Comment pourrions-nous voyager dans le temps ?On ne peut ni le voir, ni le sentir, ni le toucher, et pourtant il gouverne nos vies : le temps. Mais ce flux invisible qui englobe les notions de passé, de présent et d’avenir peut-il être contrôlé ?
Après avoir été cantonnée pendant longtemps au domaine de la science-fiction, cette idée a fini par faire son chemin, notamment grâce à la formulation de la théorie de la relativité restreinte d’Albert EINSTEIN, qui autorise explicitement certaines dilatations du temps, et entrouvre par là même la porte du voyage temporel.
Certains scientifiques estiment aujourd’hui que le temps pourrait être – en partie du moins – maîtrisé, et qu’il serait ainsi possible de propulser un voyageur dans le futur en utilisant des vitesses proches de celle de la lumière, voire de lui faire remonter le cours du temps pour l’expédier dans le passé.
Chacune de ces théories repose sur la mise au point de dispositifs que les progrès exponentiels de la physique et de la technologie permettront peut-être de fabriquer dans un avenir proche. Ce documentaire explore ces différentes possibilités de voyager dans le temps.
. Constante universelle
Nous sommes tous des voyageurs à bord du train du temps. Ce concept a été développé par l’être humain au fil de son évolution pour lui permettre d’appréhender les changements dans le monde qui l’entoure et de structurer ceux-ci. L’étymologie du mot est révélatrice de ce besoin d’un découpage du temps en différentes périodes. « Temps » provient en effet du latin tempus, de la même racine que le grec temnein, qui signifie « couper », un concept qui fait référence à une division du flot temporel en éléments finis.
De là découlent les trois périodes qui définissent le temps historique : le passé, qui englobe la réalité qui n’est plus (notion d’antériorité), le présent, qui définit ce qui est en train d’avoir lieu dans l’espace du réel (notion de simultanéité), et le futur, qui désigne ce qui n’a pas encore eu lieu (notion de postériorité). Notre représentation basique du temps intègre donc cette idée d’un déplacement le long de cet axe passé-présent-futur, déplacement qui s’effectue à une « vitesse » unique, seconde après seconde.
. Théorie de la relativité
Mais cette vitesse pourrait-elle être modifiée ? En clair, serait-il possible de voyager dans le temps ? Si cette idée a été très largement popularisée par la littérature, le cinéma et les séries télé, elle semblait cependant cantonnée au domaine de la science-fiction. Pourtant, d’un point de vue strictement scientifique, aucune loi physique ne va à l’encontre du voyage dans le temps. Ce constat, qui sonne comme un coup de tonnerre, découle des théories formulées par EINSTEIN. La première, dite « théorie de la relativité restreinte », rendrait ainsi possible les voyages temporels dans le futur, tandis que la seconde, ou « théorie de la relativité générale » ouvrirait la perspective fascinante de déplacements temporels pouvant s’effectuer dans les deux sens : présent- passé ou présent-futur !
La théorie de la relativité restreinte fut présentée par EINSTEIN en 1905. Il y formulait une conclusion stupéfiante pour l’époque : celle affirmant que le temps se trouvait ralenti pour une personne en mouvement comparé à celui d’une personne immobile. Illustrée par un exemple, cette théorie revient à dire que le tic-tac d’une horloge se trouvant dans un train lancé à toute vitesse est plus lent que celui d’une autre horloge située à l’extérieur. Ce concept révolutionnaire repose sur l’étude des propriétés de la lumière. Deux de ses particularités essentielles sont sa vitesse constante (300 000 km/s) et son invariabilité : sa vitesse reste en effet la même quelle que soit la vitesse avec laquelle on s’en approche ou s’en éloigne. Quelqu’un se trouvant à bord d’un engin qui voyagerait à la vitesse de la lumière pourrait ainsi théoriquement continuer à voir son reflet dans l’une des vitres de ce véhicule. Ce fait été le catalyseur de la théorie d’EINSTEIN, qui en a déduit que si, dans cet exemple, la vitesse de la lumière ne variait pas, générant un reflet quelle que soit la vitesse de déplacement du véhicule, il fallait nécessairement que d’autres éléments varient : en l’occurrence, l’espace et le temps, qui se contractent et ralentissent respectivement.
