désirs et de ces appétits est annihilé, et qu’ils sont pour ainsi dire revivifiés à un niveau plus élevé. Alors le sang devient le symbole des passions purifiées. À ce moment j’évoque devant mon regard intérieur une rose, et je pense : Dans le rouge suc de la rose je vois le vert de la plante transmué en rouge, et la rose rouge suit comme la feuille verte les lois pures et sans passion de la croissance. Le rouge de la rose sera pour moi le symbole d’un sang où s’expriment des passions purifiées, débarrassées des éléments grossiers et semblables dans leur pureté aux forces qui vivent dans la rose rouge. J’essaie ensuite de faire passer ces représentations de ma pensée dans mes sentiments, et de les y rendre vivantes. Il faut que la pureté, l’absence de passion de la plante m’inspire un sentiment de béatitude. Il faut qu’ensuite je crée en moi le sentiment que certaines hautes perfections sont achetées aux prix des passions et des convoitises. Cette réflexion transformera en gravité mon bonheur de tout à l’heure : et j’éprouverai enfin un sentiment de libération en songeant au sang rouge qui devient le siège de pures expériences intérieures, tout comme le suc rouge de la rose. L’essentiel est de ne pas rester impassible devant les pensées qui servent à édifier la représentation symbolique.
Il faut penser que ce ne sont pas les représentations découlées des perceptions sensibles qui éveillent les facultés de l’âme, mais bien la manière dont elles sont agencées pour former un tout. Et cet agencement, ce n’est pas le monde extérieur qui le fournit.
Tous ces moyens ont pour but de libérer l’âme de la perception sensible, et de l’élever à une activité où les impressions extérieures sont réduites au minimum, tandis que l’éveil des facultés latentes dans l’âme devient l’essentiel. Il peut s’agir aussi de concentrations sur des sentiments, des sensations, etc.. Voici par exemple un exercice très efficace : on choisit le sentiment de la joie. Dans la vie courante, la joie est provoquée par une cause externe. Quand une âme saine perçoit une action, qu’un homme accomplit par bonté de coeur, elle trouve à cette vue de la joie et du plaisir. Elle peut se dire : une action inspirée par la bonté d’âme, est une action dont l’auteur oublie son propre intérêt pour ne songer qu’à l’intérêt de son semblable. Cette action peut être qualifiée de « moralement bonne ». Or l’âme de l’observateur peut se libérer entièrement du cas particulier qui a provoqué chez elle un sentiment de satisfaction : elle peut donner une vaste extension à son idée de la bonté d’âme. Elle peut y voir l’assimilation par une âme de l’intérêt d’autrui, qu’elle confond ensuite avec le sien propre. L’âme de l’observateur peut ressentir de la joie à l’idée de cette vertu. Cette joie est alors liée non plus à tel ou tel événement du monde extérieur, mais à une idée. Si l’on laisse à cette joie le temps de devenir une force vivante dans l’âme, on a alors la concentration sur un sentiment. Ce n’est pas l’idée qui est l’élément actif pour l’éveil des facultés, mais l’activité durable dans l’âme d’un sentiment provoqué par une autre cause qu’un phénomène extérieur. Comme l’occultisme pénètre dans l’être des choses plus profondément que la représentation ordinaire, l’instructeur sera en mesure d’indiquer à l’étudiant des impressions et des sentiments qui sont beaucoup plus efficaces pour l’épanouissement intérieur, quand ils deviennent l’objet de la concentration.
En règle générale, on aura à faire longtemps des exercices de concentration avant de constater un résultat appréciable. L’essentiel en occultisme, c’est la patience et la persévérance.
