Le curé de 43 ans, qui exerçait à Megève, en Haute-Savoie, restera prêtre, mais n'aura plus le droit d'exercer. Une sanction très rare en France.
Par AFP
Le curé de la paroisse de Megève, en Haute-Savoie, a été démis de ses fonctions à la demande du Vatican en raison de sa persistance à faire partie de la franc-maçonnerie, une sanction exceptionnelle en France. Le Vatican considère qu’il y a incompatibilité entre appartenance à l’Église catholique et à la franc-maçonnerie.
Le père Pascal Vesin, curé de la station de ski huppée de Megève, restera prêtre «mais sans droit d’exercer», a annoncé vendredi le diocèse d’Annecy. Il devrait continuer à être rémunéré pendant 6 à 12 mois.
«Cela faisait quelque temps que j’avais cette épée de Damoclès, mais je ne pensais pas qu’ils iraient jusque-là», a réagi le père Pascal Vesin auprès de l’AFP. Depuis jeudi, il fait l’objet d’une «excommunication temporaire» avec interdiction de recevoir les sacrements, selon ses propres termes.
Âgé de 43 ans, le père Pascal officiait depuis 17 ans dans différentes paroisses de Haute-Savoie (Thonon-les-Bains, Annemasse et à Megève). Il avait rejoint en 2001 une loge du Grand Orient de France, première obédience franc-maçonne en France, souvent considérée comme anticléricale. Une vision qui n’a plus lieu d’être, selon le prêtre. «Le combat entre l’Église et la franc-maçonnerie date de la IIIe République, ce n’est plus de mise», juge-t-il.
En 2010, un courrier anonyme adressé à l’évêque d’Annecy, Mgr Yves Boivineau, a révélé la double appartenance de l’ecclésiastique qui l’a d’abord niée. Après un deuxième courrier anonyme en 2011, le père Vesin a finalement avoué être franc-maçon. «Il lui a été demandé de quitter la franc-maçonnerie pour se consacrer à son ministère de prêtre», ce que l’intéressé a refusé, a indiqué le diocèse dans un communiqué vendredi.
«Je trouve une complémentarité dans la double appartenance», a affirmé Pascal Vesin, en disant apprécier le «travail sur les questions de société» du Grand Orient. L’évêque d’Annecy a tenté de le convaincre de revenir sur ses positions, sans succès. «Je tiens à cette liberté de pensée et de parole qui m’est inspirée par l’évangile», a-t-il poursuivi.
«Tremblement de terre» à la paroisse
En mars dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi, créée en 1542 à Rome pour défendre à l’époque l’Église des hérésies mais aujourd’hui pour promouvoir la doctrine de l’Eglise catholique, a exigé le départ du prêtre.
Après un nouveau délai, l’évêque lui a notifié jeudi les conséquences de son choix. «Rien ne reste fermé», selon le communiqué diocésain où il est dit que «la peine, dite "médicinale", peut être levée» si le prêtre quitte la franc-maçonnerie. Une telle décision de l’Église est «tout à fait exceptionnelle», estime Claude Legrand, grand secrétaire de la Grande Loge nationale française (GLNF). Cette obédience, qui affirme sa croyance en un Dieu, qui n’est pas le Dieu des chrétiens, compte «une bonne poignée» de prêtres sur 26 000 maçons, selon lui.
«Le Vatican n’aime pas la franc-maçonnerie française à cause du rayonnement du Grand Orient de France, qui a un côté anticlérical», explique Claude Legrand. «Pour tout le monde, le franc-maçon est un bouffeur de curés», regrette-t-il.
Interrogée, la Conférence des évêques de France n’était pas en mesure de dire vendredi si des cas similaires à celui du père Vesin se sont déjà produits en France. L’abbé Jean-Claude Desbrosse avait bénéficié en 1980 d’une autorisation d’appartenance à l’ordre maçonnique par son évêque, avait révélé un faire-part de décès paru dans le Figaro en 1999.
A Megève, «c’est un peu le tremblement de terre sur la paroisse», confiait le père Vesin vendredi, en disant avoir reçu «énormément de messages» de soutien et quelques critiques. Le curé avait habitué ses paroissiens à des positions assez iconoclastes en se prononçant en faveur de l’ordination des prêtres mariés et en soutenant le mariage homosexuel.
L’Église «se trompe de combat» sur le mariage homosexuel, avait-il déclaré en janvier dans l’hebdomadaire local Le Messager, regrettant «un fort relent d’homophobie» sur le sujet. Aujourd’hui, le prêtre dit n’avoir «aucune idée» concernant son avenir. «Je suis fait pour être prêtre. J’y croyais. J’ai une foi énorme, je sais que je vais rebondir», assure-t-il.
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