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 Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes»

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akasha

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MessageSujet: Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes»   Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes» I_icon_minitimeLun 19 Déc 2016 - 1:25

Bonsoir mes frères et mes sœurs  I love you
Aujourd'hui je vous proposes un article qui vaut vraiment la peine d'un prime time car il est très bien écrit et surtout impartiale et sans parti-pris sur la situation à Alep. Ça fait du bien de lire enfin un article hors de la propagande ou d'une position trop partisane. La journaliste ne manque pas de pointer du doigts les lourdes responsabilités des groupes terroristes ou de la partialité coupable de la presse alignée ! Nous sommes pour l'instant dans une période charnière, où la presse dominante est au aboie et redouble de propagande diffusant de fausses infos sans vérification des sources car elle sait que sa perfidie va être mise au grand jour, mais dans le même temps on s’aperçoit déjà que certaines vérités tombent au compte goûte ici et là comme j'en ai déjà montré auparavant ! Mais à terme se sera comme pour l'Irak on saura la vérité comme de quoi les faux rebelles ne sont que des mercenaires à la solde de l'OTAN qui avait pour mission de déstabilisé le gouvernement Assad. Ces groupes appartiennent à Al Qaida responsable de la plupart des attentats islamiques des 15 dernières années. Ou plus récemment en Belgique, en France. Tout comme pour Daech qui a été instrumentalisé et aidé aussi par l'OTAN, leur laissant prendre les armes, leur fournissant une logistique et les encadrant d'officiers de l'OTAN et auront fini par commettre des attentats jusqu'à chez-nous, des hommes politiques auront des comptes à rendre, notamment, Hollande, Valls ou Fabius. Dernièrement ont déjà été arrêté Des officiers US  à Alep-Est. Les médias oublient aussi de pointé du doigts les massacres perpétrés sur les civils à Mossoul, alors que la Russie libère enfin Alep qui je le rappelle est une ville libre à la base sous l'égide d'un gouvernement souverain n'en déplaise aus journalistes qui ose utiliser le terme de "La Vieille ville d'Alep tombe aux mains de l'armée Syrienne fidèle à Al-Assad". Ils auraient du dire "Alep enfin libéré du joug des terroristes !". Ces journalistes sont insensés... Ils défendent des terroristes, ceux-là même qui commentent des attentats sur leur sol...  No  Eux aussi rendront des comptes. Les russes ne font aucune distinctions entre ses terroristes, et ce, même si leurs intérêts sont divergents ce qui justement à terme risque d'empirer encore la situation si on ne les éradiquent pas tous. En effet, imaginez maintenant que d'un côté les faux rebelles gagnent et renverse Assad et de l'autre côté Daech garde ses terres conquise, que risque-t-il de se passer ? soit ils négocient et partage les provinces entre-eux créant un chaos inter-ethniques, soit ils en découdre.. Mais dans tout les cas c'est encore les civils qui en payeront le prix fort sans compter que tombant sous un gouvernement islamique et instaurant la Charia ils en baveront aussi... Voilà pourquoi il était primordiale de tous les combattre. Si les russes défendent leurs intérêts commerciaux, militaire (ils ont des bases en Syrie), et géopolitique leurs anciennes frontières et provinces où ils ont encore d'énorme enjeux commerciaux, sans compter que l'OTAN pourrait terminer l'encerclement de la Russie et de les couper de leurs anciennes provinces et d'ainsi leur ravir toutes les sources de matière premières, produit noble et fossile.  C'est donc et surtout les américains et leurs alliés qui porte la plus grande responsabilité.  Dans de telles conjonctures, ils n'avaient pas de solution qui aurait assurer à 100 % une protection des civils, mais les meilleurs solutions pour leur donner un avenir. Car les américains et leurs alliés sont intervenu non pas pour libérer les syriens du méchant Assad, mais pour le grand projet d'oléoduc avorté.  C'est bien le gazoduc du Qatar la vraie raison du conflit ! Car Assad a fini par dire non préférant un autre projet qui disqualifiait le Qatar, les saoudiens ou les turques... Pour le projet russe de Gazprom. D'où en découle finalement une vaste opération anti russe, comprenant sanctions économiques et diabolisation des médias.  
Texte et recherche par Akasha.



Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes»

Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes» 687256-elles-21-elles-portent-longs

FIGAROVOX/ENTRETIEN - La ville d'Alep a été le lieu d'une bataille sanglante depuis 2012. Pour la géopolitologue Caroline Galactéros, une politique d'équilibre des intérêts entre Washington et Moscou serait la seule manière de sauver la Cité antique et le reste du pays.

Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes» XVMc7331f82-c3b7-11e6-bdeb-07c988a4ee63-130x136Docteur en Science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros dirige le cabinet d'intelligence stratégique Planeting. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a publié Manières du monde. Manières de guerre (éd.Nuvis, 2013) et Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis, 2014).

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FIGAROVOX. - L'armée syrienne a repris aux rebelles la ville d'Alep, ancienne capitale économique du pays. Comment percevez-vous le traitement médiatique de cette bataille décisive dans le conflit syrien?

Caroline GALACTEROS
. - Si vous me pardonnez cette franchise, je le trouve globalement déplorable et surtout dangereux. Par ignorance, goût du sensationnalisme et de la polarisation manichéenne des situations, confiance excessive dans les réseaux sociaux, ou par inclination à relayer la doxa véhiculée par le pouvoir et ses alliés, la plupart des médias se sont engouffrés depuis des mois dans la brèche de la facilité et ont relayé bien des informations parcellaires voire fausses (cf. l'affaire des «Casques Blancs» ou «l'opération OSDH» - source unique elle aussi anglaise, clairement contestable et pourtant devenue la référence depuis cinq ans ). Ils ont en conséquence nourri une interprétation déformée des enjeux et des faits. Bref, l'immense majorité des médias occidentaux s'est fait la caisse de résonnance naïve ou parfois sciemment complice d'une vaste entreprise de désinformation sur la nature des «rebelles», les objectifs réels de la guerre, l'idée même d'une guerre civile ou encore la dimension confessionnelle du conflit de fait secondaire mais montée en épingle, etc...

Comment voyez-vous les événements?

   La partie Est de la ville d'Alep a été, dans la douleur et au prix d'une tragédie humaine indéniable, libérée de djihadistes qui s'en étaient emparés dès 2012.


La partie Est de la ville d'Alep a été, dans la douleur et au prix d'une tragédie humaine indéniable, libérée de djihadistes qui s'en étaient emparés dès 2012. La méthode russe de bombardement intensif est évidemment difficilement acceptable au plan humain, au plan des individus. Les forces occidentales notamment françaises, c'est tout à leur honneur, cherchent davantage à éviter des pertes civiles massives. Elles en font malgré tout nécessairement car la précision de ces frappes n'a de «chirurgicale» que le nom. On les appelle alors pudiquement des «bavures» ou des «dommages collatéraux», on les passe sous silence ou on les relaie très peu médiatiquement. Pourquoi? Parce que depuis le début de ce conflit (comme dans bien d'autres d'ailleurs) et notamment depuis l'intervention militaire russe d'octobre 2015, il s'agit de délégitimer voire de criminaliser l'action de Moscou, comme si elle était de nature fondamentalement différente de la nôtre. Or, la différence n'est pas là. Ce sont nos objectifs politiques et militaires qui, malheureusement, sont très différents et c'est d'ailleurs cet écart béant qui, - pour une grande part-, fait durer le conflit et qui fait beaucoup de morts... La polarisation politique délibérée autour d'un «bon» et d'un «mauvais» camp bat son plein. Ce manichéisme est pour moi extrêmement dangereux et renvoie à l'agenda véritable de la Coalition en Syrie aujourd'hui clairement mis en échec par l'intervention de Moscou mais qui est surtout depuis le début, diamétralement opposé à celui de la Russie. En effet, il ne s'agissait pas pour les Etats-Unis, les puissances européennes et les monarchies du Golfe ou la Turquie, de réduire le cancer islamiste sous toutes ses formes - pas seulement celle de Daech, bouc-émissaire spectaculaire -, mais de déstabiliser l'Etat syrien et faire tomber le régime d'Assad coûte que coûte. Il en a coûté effectivement bien des vies innocentes. On a donc crédibilisé dès 2011 les groupes islamistes radicaux issus d'Al-Qaïda pour délégitimer radicalement la résistance du régime syrien (certes brutale et qui au début a volontairement joué sur les islamistes en embuscade pour balayer l'embryon d'opposition démocratique presque immédiatement débordé puis disparu).

Quid de la responsabilité des rebelles dans la situation humanitaire?

   Notre focus systématique sur l'individu escamote la dimension politique et stratégique.


