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 La guerre électronique : le conflit invisible

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xerox

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La guerre électronique : le conflit invisible Empty
MessageSujet: La guerre électronique : le conflit invisible   La guerre électronique : le conflit invisible I_icon_minitimeSam 13 Avr 2019 - 19:02

Entreprises peu scrupuleuses, gouvernements, mercenaires numériques et pirates informatiques se livrent une guerre électronique sans merci. Et nos tablettes et autres portables pourraient devenir leurs instruments !
Marc-André Sabourin 17 décembre 2013


La guerre électronique : le conflit invisible Guerre-depart~600
Marc-André Sabourin 17 décembre 2013

La petite pièce circulaire aux parois de verre, au quatrième étage de la société de sécurité informatique Kaspersky, à Moscou, semble tirée d’un film d’espionnage. Huit écrans géants suspendus au plafond affichent en temps réel des graphiques accompagnés de noms étranges : Backdoor.win32.GrayBird.cgl ; Trojan.BAT.Miner.bf ; Hoax.Win32ArchSM5.bdqrb…

Il s’agit des plus récents virus découverts par la multinationale russe. Aujourd’hui seulement, elle en a recensé 477 861. Et la journée n’est pas finie.

Vitaly Kamluk, 29 ans, fait partie de GReAT, le groupe élite d’informaticiens de Kaspersky, répartis aux quatre coins du monde pour enquêter sur les menaces numériques inhabituelles. Avec sa houppette de cheveux bruns, son visage rond, ses traits délicats et sa petite fossette au menton, Vitaly Kamluk n’a rien du cyberpirate sombre et échevelé des films hollywoodiens. Ses propos, par contre, ont de quoi inspirer un scénariste de films en mal d’idées. « Déraillement de train, écrasement d’avion, bris industriel… Souvent, on met ça sur le dos d’une erreur humaine. Mais je suis persuadé que certains de ces accidents sont causés par des cyberattaques », dit l’informaticien de sa voix douce, presque inaudible. Impossible d’en savoir plus, l’homme refuse de donner des exemples précis, faute de preuves.

À première vue, Vitaly Kamluk peut passer pour un adepte de la théorie du complot. Un bidouilleur qui interprète à sa façon les découvertes, par des experts de sa trempe, de programmes autrement plus malveillants que ceux capables d’envoyer des pourriels depuis votre boîte courriel !

Sauf que çà et là dans le monde, des voix s’élèvent pour révéler des éléments susceptibles de nourrir une autre thèse : celle de la montée en puissance d’armées d’un nouveau genre, les armées virtuelles.

Au cours des huit dernières années, les États-Unis ont étendu leurs capacités numériques offensives et défensives, sous la férule d’un homme aussi discret qu’un Edgar Hoover (le mythique premier directeur du FBI), mais autrement plus puissant : le général Keith Alexander.

L’homme de 61 ans — surnommé « Alexander the Geek » — dirige la fameuse National Security Agency (NSA), chargée d’espionner les ennemis des États-Unis. Mais comme le soulignait le magazine Wired en juin dernier, il est aussi commandant du US Cyber Command, chargé d’attaquer — dans le cyberespace — ces mêmes ennemis. Et le haut gradé ne manque pas de moyens. Alors même que l’armée américaine et la Central Intelligence Agency (CIA) sont aux prises avec des compressions budgétaires d’envergure, Keith Alexander reçoit des milliards pour construire de nouvelles bases, embaucher des milliers de cyberpirates et d’ingénieurs, et inventer de nouvelles armes numériques.

Les autres puissances mondiales ne restent pas en retrait. Dans une frénésie qui n’est pas sans rappeler la course à l’armement nucléaire du XXe siècle, chacune tente de s’armer pour la guerre. Elles amassent les renseignements les plus précis, les armes les plus puissantes, capables de se déployer rapidement dans les nouveaux champs de bataille.

N’allez pas croire qu’en cas de guerre virtuelle les dommages se limiteraient à des disques durs grillés et des données perdues. Une cyberattaque contre un réseau de transport, une centrale nucléaire ou une usine de traitement des eaux, par exemple, pourrait coûter des vies humaines.