. Principe de dilatation temporelle
Cette théorie de la relativité contenait la clé du voyage temporel. On peut en effet la résumer au paradigme suivant : plus la vitesse de déplacement est importante, plus le temps ralentit de manière à ce que la vitesse de la lumière reste constante. Ce principe de dilatation du temps a pu être démontré grâce à une horloge atomique installée à bord d’un train à grande vitesse. Constituée d’une boule de lumière rebondissant entre deux miroirs à la vitesse d’une seconde par mouvement vertical, cette horloge est observée tandis que le train avance. On constate alors que la boule de lumière ne se déplace plus verticalement, mais en diagonale. Pourtant, la vitesse de la lumière n’a pas été modifiée ; c’est le temps qui a ralenti, expliquant ce changement de trajectoire. Mais le temps n’est pas le seul phénomène à être affecté par la vitesse, l’espace se contracte également. Ainsi, lorsque le train accélère, ses atomes sont comprimés, provoquant un phénomène d’accordéon qui va contracter l’espace.
Bien entendu, comme la vitesse de déplacement d’un train est considérablement éloignée de cette de la lumière, la variation du temps qu’elle engendre est anecdotique. Pour observer une dilatation temporelle plus importante, une expérience plus ambitieuse a été réalisée dans les années 70. Deux horloges atomiques à haute précision ont été utilisées pour cela. La première a été placée à bord d’un avion qui a parcouru le tour du globe à une vitesse proche de celle du son, tandis que la seconde horloge était confinée à l’intérieur d’un laboratoire. Au retour, les scientifiques ont pu constater que l’horloge de l’avion avait environ 50 milliardièmes de seconde de retard sur celle qui était restée au sol, confirmant ainsi la théorie d’EINSTEIN.
. De la théorie à la réalité ?
Certains chercheurs pensent aujourd’hui que le progrès exponentiel des sciences et des technologies pourrait bientôt transformer cette théorie du voyage dans le temps en réalité tangible. Il suffirait pour cela de concevoir un véhicule capable de se déplacer à une vitesse proche de celle de la lumière. Puisque celle-ci est constante, le temps s’écoulerait en effet plus lentement pour un voyageur embarqué à bord de ce véhicule que pour une personne restée sur terre. Ses fonctions corporelles seraient aussi affectées par ce ralentissement temporel, ce qui l’empêcherait de vieillir. Il deviendrait alors possible de voyager à travers le continuum temporel et d’en sortir. L’amplitude de ce bond dans le futur dépendrait de la vitesse du mouvement, plus celle-ci étant importante, plus lointain serait le saut effectué dans le futur.
Mais la possibilité qu’un « futuronaute » puisse ainsi effectuer un bond en avant dans le temps se heurte à certains écueils physiques. L’espace se contracterait en effet lui aussi proportionnellement à la vitesse atteinte, conformément à la célèbre équation d’Einstein, E=MC², qui exprime l'équivalence entre la masse et l'énergie. Or la masse d’un objet augmentant avec sa vitesse, cela voudrait dire que plus vite un véhicule temporel se déplacerait, plus il deviendrait lourd. Au moment d’atteindre la vitesse de la lumière, sa masse deviendrait donc tellement importante qu’il ne pourrait quasiment plus bouger et s’immobiliserait. Le temps lui-même s’arrêterait alors. Pour voyager dans le futur, il faudrait donc concevoir un véhicule capable de frôler la vitesse limite universelle, c'est-à-dire celle de la lumière, sans la dépasser.
. Voile solaire
De tels dispositifs existent déjà : il s’agit d’accélérateurs de particules géants, tels que le LHC (Large Hadron Collider) mis au point par le CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire), situé à la frontière franco-suisse et mis en service en 2008. Des chercheurs ont réussi à y accélérer certaines particules jusqu’à 99, 995% de la vitesse de la lumière. Ces particules formant les atomes, qui forment eux-mêmes la matière, cela signifie qu’en théorie, un véhicule temporel et ses occupants pourraient être eux aussi propulsés à cette vitesse atteignant 99, 995% de celle de la lumière. Mais à ce jour, aucune technologie existante ne permet de réaliser une telle prouesse.