Elle est première. On a passé sous silence les pratiques horrifiantes de ces groupes islamistes (exécutions, tortures, racket, enrôlement des enfants…) pour tenir en otages les populations syriennes - toutes communautés confondues - sous leur coupe afin de se protéger des frappes. Au-delà, le problème de la médiatisation relève de la quadrature du cercle. Il est évident que l'on ne peut que s'indigner en tant qu'humain de ce que subissent les civils dans les guerres car notre focus systématique sur l'individu escamote la dimension politique et stratégique. Et là, on a un problème. Car pour en finir avec les djihadistes d'Alep, il faut pouvoir les séparer de leurs populations-boucliers. Soit par la persuasion, soit par la force. C'est ce qui a fini par arriver lorsqu'enfin ont pu être mis en place (pas grâce aux Etats-Unis) des corridors d'exfiltration des civils et de reddition des derniers djihadistes souhaitant eux-mêmes éviter la mort.

Parleriez-vous de guerre civile?

Il n'y a pas de guerre civile à proprement parler en Syrie. Il y a une guerre contre tous les Syriens (toutes confessions et communautés confondues) qui est menée de l'extérieur contre ces populations. Les rebelles les retiennent sous leur coupe nous l'avons dit, les rançonnent, menacent les familles de ceux qui voudraient fuir, utilisent écoles et hôpitaux pour s'y retrancher, y disposer leurs snipers et provoquer l'opprobre occidental contre ceux qui n'hésitent pas à les en déloger.

Bachar al-Assad s'érige depuis longtemps en rempart contre le «terrorisme». Dans quelle mesure s'agit-il là d'un moyen tactique pour écarter l'opposition modérée?

   Depuis quatre ans, il n'y a plus un «rebelle modéré» en Syrie.


Bien sûr, cela a été un moyen du régime au tout début de la Guerre, lorsqu'existait un embryon d'opposition modérée. Mais depuis quatre ans, il n'y a plus un «rebelle modéré» en Syrie. C'est une pure utopie voire un mensonge éhonté et délibéré. C'est d'ailleurs tout le problème de la représentativité des interlocuteurs patronnés par les uns ou les autres dans la perspective de négociations. Il faut d'abord vider l'abcès djihadiste et pas seulement reprendre Raqqa à Daech. Puis chercher à favoriser un dialogue inter-Syriens entre personnalités ayant du poids dans la population syrienne et souhaitant une Syrie unitaire, laïque, pluraliste et stable. Et pour tout cela, il faut que Washington et Moscou s'entendent et ne se tirent plus dans les jambes.

L'arrivée de Donald Trump serait-elle donc une bonne nouvelle pour un tel apaisement?

   Précisément l'attitude occidentale en Syrie est tout sauf « morale ».


Oui, en théorie! La pratique est plus triste. Le nouveau Président met en péril les véritables objectifs - notamment énergétiques - de l'Administration sortante, dont l'engouement pour le regime change et les «printemps arabes» devaient servir la mise en œuvre... Trump a dit qu'il souhaitait s'entendre avec Moscou pour combattre un péril commun. C'est une véritable révolution, extraordinairement positive, que nous devrions prendre en compte au lieu de nous en indigner! Il a choisi un secrétaire d'Etat de grande qualité qui connaît et aime la Russie. De quoi se plaint-on? Nos critiques, nos doutes pusillanimes sont des enfantillages. A croire que l'on préfère la bonne vieille et stérile Guerre froide qui fait le jeu des pires démons et à coup sûr de nos ennemis qui fouillent les plaies béantes de notre Occident écartelé. Alors, plutôt que d'ouvrir les yeux, au plus haut niveau - celui du président Obama et de Hillary Clinton, vaincue mais décidée à nuire -, on fait tout ce raffut à Washington sur l'ingérence russe supposée dans la présidentielle. Et il faut craindre que tout sera tenté pour faire avorter ce projet de rapprochement pragmatique avec la Russie, si salutaire pour le monde pourtant.

La morale est-il tout ce qui reste à l'Occident qui, en Syrie, a perdu la main politiquement?

   Il faut en finir avec le Bien (Nous) et le Mal (ce qui n'est pas nous, ceux qui ne nous obéissent pas).