N’espérez pas non plus qu’un conflit numérique se joue seulement dans le lointain cyberespace. « Si votre ordinateur est connecté à Internet, il peut être infiltré à distance pour lancer un “cybermissile”, comme Stuxnet, et couvrir les traces de l’attaquant », dit l’expert Vitaly Kamluk.

Stuxnet, un ver informatique particulièrement menaçant, a été repéré par une société de sécurité informatique de Biélorussie en juillet 2010. Il a fait varier la vitesse de rotation de centrifugeuses dans une usine d’enrichissement d’uranium en Iran. Les systèmes conçus pour alerter les opérateurs ne se déclenchaient pas et, en quelques mois, près de 1 000 appareils ont été endommagés, ce qui a ralenti les ambitions nucléaires du pays. Selon plusieurs médias américains, Stuxnet aurait été mis au point conjointement par Israël et les États-Unis.

Ce n’est là qu’un des virus parmi la demi-douzaine repérée depuis trois ans dans une toute nouvelle génération de programmes malveillants, si complexes qu’ils sont vraisemblablement créés par des États. Et les experts de Kaspersky sont des as dans ce domaine : ils en ont découvert quatre, dont Gauss, un espion d’opérations bancaires, et Flame, qui enregistre à peu près tout ce que fait un usager sur son ordinateur. Comme Stuxnet, tous deux infectaient essentiellement des ordinateurs au Moyen-Orient.

Les attaques que permettent ces virus sont si sournoises qu’un « pays, une entreprise ou un particulier peut subir des conséquences sans comprendre ce qui les cause, dit Vitaly Kamluk. C’est la principale caractéristique de la guerre numérique : elle est invisible. »
La guerre électronique : le conflit invisible Edward-Snowden-%C2%A9JasonLee-Reuters~480

Les grandes baies vitrées des bureaux de Kaspersky offrent une vue de 360 degrés sur les environs. À l’ouest, des bateaux de plaisance mouillent l’ancre dans le réservoir Khimkinskoye. Au nord et à l’est se dressent des immeubles de logements sans charme et des tours de bureaux. À une quinzaine de kilomètres au sud se trouve le centre-ville de Moscou. Quelque part, peut-être tout près, peut-être très loin, se cache Edward Snowden, l’informaticien américain dont les révélations sur l’espionnage par la NSA ébranlent le monde depuis juin dernier.

En 11 semaines, le quotidien britannique The Guardian, auquel Edward Snowden a fourni maints documents classifiés, a publié plus de 300 articles sur les façons dont la NSA obtient ses informations — lesquelles sont, c’est connu, le nerf de la guerre.

Parmi les fuites les plus explosives figure la collecte des métadonnées — numéro composé, heure et durée de la conversation — de tous les appels faits depuis ou vers le territoire américain. On a appris aussi l’existence de PRISM, programme qui amasse courriels, clavardages, appels vidéo, documents et autres directement auprès de géants du Web, dont Google, Yahoo! Microsoft, Facebook, Skype et Apple.

Edward Snowden a également dévoilé l’existence de XKeyscore, qui surveille sur demande — et sans mandat — « presque tout ce qu’un utilisateur typique fait sur Internet », peut-on lire sur une diapositive de la NSA publiée par The Guardian.

La manière dont PRISM et XKeyscore accèdent aux données demeure floue. Certains documents laissent croire que la NSA dispose d’une connexion directe aux serveurs des entreprises. Des signaux seraient également interceptés à même les câbles de fibre optique et autres infrastructures de télécommunication grâce à un programme baptisé Upstream.

En théorie, les communications cryptées demeurent impénétrables, même pour la NSA. Or, l’agence contourne ce problème en exigeant les codes nécessaires directement auprès des fournisseurs de services, en infiltrant les ordinateurs des utilisateurs d’outils d’anonymat en ligne, tel Tor, et même en effectuant du lobbyisme pour l’adoption de normes internationales de cryptage faibles.