Des pistes sont toutefois à l’étude. L’un des moyens envisagés par les chercheurs pour s’approcher de ce seuil de vitesse universelle est la voile solaire laser, autrement dit, un miroir géant qui serait déployé dans l’espace autour de l’engin faisant office de capsule temporelle. Un laser géant placé à proximité enverrait alors un faisceau hyper-puissant en direction de cette voile solaire, propulsant le véhicule et ses occupants vers le futur à une vitesse qui finirait par frôler celle de la lumière. Mais cette technologie se heurterait au problème des nuages de gaz interstellaire, qui freineraient la progression du vaisseau et ralentirait sa vitesse.
Pour contourner cet écueil, d’autres solutions sont à l’étude, dont celle du propulseur à antimatière. Les atomes d’antimatière sont composés d’électrons et de protons dont la charge est opposée à celle de la matière normale. Combinées, la matière et l’antimatière s’annulent mutuellement en produisant l’énergie la plus puissante connue à ce jour par les scientifiques, les photons gamma, qui pourraient ainsi faire office de « combustible » du propulseur afin de compenser le ralentissement dus aux gaz interstellaires. A cette vitesse constante frôlant celle de la lumière, un futuronaute pourrait alors foncer à travers le continuum temporel, s’en extraire pour faire faire un demi-tour à son véhicule en utilisant l’appui gravitationnel d’une étoile ou d’une planète – une procédure classique qui fut utilisée pour les missions Apollo autour de la Lune – avant de retourner vers la Terre. La voile solaire laser serait déployée en bout de course pour ralentir la vitesse du vaisseau et permettre sa rentrée normale dans notre atmosphère, comme pour n’importe-quel engin spatial.
C’est ici qu’intervient la dimension fantastique du voyage temporel, car cet engin se poserait sur une Terre futuriste. En effet, selon les horloges terrestres, 1000 ans se seraient écoulés depuis le départ du futuronaute, alors que dans le même temps, les horloges à bord du vaisseau et le métabolisme du voyageur n’auraient enregistré qu’une progression de dix années : la relativité du temps aurait bel et bien permis de voyager dans le futur.
. Trous noirs
Un autre moyen de visiter le futur consisterait à utiliser les nombreux trous noirs présents dans notre Univers, en se basant sur leurs propriétés gravitationnelles. Une fois encore, ce sont les découvertes d’EINSTEIN qui ont levé une partie du mystère entourant cette possibilité de voyager dans le temps. EINSTEIN a en effet constaté que les rayons lumineux se courbaient ou se réfractaient en présence d’objets stellaires massifs, comme les étoiles et les planètes. Cette découverte cruciale lui a permis de combiner les principes de la gravité avec ses travaux antérieurs sur la relativité et de mettre ainsi au point sa fameuse théorie de la relativité générale, qui décrit l'influence sur le mouvement des astres de la présence de matière et, plus généralement d'énergie. Cette théorie présente l’espace et le temps comme un tissu qui se courbe et se déforme en fonction de la masse qu’il supporte à un point donné. Les objets comme les étoiles et les planètes y provoquent ainsi des distorsions proportionnelles à leur masse, distorsions qui altèrent la trajectoire de la lumière. Le génie d’EINSTEIN consista à se rendre compte que si l’espace était flexible dans ce système, alors le temps l’était aussi. C’est de ce constat que découle le concept d’une quatrième dimension propre au temps.
Si l’espace et le temps sont intriqués, cela signifie que le temps lui aussi se dilate, se contracte, se courbe et se réfracte en différents endroits, semblable aux fluctuations du cours d’une rivière. Sa vitesse d’écoulement dépendrait alors de la taille et de la forme des obstacles qui se trouvent sur son chemin. La gravitation pourrait donc être utilisée pour distordre le temps afin de voyager dans le futur. Dans l’Univers, seuls les trous noirs seraient capables de générer un champ gravitationnel susceptible de permettre un tel voyage.