Précisément l'attitude occidentale en Syrie est tout sauf «morale». La morale en relations internationales n'existe pas. Il n'y a qu'un entrechoquement plus ou moins violent de forces, d'ambitions, d'intérêts, de capacités de nuisance et d'influence. Mais évidemment, en cette époque où il faut faire croire à chacun qu'il est égal à tous les autres, qu'il compte et décide, qu'il juge et choisit, on cherche à trouver des motivations supposées élevées à nos volontés d'ingérence. De facto l'exigence morale s'est progressivement abîmée en moralisation cynique. Il faut en finir avec le Bien (Nous) et le Mal (ce qui n'est pas nous, ceux qui ne nous obéissent pas). C'est affligeant d'ignorance, d'indigence de pensée par rapport au réel et surtout cela ne porte aucun progrès humain. La morale est contingente. Elle porte sur des idéalités extérieures aux hommes et ne les contraint in fine en rien. Elle s'abîme invariablement en prêchi-prêcha stérile ou dangereux. Elle ne sert que l'opposition, le conflit, la rapacité, la surenchère. En quoi nous sert-elle à mieux comprendre un conflit, à mettre en œuvre des solutions viables. Les exemples de cette impasse sont innombrables.

Le réalisme en politique internationale peut-il être éthique?

   La realpolitik est infiniment plus humaine et protectrice des individus - qui sont toujours les otages et les victimes des affrontements politiques -, que le dogmatisme moralisateur.


A part au plan étymologique, éthique et morale à mes yeux sont bien différentes. Quand la morale est essentiellement contingente, dépendant du lieu, du temps et des intérêts particuliers d'un pouvoir ou d'une caste, l'éthique elle, est une immanence. Chacun la porte en soi comme une force plus ou moins enfouie mais toujours mobilisable, qui le rapproche de chaque autre homme. C'est un effort pour rester soi-même, pour retrouver et exprimer son humanité (commune à tous les hommes) dans des situations les pires, celles qui vous éprouvent (et la guerre en est évidemment une) et vous donnent aussi l'occasion de donner libre court à votre part de sauvagerie sans grande conséquence. Je maintiens que la realpolitik est infiniment plus humaine et protectrice des individus - qui sont toujours les otages et les victimes des affrontements politiques -, que le dogmatisme moralisateur qui prétend étendre la démocratie et le marché à la planète et dans les faits, laisse advenir les pires régressions humaines. Il faut en conséquence comprendre l'utilité de protéger les Etats, de réhabiliter les souverainetés, de restaurer des frontières au lieu de répandre des utopies uniformisantes et libertariennes qui fragilisent les individus et les nations, dissolvent leurs ferments de cohésion et jettent les unes contre les autres des communautés politiques et/ou confessionnelles livrées à l'instrumentalisation politique violente. C'est un grand paradoxe, mais un paradoxe agissant.

Source : Le Figaro.fr

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MessageSujet: Re: Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes»   Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes» I_icon_minitimeMar 3 Jan 2017 - 3:13

Daech, Erdogan et Poutine : le dessous des cartes par Caroline Galactéros

Caroline Galactéros : «À Alep, sortons enfin des vues manichéennes» XVMb8f89756-d11a-11e6-8bd8-580394ba5090

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Alors que la Turquie est la cible de Daech, Caroline Galactéros estime que les présidents russe et turc jouent dans leur rapprochement un jeu à la fois habile et prudent. Pour la géopolitologue, ce sont deux qualités que l'Occident ignore.

FIGAROVOX. - L'État islamique a revendiqué l'attaque commise contre une discothèque d'Istanbul pendant la nuit du nouvel An. Sur fond de réconciliation avec la Russie, la Turquie est-elle devenue une cible prioritaire de l'État islamique?

Caroline GALACTEROS.
- Prioritaire peut-être pas, mais il est certain que la convergence russo-turque et la prise en main du jeu politique syrien et du processus diplomatique par le trio russo-turco-iranien rebattent les cartes de façon inquiétante pour l'État islamique qui peut chercher à «punir» son ancien allié ou à lui faire infléchir sa nouvelle ligne. En effet, le rapprochement entre Moscou et Ankara surplombe et menace la marge de manœuvre politique et militaire et la capacité de nuisance, mais aussi le statut «à part» dans l'échelle de l'horreur (et donc dans la capacité d'attraction et recrutement) de l'État islamique. De facto, en remettant en cause leur collusion ancienne avec Ankara qui l'a longtemps avantagé par sa complaisance voire son soutien, ce rapprochement tactique le ravale au rang d'une organisation terroriste presque comme une autre, notamment comme Al-Qaïda, proche mais rival cousin...

Quelle peut être la réaction du président Erdogan?