Le chemin que nous décrivons ici mène tout d’abord à la connaissance imaginative. C’est la première étape de la connaissance supérieure. La connaissance normale, fondée sur la sensation et l’élaboration de cette sensation par l’entendement peut s’appeler « connaissance objective ». Au-dessus d’elle s’étagent des modalités de connaissance plus hautes, dont la première est la connaissance imaginative. Le mot « imaginative » pourrait donner à penser qu’il s’agit d’une représentation « imaginaire » ne correspondant à aucune réalité. Mais au sens occulte du mot, imaginatif signifie un mode de connaître produit par un état de conscience supérieur dans l’âme. Ce que l’homme perçoit dans cet état, ce sont les réalités et les êtres du monde spirituel, auxquels les sens ne sauraient avoir accès. Comme cet état de l’âme n’est atteint que par la concentration sur des symboles ou « images », le monde qui correspond à cet état est appelé imaginatif, et la connaissance qui s’y applique « connaissance imaginative ». Le mot « imaginatif » s’applique donc en fait à des êtres et des objets d’un degré plus réel que ceux qu’atteint la perception physique.
Par la concentration sur une image ou une idée, il faut que, l’âme tire de son propre fond des forces beaucoup plus puissantes que dans la vie ordinaire ou la connaissance normale. Son activité intérieure s’accroît de la sorte. D’autre part elle se libère de l’enveloppe corporelle tout comme dans le sommeil ; mais loin de tomber dans l’inconscience elle accède à la vie d’un monde auparavant ignoré. Ainsi cet état est assimilable au sommeil par l’abandon momentané de l’enveloppe corporelle et pourtant il représente un progrès d’éveil conscient par rapport à la conscience diurne. L’âme se connaît elle-même dans son essence vraie et profonde, tandis que dans la conscience diurne normale elle ne prend conscience d’elle-même qu’avec le secours du corps et par un déploiement beaucoup moins intense de ses forces ; de sorte qu’en somme, elle ne se perçoit pas en elle-même, mais sous une forme imagée, au travers des phénomènes que la vie corporelle déroule. Les symboles que nous avons décrits plus haut ne correspondent naturellement pas encore à des réalités précises du monde spirituel. Ils ne servent qu’à détacher l’âme de la perception extérieure et du cerveau physique auquel l’exercice de l’entendement est lié au début. Ce détachement n’est chose faite que quand l’homme se dit : « Maintenant, je puis me représenter quelque chose grâce à des forces où ni mes sens ni mon cerveau n’entrent en jeu. » Cette libération de l’organisme physique est la première expérience de l’étudiant. Il peut se dire ensuite : « Je suis en mesure de faire abstraction de mes sensations et de ma pensée logique, sans toutefois que ma conscience s’éteigne ; je puis m’élever au-dessus de ces activités coutumières et, j’ai alors l’impression d’exister à côté de ce que j’étais auparavant. » Telle est la première expérience de l’ordre supérieur ; l’observation de l’être individuel sous son aspect psycho-spirituel. Le Moi s’est dégagé, comme un individu nouveau, de la personnalité qui était liée aux sens et à l’entendement physique. Si l’on s’était ainsi évadé du monde des sens et de l’entendement, sans la concentration, on serait tombé dans le néant de l’inconscience. Cette individualité psycho-spirituelle, on la possédait avant la concentration. Mais elle ne disposait d’aucun organe la reliant à son ambiance propre. Elle était comme un corps qui n’aurait ni oeil pour voir, ni oreille pour entendre. C’est la force dégagée par la concentration qui a fait s’épanouir les organes psycho-spirituels dans le terrain auparavant inorganique de l’essence psycho-spirituelle. Ce que l’on a ainsi créé, c’est la première chose que l’on perçoit ; de sorte qu’en un certain sens la première expérience est une auto-perception.