Aussi intéressants soient-ils, de nombreux documents secrets divulgués par Edward Snowden ne sont que des présentations PowerPoint destinées à la formation des nouveaux analystes. Nul besoin d’être partisan de la théorie du complot pour se douter que la réalité va encore plus loin. Chose certaine : quiconque utilise Internet peut être surveillé à son insu, sans mandat, par la NSA.

Robert Masse, consultant montréalais en sécurité informatique, a beau savoir que la vie privée n’existe pas sur le Web, il a été impressionné par les capacités techniques de la NSA divulguées par Edward Snowden. « Les films où un espion infiltre un système informatique en quelques secondes m’ont toujours fait rigoler. Aujourd’hui, je me rends compte qu’Hollywood est plus près de la réalité que je ne le croyais. »

Pas moins de 1,4 million de personnes — analystes, contractuels, militaires, étrangers, etc. — possédaient en 2012 la cote de sécurité américaine top secret. De ce nombre, impossible de savoir combien avaient accès aux programmes d’espionnage de la NSA. Un élément particulièrement inquiétant lorsqu’on sait qu’il n’est pas nécessaire, une fois branché à XKeyscore, d’avoir l’autorisation d’un supérieur pour surveiller une cible. « Il faut davantage de contrôle et de discipline », insiste Andrew Apostolou, expert anglais en sécurité informatique à Washington. « Si des gens se font offrir de l’argent… »

Le marché de la cybersécurité vaut en effet de l’or. Des entreprises comme la française Vupen et les américaines Endgame et Netragard sont constamment à la recherche de failles dans les programmes des Google, Microsoft et autres Apple. Toute brèche — une « vulnérabilité » — inconnue de l’auteur du logiciel est une porte ouverte pour une attaque informatique impossible à parer.

Les Vupen, Endgame et Netragard de ce monde pourraient se contenter de révéler ces vulnérabilités aux propriétaires des logiciels en échange de quelques milliers de dollars. Mais d’autres clients offrent beaucoup plus. Les agences de renseignement seraient prêtes à payer de 100 000 à 250 000 dollars pour une faille inconnue dans iOS, le système d’exploitation mobile d’Apple.

Que feraient ces entreprises si une organisation criminelle leur offrait davantage ? Vupen a déjà affirmé ne traiter qu’avec des pays membres ou partenaires de l’OTAN, tandis que Netragard écrit sur son site Web ne vendre qu’à des clients américains qui ont un « besoin légitime ». Et vu la présence d’anciens dirigeants de la NSA et de la CIA — qui ont le sens du patriotisme — dans son équipe, Endgame s’impose probablement des règles similaires. Mais toutes les entreprises n’auront peut-être pas cette « éthique ».

Alors, toujours aussi convaincu que Vitaly Kamluk, l’expert en informatique à la houppette, n’est qu’un adepte de la théorie du complot ?

Ce reportage a été réalisé grâce à une Bourse Nord-Sud attribuée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et financée par l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

* * *
Espionner la chancelière ?

Après la France, l’ONU, le Brésil et l’Inde, l’Allemagne demande des comptes : le cellulaire d’Angela Merkel (photo) aurait été mis sur écoute par les États-Unis. Selon The Guardian, 35 personnalités politiques auraient ainsi été espionnées.

La guerre électronique : le conflit invisible Merkel~480


Photo : iStock
Photo : iStock

La petite pièce circulaire aux parois de verre, au quatrième étage de la société de sécurité informatique Kaspersky, à Moscou, semble tirée d’un film d’espionnage. Huit écrans géants suspendus au plafond affichent en temps réel des graphiques accompagnés de noms étranges : Backdoor.win32.GrayBird.cgl ; Trojan.BAT.Miner.bf ; Hoax.Win32ArchSM5.bdqrb…

Il s’agit des plus récents virus découverts par la multinationale russe. Aujourd’hui seulement, elle en a recensé 477 861. Et la journée n’est pas finie.