Ces objets constitués de matière ayant atteint une masse critique sont similaires à des « puits » coniques s’enfonçant dans la texture de l’espace et provoquant d’importantes perturbations gravitationnelles. Le temps est bien entendu altéré par ces champs gravitationnels ; de ce fait, une personne qui parviendrait à s’approcher suffisamment d’un trou noir, verrait son horloge ralentir au point que quelques minutes écoulées pour elle équivaudraient à plusieurs siècles pour tous les autres.
Dans la pratique, l’idée reste la même que pour le voyage à la vitesse de la lumière : il suffirait d’expédier un futuronaute à bord d’une capsule dans la zone de « neutralité temporelle » située à proximité du trou noir, de le laisser séjourner là un certain temps, puis de le ramener vers la Terre, où des siècles se seraient écoulés alors que l’horloge biologique du futuronaute n’aurait enregistré qu’un écoulement temporel de quelques années.
. Boucle temporelle fermée
En revanche, voyager physiquement vers le passé s’avèrerait bien plus compliqué. Il faudrait en effet pour cela dépasser la vitesse de la lumière, ce qui est impossible dans l’état actuel de la théorie de la relativité. Il se pourrait cependant qu’une faille existe. En effet, la gravitation pourrait être utilisée de manière à déformer l’espace-temps comme une feuille de papier que l’on plierait pour former un rouleau. En se déplaçant en avant vers le futur, un voyageur se retrouverait alors pris dans ce « looping spatio-temporel » et son trajet se transformerait en retour en arrière.
Les conséquences d’un tel voyage dans le passé seraient fantastiques. Un voyageur temporel pourrait ainsi revenir à un point antérieur à son point de départ et se retrouver confronté à un autre lui-même qui ne serait pas encore parti ! C’est sur de tels « accidents « chronologiques que repose le concept de paradoxe temporel.
Ce concept a beau sembler fou, il fait cependant l’objet de recherches scientifiques très sérieuses. Les physiciens lui ont donné le nom de « boucle temporelle fermée » et pensent pouvoir mettre au point une machine qui serait capable d’effectuer l’un de ces « loopings » dans le continuum temporel. L’un des modèles d’un engin de ce type se base sur les travaux de Frank TIPLER, professeur de physique mathématique de l'Université Tulane à la Nouvelle Orléans. Dans les années 70, TIPLER a imaginé un gigantesque cylindre rotatif tournant sur lui-même dans l’espace à une vitesse proche de celle de la lumière ; ce dispositif pourrait tordre l’espace autour de lui et emprisonner le temps à l’intérieur de la boucle ainsi créée. En suivant le cours du cylindre, on reviendrait alors en arrière ; le voyageur aurait l’impression de continuer à avancer vers le futur, mais le cours tu temps étant détourné par l’effet de boucle, il retournerait en réalité dans le passé.
. Cordes cosmiques
Toutefois, même si un tel dispositif venait à être construit, il serait impossible de remonter le temps au-delà du moment où la machine a été créée, ce qui limiterait singulièrement les possibilités de ce voyage. Pour se déplacer librement à travers le continuum temporel et accéder à n’importe-quelle « région » du passé, il faudrait concevoir une machine d’une toute autre nature.
Certains scientifiques placent leurs espoirs de voyage illimité vers le passé dans des objets purement théoriques qui n’ont jamais été observés pour le moment mais dont l’existence est fortement pressentie : les cordes cosmiques. Ces objets auraient été créés quelques fractions de secondes après le Big Bang ; il s’agirait de fines bandes vibrantes constituées de matière très dense produisant de l’énergie tandis qu’elles flottent et se déplacent à travers l’Univers. Les cordes cosmiques atteindraient le poids stupéfiant d’un milliard de tonnes par centimètre, ce qui en ferait les objets les plus lourds de l’Univers. Cette densité leur donnerait des propriétés gravitationnelles susceptibles de déformer l’espace-temps.