L'analyse de la situation et les priorités du pouvoir turc ont bougé.


L'analyse de la situation et les priorités du pouvoir turc ont bougé. Il s'agit désormais pour le président Erdogan de s'asseoir à la table des vainqueurs (ce que ne lui garantissait pas - et certainement moins encore aujourd'hui - Washington) et de retirer les fruits concrets d'un axe militaro-diplomatique avec Moscou en matière d'influence et d'emprise politique et territoriale sur le théâtre syrien (mais aussi en Irak, selon l'évolution de la situation et dans le cadre d'un partage des rôles entre Washington et Moscou une fois le président Trump aux affaires). On ne peut exclure qu'Ankara n'ait pour ambition de rassembler progressivement sous sa tutelle les divers groupes islamistes sunnites prêts à une négociation avec Moscou et le régime Syrien, afin de s'assurer à travers eux une influence importante dans la Syrie future qui pourrait mêler une structure d'État unitaire et une décentralisation interne forte selon des lignes confessionnelles et territoriales.

L'accroissement du terrorisme djihadiste en Turquie peut-il changer la position d'Ankara vis-à-vis des Kurdes?

Les Kurdes restent la cible politique interne première du pouvoir turc.


Les Kurdes restent la cible politique interne première du pouvoir turc. Il devient d'ailleurs de plus en plus probable qu'ils fassent ultimement les frais de la gestion croissante du conflit par les grandes puissances régionales ou globales. Aucune n'a véritablement intérêt à céder à leurs revendications nationales et les Kurdes demeurent handicapés par leurs propres rivalités internes. Ils sont donc utilisés par les uns et les autres comme force d'appoint ou d'avant-garde au gré des nécessités militaires d'affrontements localisés. De leur point de vue, ils ont tout intérêt à conserver ou développer leur capacité de nuisance ou d'interférence résiduelle dans le jeu régional comme sur le sol turc, et plus encore à faire en sorte que Moscou n'en arrive pas à vouloir ou devoir les sacrifier totalement à son rapprochement tactique avec Ankara. Ce qui n'est pas exclu.

Cette stratégie russophile de la Turquie vous paraît-elle habile et crédible?

Il ne s'agit pas de russophilie - ni de russophobie d'ailleurs -, mais d'une évaluation qu'il faut bien reconnaître «créative» et habile, par le président Erdogan, des intérêts politiques nationaux turcs et des siens plus personnels sans doute. La Turquie a simplement fini par devoir admettre qu'elle pèserait plus, y compris vis-à-vis de Washington, dans une alliance avec la Russie - qui s'est imposée comme principal décideur du futur syrien - que contre elle. Face à ce réalisme froid, nous restons malheureusement intellectuellement sidérés et sans rebond. Nous avons manifestement le plus grand mal à comprendre l'ampleur du bouleversement stratégique en cours. Un bouleversement mondial dont le Moyen-Orient n'est que l'un des théâtres d'expression.

D'où pourrait venir cette erreur occidentale de jugement?

Il ne s'agit ni d'entrer en fusion amoureuse avec Moscou ni de mésestimer les calculs et arrière-pensées russes.


Les lignes bougent et bousculent sans ménagement nos schémas de pensée confortables. On incrimine la faiblesse américaine pour expliquer la prise d'ascendant russe ; certains analystes vont même désormais jusqu'à dire que l'Amérique ne se serait pas vraiment impliquée dans le conflit syrien (sic!) alors qu'elle s'est bel et bien engagée dans la déstabilisation de l'État syrien via des groupes rebelles et selon son nouveau mantra du «commandement de l'arrière» (leadership from behind). Simplement, cette entreprise de regime change violent, à laquelle des puissances européennes ont activement participé, a clairement échoué. Dont acte? Même pas! Car le plus grave de mon point de vue n'est pas là. Ce qui me semble très dommageable et dangereux, c'est qu'alors que l'on proclame chaque jour après chaque attentat notre volonté de combattre la terreur islamiste qui cible avec constance nos propres sociétés, l'on refuse obstinément de saisir l'opportunité stratégique que constituerait un front commun occidentalo-russe dans cette lutte.

Quel serait l'intérêt d'un tel rapprochement avec Moscou?