Par une nécessité de l’entraînement occulte, naturelle à ce point de son évolution, l’âme acquiert alors une pleine conscience que la première chose qu’elle perçoit dans le monde de l’imagination n’est autre que sa propre essence. Les images surgissent devant elle comme des éléments d’un monde tout nouveau, mais elle doit reconnaître qu’elles ne font que refléter l’être psychique épanoui par la discipline occulte. Il ne suffit pas que le jugement constate cette identité : la volonté doit devenir assez forte pour éteindre à tout moment ces images et pour les exclure du champ de la conscience. L’âme doit se mouvoir en toute liberté parmi ces images : c’est l’indice d’une évolution correcte et régulière. Sans cette liberté de mouvements, l’âme se trouverait dans le domaine spirituel aussi embarrassée qu’une âme qui, dans le monde physique, demeurerait enchaînée à l’objet sur lequel elle aurait une fois porté son attention. Il y a un seul groupe d’images que l’on peut se dispenser d’éteindre ainsi : ce sont les perceptions imaginatives qui représentent le noyau central de l’âme, ce dans quoi l’étudiant reconnaît l’élément qui demeure indestructible au travers des existences terrestres multiples. À ce degré d’évolution, la connaissance des réincarnations successives devient une expérience réelle et concrète. Mais pour toutes les perceptions imaginatives autres que celles-là, il faut conserver la liberté de mouvements indiquée plus haut. Et c’est seulement après avoir acquis cette faculté d’extinction à volonté à l’égard des perceptions supérieures que l’on accède aux réalités spirituelles. Les perceptions éteintes reparaissent sous une forme nouvelle et elles répondent alors à une réalité spirituelle extérieure. On se sent, psychiquement, devenir un être déterminé au lieu de l’être indécis que l’on était auparavant. De cette auto-perception, il faut ensuite passer à l’observation d’un monde extérieur psycho-spirituel. Cette observation intervient lorsque l’on cultive ses expériences internes de la manière suivante.
Au début, l’âme de l’étudiant se sent débile en face de tout ce qu’elle a à percevoir dans le monde psycho-spirituel. Il lui faut déjà une grande énergie pour maintenir par la concentration les symboles et autres représentations construits avec les éléments donnés par la perception extérieure. Mais s’il veut, en outre, s’élever à une véritable observation des réalités supérieures, il faut qu’il dépasse même ces représentations. Il doit pouvoir se maintenir dans un état de conscience où toute impression des sens physiques lui fait défaut et où, de plus, même les représentations artificielles décrites plus haut sont rayées de la conscience. Il ne peut atteindre à ce résultat que grâce au mode de conscience acquis par la concentration. Il s’agit de développer une force animique assez puissante pour que les produits de la concentration soient réellement perçus en esprit, et n’échappent pas à l’attention ; comme c’est le cas tant que l’énergie interne est encore faible.
L’étudiant qui pratique la concentration prendra conscience graduellement d’une certaine activité durant son sommeil. Il sentira qu’il ne dort pas totalement pendant son sommeil, mais que son âme connaît des intervalles où elle déploie une certaine activité. Dans cet état la nature même écarte les influences extérieures que l’âme n’a pas encore la force d’écarter pendant la veille. Lorsque les exercices de concentration commencent à produire leur effet, l’âme s’échappe pendant le sommeil de l’état d’inconscience et se sent en contact avec le monde psycho-spirituel. Ce contact peut s’établir de deux manières. Ou bien l’homme peut, pendant son sommeil, se dire nettement : Je suis dans un autre monde, ou bien il peut à son réveil se souvenir et penser : J’étais dans un autre monde. Le premier contact exige une dépense d’énergie plus considérable que le second. Aussi, c’est le second qui se présente dans la plupart des cas chez l’étudiant. Peu à peu, la conscience progresse et l’étudiant en arrive à se dire au réveil : J’ai passé tout le temps de mon sommeil dans un autre monde et je n’en suis sorti qu’au réveil. Le souvenir qu’il garde des êtres et des choses de ce monde se précisera sans cesse davantage. Dans les deux cas le phénomène qui s’est produit chez l’étudiant est celui qu’on nomme en occultisme la continuité de la conscience.Ce phénomène n’implique nullement que l’homme soit conscient pendant tout le temps de son sommeil, mais c’est déjà une précieuse conquête pour lui que de connaître, durant son sommeil, certains intervalles où il est conscient d’un monde psycho-spirituel, ou de se souvenir de ces états de conscience au réveil.