Vitaly Kamluk, 29 ans, fait partie de GReAT, le groupe élite d’informaticiens de Kaspersky, répartis aux quatre coins du monde pour enquêter sur les menaces numériques inhabituelles. Avec sa houppette de cheveux bruns, son visage rond, ses traits délicats et sa petite fossette au menton, Vitaly Kamluk n’a rien du cyberpirate sombre et échevelé des films hollywoodiens. Ses propos, par contre, ont de quoi inspirer un scénariste de films en mal d’idées. « Déraillement de train, écrasement d’avion, bris industriel… Souvent, on met ça sur le dos d’une erreur humaine. Mais je suis persuadé que certains de ces accidents sont causés par des cyberattaques », dit l’informaticien de sa voix douce, presque inaudible. Impossible d’en savoir plus, l’homme refuse de donner des exemples précis, faute de preuves.

À première vue, Vitaly Kamluk peut passer pour un adepte de la théorie du complot. Un bidouilleur qui interprète à sa façon les découvertes, par des experts de sa trempe, de programmes autrement plus malveillants que ceux capables d’envoyer des pourriels depuis votre boîte courriel !

Sauf que çà et là dans le monde, des voix s’élèvent pour révéler des éléments susceptibles de nourrir une autre thèse : celle de la montée en puissance d’armées d’un nouveau genre, les armées virtuelles.

Au cours des huit dernières années, les États-Unis ont étendu leurs capacités numériques offensives et défensives, sous la férule d’un homme aussi discret qu’un Edgar Hoover (le mythique premier directeur du FBI), mais autrement plus puissant : le général Keith Alexander.

L’homme de 61 ans — surnommé « Alexander the Geek » — dirige la fameuse National Security Agency (NSA), chargée d’espionner les ennemis des États-Unis. Mais comme le soulignait le magazine Wired en juin dernier, il est aussi commandant du US Cyber Command, chargé d’attaquer — dans le cyberespace — ces mêmes ennemis. Et le haut gradé ne manque pas de moyens. Alors même que l’armée américaine et la Central Intelligence Agency (CIA) sont aux prises avec des compressions budgétaires d’envergure, Keith Alexander reçoit des milliards pour construire de nouvelles bases, embaucher des milliers de cyberpirates et d’ingénieurs, et inventer de nouvelles armes numériques.

Les autres puissances mondiales ne restent pas en retrait. Dans une frénésie qui n’est pas sans rappeler la course à l’armement nucléaire du XXe siècle, chacune tente de s’armer pour la guerre. Elles amassent les renseignements les plus précis, les armes les plus puissantes, capables de se déployer rapidement dans les nouveaux champs de bataille.

N’allez pas croire qu’en cas de guerre virtuelle les dommages se limiteraient à des disques durs grillés et des données perdues. Une cyberattaque contre un réseau de transport, une centrale nucléaire ou une usine de traitement des eaux, par exemple, pourrait coûter des vies humaines.

N’espérez pas non plus qu’un conflit numérique se joue seulement dans le lointain cyberespace. « Si votre ordinateur est connecté à Internet, il peut être infiltré à distance pour lancer un “cybermissile”, comme Stuxnet, et couvrir les traces de l’attaquant », dit l’expert Vitaly Kamluk.

Stuxnet, un ver informatique particulièrement menaçant, a été repéré par une société de sécurité informatique de Biélorussie en juillet 2010. Il a fait varier la vitesse de rotation de centrifugeuses dans une usine d’enrichissement d’uranium en Iran. Les systèmes conçus pour alerter les opérateurs ne se déclenchaient pas et, en quelques mois, près de 1 000 appareils ont été endommagés, ce qui a ralenti les ambitions nucléaires du pays. Selon plusieurs médias américains, Stuxnet aurait été mis au point conjointement par Israël et les États-Unis.