Encore une fois, il ne s'agit ni d'entrer en fusion amoureuse avec Moscou ni de mésestimer les calculs et arrière-pensées russes (nous avons les nôtres), mais de faire un pari hors normes et à très fort rapport pour chacune des parties: celui du sens d'une convergence de fond vigilante mais authentique, inédite mais salutaire entre les deux piliers de l'Occident. Cela demande évidemment un peu d'envergure, d'audace et d'ambition. Alors, devant l'effort requis par une telle métamorphose, nos élites déphasées préfèrent l'enlisement dans un combat d'arrière-garde. Alors que nous sommes entrés, qu'on le veuille ou non, dans une phase d'innovation géopolitique majeure - certes à l'initiative de Moscou - qui balaie l'ordre ancien, une grande partie de l'establishment américain autour de l'Administration sortante s'y accroche désespérément.

Vous pensez à l'affaire des hackers russes qui auraient influencé l'élection de Donald Trump...

Nous sommes entrés dans une phase d'innovation géopolitique majeure - certes à l'initiative de Moscou - qui balaie l'ordre ancien.


C'en est effectivement la manifestation pathétique. Cette guéguerre américano-américaine, dont le nouveau président américain est en fait la cible première et Vladimir Poutine l'instrument, démontre tristement combien le sort du Moyen-Orient et de ses populations sacrifiées est secondaire pour un appareil dirigeant américain (OTAN incluse) qui voit vaciller ses intérêts et ses rentes de situation et ne s'y résout pas. Alors, on s'arc-boute, ici comme là-bas, autour de nos vieux totems grimaçants, on s'accroche aux vieilles lignes de fracture, on préfère une bonne vieille Guerre froide ranimée à un axe occidental Moscou-Washington novateur qui serait pourtant un moteur fabuleux pour une renaissance de notre civilisation empêtrée dans ses contradictions et son cynisme mis à nu. Washington, où l'équipe sortante fait tout pour enfermer le nouveau président américain dans un piège qui l'empêcherait de mener à bien son projet de reset avec Moscou. Il s'agit de l'acculer à l'inaction stratégique et de lui faire craindre, s'il persiste, d'être accusé par une opinion publique brainwashée méthodiquement, de trahir rien moins que les intérêts nationaux en voulant dialoguer enfin intelligemment avec la Russie. On nage en plein délire, et il ne serait pas étonnant que l'on entende bientôt parler de possible «intelligence avec l'ennemi» pour discréditer plus encore le nouveau président et mettre à mal ses projets.

Comment jugez-vous la réaction de Vladimir Poutine et Donald Trump à ce «délire»?

L'ancien monde a la vie dure. Le cadavre bouge encore.


Donald Trump ne s'y est pas trompé, et Vladimir Poutine non plus, qui a refusé de céder à l'escalade des représailles diplomatiques via la livraison d'espions américains en miroir aux «représailles» américaines. Le président russe est trop habile et préfère avoir le triomphe modeste quand Barack Obama et Hillary Clinton se fourvoient dans une défaite infantile et bruyante. Le président-élu mesure sans doute parfaitement le champ de mines que le président sortant est en train de poser à Washington, et plus concrètement en Syrie, avec la possible reprise des livraisons de Manpads (missiles portatifs) aux groupes rebelles qui ne sont pas encore rentrés dans le rang, claire menace pour les avions et hélicoptères russes. Il s'agit de faire capoter le cessez-le-feu et le processus diplomatique que Moscou, Téhéran et Ankara tentent de faire tenir dans la perspective de la prochaine Conférence d'Astana qui doit dessiner les contours d'un accord politique viable.

Bref, «l'ancien monde» a la vie dure. Le cadavre bouge encore. La question est donc: est-on capable d'exploiter la fenêtre d'opportunité extraordinaire qui nous est donnée de «faire du neuf», du conséquent, de l'efficace et plus encore, de restaurer la crédibilité occidentale si abîmée depuis 15 ans par le cynisme structurel de nos interventions soi-disant «morales»? Va-t-on enfin partir du réel et des opportunités qu'il ouvre pour mener une lutte existentielle contre une menace qui ne faiblira pas tant que l'on ne fera pas front commun contre elle? Ou bien préfèrera-t-on persister à s'aveugler en maugréant contre ce monde qui ne nous obéit plus au doigt et à l'œil, à se réfugier dans un manichéisme dépassé qui fait le jeu de l'adversaire, à s'enkyster dans des schémas de pensée rétrogrades qui ne fonctionnent plus et nous rendent vulnérables? Pour la France et pour l'Europe, ce dilemme est crucial.


Source : Le Figaro
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