Grâce à ses expériences l'âme s’assimile assez de forces pour écarter pendant la veille les influences perturbatrices du monde extérieur, et parvenir à la perception psycho-spirituelle. Il faut pour cela que les sensations aient disparu, que la pensée logique liée au cerveau physique fasse silence, et que les images même qui ont servi d’objets aux concentrations préparatoires soient éloignées de la conscience.
Deux expériences de l’âme sont capitales dans cette évolution spirituelle. La première est celle que fait l’homme lorsqu’il se dit : « Si je fais abstraction de toutes les impressions que peut m’apporter le monde extérieur, ce que je vois en regardant dans ma vie intérieure, c’est un être, dont les activités ne sont pas éteintes, mais qui est conscient de lui-même dans un monde dont je ne sais rien aussi longtemps que je me laisse dominer par les sensations extérieures. » L’âme éprouve à cet instant le sentiment qu’elle a donné naissance à un nouvel être. Et cet être possède des qualités tout autres que celles qui appartenaient jusqu’alors à l’âme. La seconde expérience consiste pour l’étudiant à considérer son être intérieur comme un second être qui vivrait à ses côtés. L’organisme dans lequel auparavant il lui semblait être enfermé devient en quelque mesure un objet extérieur en face duquel on se trouve. Il se sent par intervalles hors de ce qu’il considérait auparavant comme sa personne, comme son Moi. Il lui semble vivre divisé entre deux Moi. L’un est celui qu’il a connu jusqu’alors. Le second le domine, semblable à un être nouveau-né. Il éprouve que le premier jouit à l’égard du second d’une certaine autonomie, tout comme l’organisme humain jouit d’une certaine autonomie vis-à-vis du Moi normal. Cette expérience est d’une haute importance. Elle montre à l’homme ce que c’est que vivre dans le monde qu’il s’efforce d’atteindre par la discipline occulte. Le second Moi, le nouveau-né, peut maintenant passer à l’étude du monde spirituel. Il peut faire éclore en lui les organes qui remplissent la même fonction à l’égard de ce monde que les organes sensoriels à l’égard du monde physique. Lorsque ce développement a atteint un certain niveau, l’homme, non content d’avoir pris conscience de son nouveau Moi, percevra dans son ambiance des objets et des êtres spirituels, tout comme il perçoit le monde physique à l’aide de ses sens. Et c’est là la troisième grande expérience. Pour progresser convenablement dans cette phase de son développement occulte, l’étudiant doit tenir compte qu’avec le renforcement de ses forces psychiques l’amour de soi et l’égoïsme prennent une extension inconnue dans la vie intérieure normale. Ce serait s’abuser que de s’imaginer que dans cette phase on n’a affaire qu’à l’égoïsme banal. L’égoïsme s’y transforme en vraie force de la nature et il faut une volonté d’une énergie exceptionnelle pour en triompher. Cette éducation de la volonté doit en tout temps marcher de pair avec l’entraînement occulte. L’homme se sent fortement poussé à jouir de son bonheur dans le monde qu’il s’est créé à lui-même. Il faut pouvoir, en quelque sorte, anéantir ce qui fut l’objet de tant d’efforts. Il faut pouvoir s’éteindre soi-même dans le monde imaginatif que l’on vient d’atteindre ; les impulsions les plus fortes de l’égoïsme s’opposent à cette extinction. La qualité maîtresse de la pensée humaine dans tous les domaines, c’est l’objectivité. Dans le monde physico-sensible, c’est la vie qui se charge d’enseigner cette qualité au Moi humain. Si l’âme laissait vagabonder ses pensées, la vie se chargerait vite de la corriger, ou sinon toutes deux entreraient en conflit. L’âme est contrainte de penser en conformité avec les réalités de l’existence. Mais lorsque l’homme détourne son attention du monde physico-sensible, le correctif obligatoire lui fait défaut. Si sa pensée n’est pas en mesure de se contrôler elle-même, elle tombe dans le vagabondage. Ainsi la pensée de l’étudiant doit-elle être entraînée à se fixer elle-même sa direction et son but. Fermeté intensive et faculté de s’appliquer exclusivement à un objet, telles sont les qualités que doit acquérir la pensée.
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