Ce n’est là qu’un des virus parmi la demi-douzaine repérée depuis trois ans dans une toute nouvelle génération de programmes malveillants, si complexes qu’ils sont vraisemblablement créés par des États. Et les experts de Kaspersky sont des as dans ce domaine : ils en ont découvert quatre, dont Gauss, un espion d’opérations bancaires, et Flame, qui enregistre à peu près tout ce que fait un usager sur son ordinateur. Comme Stuxnet, tous deux infectaient essentiellement des ordinateurs au Moyen-Orient.

Les attaques que permettent ces virus sont si sournoises qu’un « pays, une entreprise ou un particulier peut subir des conséquences sans comprendre ce qui les cause, dit Vitaly Kamluk. C’est la principale caractéristique de la guerre numérique : elle est invisible. »
Photo ©️ Jason Lee / Reuters
Edward Snowden, dont les révélations sur la National Security Agency, dirigée par le général Keith Alexander, ont ébranlé le monde. – Photo ©️ Jason Lee / Reuters

Les grandes baies vitrées des bureaux de Kaspersky offrent une vue de 360 degrés sur les environs. À l’ouest, des bateaux de plaisance mouillent l’ancre dans le réservoir Khimkinskoye. Au nord et à l’est se dressent des immeubles de logements sans charme et des tours de bureaux. À une quinzaine de kilomètres au sud se trouve le centre-ville de Moscou. Quelque part, peut-être tout près, peut-être très loin, se cache Edward Snowden, l’informaticien américain dont les révélations sur l’espionnage par la NSA ébranlent le monde depuis juin dernier.

En 11 semaines, le quotidien britannique The Guardian, auquel Edward Snowden a fourni maints documents classifiés, a publié plus de 300 articles sur les façons dont la NSA obtient ses informations — lesquelles sont, c’est connu, le nerf de la guerre.

Parmi les fuites les plus explosives figure la collecte des métadonnées — numéro composé, heure et durée de la conversation — de tous les appels faits depuis ou vers le territoire américain. On a appris aussi l’existence de PRISM, programme qui amasse courriels, clavardages, appels vidéo, documents et autres directement auprès de géants du Web, dont Google, Yahoo! Microsoft, Facebook, Skype et Apple.

Edward Snowden a également dévoilé l’existence de XKeyscore, qui surveille sur demande — et sans mandat — « presque tout ce qu’un utilisateur typique fait sur Internet », peut-on lire sur une diapositive de la NSA publiée par The Guardian.

La manière dont PRISM et XKeyscore accèdent aux données demeure floue. Certains documents laissent croire que la NSA dispose d’une connexion directe aux serveurs des entreprises. Des signaux seraient également interceptés à même les câbles de fibre optique et autres infrastructures de télécommunication grâce à un programme baptisé Upstream.

En théorie, les communications cryptées demeurent impénétrables, même pour la NSA. Or, l’agence contourne ce problème en exigeant les codes nécessaires directement auprès des fournisseurs de services, en infiltrant les ordinateurs des utilisateurs d’outils d’anonymat en ligne, tel Tor, et même en effectuant du lobbyisme pour l’adoption de normes internationales de cryptage faibles.

Aussi intéressants soient-ils, de nombreux documents secrets divulgués par Edward Snowden ne sont que des présentations PowerPoint destinées à la formation des nouveaux analystes. Nul besoin d’être partisan de la théorie du complot pour se douter que la réalité va encore plus loin. Chose certaine : quiconque utilise Internet peut être surveillé à son insu, sans mandat, par la NSA.

Robert Masse, consultant montréalais en sécurité informatique, a beau savoir que la vie privée n’existe pas sur le Web, il a été impressionné par les capacités techniques de la NSA divulguées par Edward Snowden. « Les films où un espion infiltre un système informatique en quelques secondes m’ont toujours fait rigoler. Aujourd’hui, je me rends compte qu’Hollywood est plus près de la réalité que je ne le croyais. »

Pas moins de 1,4 million de personnes — analystes, contractuels, militaires, étrangers, etc. — possédaient en 2012 la cote de sécurité américaine top secret. De ce nombre, impossible de savoir combien avaient accès aux programmes d’espionnage de la NSA. Un élément particulièrement inquiétant lorsqu’on sait qu’il n’est pas nécessaire, une fois branché à XKeyscore, d’avoir l’autorisation d’un supérieur pour surveiller une cible. « Il faut davantage de contrôle et de discipline », insiste Andrew Apostolou, expert anglais en sécurité informatique à Washington. « Si des gens se font offrir de l’argent… »