Deux cordes cosmiques seraient nécessaires pour envisager de voyager dans le temps par ce moyen. Ces élastiques de matière se déplacent en effet à une vitesse qu’on estime à la moitié de celle de la lumière ; le croisement de deux de ces bandes génèrerait ainsi une telle quantité d’énergie qu’il affecterait nécessairement la structure de l’espace-temps. Des pans entiers d’espace disparaîtraient subitement et celui-ci se replierait sur lui-même, créant un raccourci dans le cours du temps. Ce chemin ne serait plus rectiligne mais courbé, ce qui permettrait d’aller beaucoup plus rapidement que la lumière pour se rendre d’un point A à un point B de cet espace-temps modifié.
Avec à ces failles spatio-temporelles, également appelées « trous de ver », les scientifiques pensent qu’il serait possible de voyager sur des distances considérables en jouant simplement sur la structure de l’espace-temps. Plus besoin, en effet, d’atteindre des vitesses phénoménales si les points de départ et d’arrivée se rapprochent grâce à une courbure de l’espace-temps, dont les bords se rejoindraient comme ceux d’une feuille de papier pliée. Ce déplacement pourrait même se transformer en voyage dans le temps si l’une des extrémités de ce « tunnel » était accélérée par rapport à l’autre. Pour retourner 10 ans en arrière, il suffirait ainsi de faire tourner le trou d’entrée à 99, 995% de la vitesse de la lumière pendant l’équivalent de 100 années terrestres. Un engin qui se déplacerait dans ce tunnel verrait son horloge tourner dix fois plus lentement qu’une horloge restée sur Terre et ressortirait de ce fait à une époque antérieure, autrement dit, il aurait remonté dans le passé !
. Paradoxe du grand-père
L’existence des trous de vers pourrait faire disparaître toutes les limites du voyage dans le passé. Pourtant, certains scientifiques émettent de sérieux doutes sur la viabilité de telles incursions dans le passé. Ce type de déplacement temporel se heurte en effet à la violation du principe de causalité, qui veut que tout événement soit la conséquence d'une cause. Un tel paradigme n'autorise pas une cause à avoir lieu après son effet, or le voyage dans le passé induit justement cette possibilité, connue sous le nom de « paradoxe du grand-père ».
En effet, que se passerait-il si un voyageur temporel tuait accidentellement son grand-père en remontant dans le passé ? Comment pourrait-il naître ? Partant du postulat de cette non-naissance, comment aurait-il alors pu voyager dans le temps pour tuer son grand-père puisqu’il aurait été censé ne jamais avoir existé ? Il suffit de réfléchir quelques instants à ce casse-tête pour saisir toute la complexité du paradoxe du grand-père, a priori totalement insoluble!
. Multivers
Contourner ce paradoxe pourrait toutefois s’avérer possible en envisageant l’existence d’autres univers et d’autres cours du temps. Cela consisterait à envisager l’espace-temps comme un trajet ponctué par une série d’embranchements ; à chacun de ces embranchements correspondrait un cours du temps différent, et donc une réalité modifiée par rapport à ce qu’elle aurait pu être. Dans ce schéma, nos vies ne seraient alors qu’une « trajectoire » possible parmi tout un éventail de possibilités qui s’accompliraient dans d’autres univers, d’autres cours du temps.
Cette théorie est délicate à appréhender pour un esprit rationnel ; elle trouve cependant du sens dans le monde quantique, où l’observation scientifique a démontré qu’un même électron pouvait se trouver simultanément à deux endroits. Ce « principe d’incertitude », qui stipule que l'univers n'est ni prévisible ni déterministe, a été formulé par le scientifique Allemand HEISENBERG dans les années 20 et constitue la base de la théorie quantique. Ainsi, pour expliquer qu’un électron puisse se trouver simultanément en deux endroits – ce qui semble a priori impossible à accepter – les scientifiques ont imaginé un état intermédiaire d’ « électron parallèle ». Cette explication laisse entrevoir la possibilité d’univers multiples, également appelés « multivers », où des réalités voisines cohabiteraient les unes avec les autres, permettant ainsi à différents états de la matière d’exister simultanément, comme pour les électrons.