Le marché de la cybersécurité vaut en effet de l’or. Des entreprises comme la française Vupen et les américaines Endgame et Netragard sont constamment à la recherche de failles dans les programmes des Google, Microsoft et autres Apple. Toute brèche — une « vulnérabilité » — inconnue de l’auteur du logiciel est une porte ouverte pour une attaque informatique impossible à parer.

Les Vupen, Endgame et Netragard de ce monde pourraient se contenter de révéler ces vulnérabilités aux propriétaires des logiciels en échange de quelques milliers de dollars. Mais d’autres clients offrent beaucoup plus. Les agences de renseignement seraient prêtes à payer de 100 000 à 250 000 dollars pour une faille inconnue dans iOS, le système d’exploitation mobile d’Apple.

Que feraient ces entreprises si une organisation criminelle leur offrait davantage ? Vupen a déjà affirmé ne traiter qu’avec des pays membres ou partenaires de l’OTAN, tandis que Netragard écrit sur son site Web ne vendre qu’à des clients américains qui ont un « besoin légitime ». Et vu la présence d’anciens dirigeants de la NSA et de la CIA — qui ont le sens du patriotisme — dans son équipe, Endgame s’impose probablement des règles similaires. Mais toutes les entreprises n’auront peut-être pas cette « éthique ».

Alors, toujours aussi convaincu que Vitaly Kamluk, l’expert en informatique à la houppette, n’est qu’un adepte de la théorie du complot ?

Ce reportage a été réalisé grâce à une Bourse Nord-Sud attribuée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et financée par l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

* * *
Espionner la chancelière ?

Après la France, l’ONU, le Brésil et l’Inde, l’Allemagne demande des comptes : le cellulaire d’Angela Merkel (photo) aurait été mis sur écoute par les États-Unis. Selon The Guardian, 35 personnalités politiques auraient ainsi été espionnées.

Se soustraire au Web

Les infrastructures critiques — centrales nucléaires, réseaux électriques, usines de traitement des eaux, etc. — fonctionnent généralement en circuit fermé. N’étant pas connectées au Web, elles sont immunisées contre les cyberattaques. Quoique…

La guerre électronique : le conflit invisible Metro-montreal~500
Cette stratégie n’est pas infaillible. Il demeure parfois une connexion par laquelle un pirate peut s’infiltrer. C’est ainsi que Robert Masse, consultant montréalais en sécurité informatique, a pris le contrôle du système informatique d’une infrastructure québécoise (qu’il refuse de nommer) en moins de deux heures au cours d’un test de sécurité l’été dernier.

Un réseau fermé peut également être pénétré grâce à une clé USB, un disque dur ou un autre périphérique amovible. Une usine d’enrichissement d’uranium en Iran aurait été contaminée de cette manière en 2009. En 2011, un virus bénin a même franchi le réseau étanche de l’armée de l’air américaine et infecté des drones.
La porno mène à tout

La passion pour la cybersécurité de Vitaly Kamluk, un des as de l’entreprise russe Kaspersky, remonte à son adolescence, lorsqu’un copain lui a demandé de purger l’ordinateur familial de virus contractés en visitant des sites pornos.
42 complots

En juin, la NSA a affirmé que ses programmes de surveillance ont permis de déjouer 42 complots terroristes, dont 13 ayant un rapport avec les États-Unis.
12 « espions »

La NSA a admis que 12 personnes ont détourné ses capacités d’espionnage à des fins personnelles depuis 2003, la plupart pour des raisons sentimentales. Un militaire, notamment, a profité de sa première journée d’accès au système pour y entrer les six adresses de courriel de son ex-copine. Des cas plus graves sont-ils passés sous le radar ?

source : https://lactualite.com/
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