Appliqué à l’échelle nos vies, cela reviendrait à formuler le postulat suivant : à chaque fois qu’un individu prend une décision, l’univers peut changer de voie, comme un train, et donner ainsi naissance à une branche de la réalité dans laquelle cette décision n’aurait jamais été prise ou aurait eu des conséquences différentes. Le paradoxe du grand-père pourrait être résolu de cette façon : si un voyageur temporel tuait accidentellement son grand-père, l’univers se rattacherait alors à une réalité parallèle dans laquelle cet accident n’aurait jamais eu lieu. Si de tels univers parallèles existaient, les voyages dans le passé seraient alors sans danger, l’univers trouvant toujours le moyen de corriger la trajectoire des événements susceptibles d’avoir été modifiés en utilisant les embranchements de réalités alternatives. Dans chacun de ces nouveaux mondes commencerait alors une nouvelle histoire effaçant l’ancienne.
. Dispositif expérimental
En attendant, des chercheurs continuent à vouloir percer les mystères du temps. C’est le cas du physicien Ronald MALLETT, professeur de physique à l'université du Connecticut, qui a mis au point un système de distorsion du temps par laser. Partant de la théorie de la relativité générale d'Einstein, dans laquelle la matière et l'énergie peuvent créer un champ gravitationnel, Ron MALLETT entend démontrer que l'énergie d'un faisceau lumineux peut générer elle-même un champ gravitationnel susceptible de courber l’espace-temps et créer ainsi une boucle temporelle fermée. Ses recherches sont pour le moment à un stade expérimental, mais le programme de recherche du Dr. MALLETT progresse remarquablement et bénéficie du soutien administratif et de l'appui financier de l'université du Connecticut.
Un jour, ces projets de voyage dans le temps pourraient donc bien devenir réalité, permettant d’envoyer des « chrononautes » loin dans le futur, ou de leur faire remonter le cours du temps pour explorer le passé. Tous les rêves sont permis. Mais cette maîtrise du temps ne pourrait-elle pas également amener l’humanité à vouloir réécrire son histoire, ou corriger sa destinée ? Quelles en seraient alors les conséquences ?
L’étude d’un passé que nous ne pouvons plus modifier nous incite en effet à apprendre de nos erreurs afin d’essayer de ne pas les reproduire, et le futur qui est en gestation dans le présent donne à celui-ci une importance dont il serait peut-être dépourvu si nous savions que nous pouvions l’effacer comme sur une ardoise magique... En attendant que la physique et la technologie nous livrent les clés du temps, celui-ci reste donc un territoire inviolable que nous pouvons seulement explorer par le biais de notre imagination, et qui sait si ce n’est pas mieux ainsi ?
EN RÉSUMÉ : Alors que de nombreux documentaires consacrés à la possibilité de voyager dans le temps s’égarent dans les méandres de théories fumeuses, celui-ci frappe au contraire par son sérieux et sa rigueur scientifique. Exit donc, les élucubrations de la science-fiction, pour faire place aux explications claires et précises des différents moyens qui pourraient bien nous permettre de réaliser à plus ou moins long terme le vieux rêve du voyage dans le temps.
Chacune de ces inventions fait l’objet d’explications très fouillées qui passent en revue leur faisabilité tout en n’omettant pas de signaler les différents écueils techniques ou théoriques qui leur barrent encore la route. Certains concepts ont beau être assez ardus – boucle temporelle fermée, théorie des cordes, principe des trous de ver, etc. – le souci de vulgarisation rend les explications limpides sans pour autant sacrifier à la rigueur des démonstrations scientifiques. La compréhension du spectateur n’est donc jamais prise en défaut, même si on ne possède quasiment aucun bagage sur ces sujets.
Au final, le thème du voyage dans le temps est donc traité de manière très exhaustive, l’association de commentaires didactiques, d’interviews de spécialistes et d’images de synthèse très réussies montrant le fonctionnement des différents dispositifs évoqués créant un cocktail parfait d’explications et d’illustrations. Instructif autant que passionnant : que demander de plus ?