Complément d'information :
Plusieurs pays comme l'Australie et l'Italie sont favorables à des poursuites judiciaires contre le site. Les Etats-Unis étudient depuis fin juillet cette possibilité sans être parvenus à une conclusion.
«Il s'agit d'une violation d'une loi, qui peut faire l'objet de poursuites pénales», s'indignait dimanche le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, quelques heures avant la divulgation par WikiLeaks de milliers de câbles diplomatiques américains. De son côté, l'Australie s'est dit prête lundi à soutenir les Etats-Unis en cas de procès. Une perspective moins simple qu'il n'y paraît. Interrogé lundi, le ministère américain de la Justice a indiqué que des poursuites seraient engagées si des violations de la législation étaient découvertes. Une réflexion sur d'éventuelles poursuites a été entamée fin juillet, avec le lancement par le Pentagone et le ministère de la Justice d'une enquête criminelle, suite à la publication par WikiLeaks de milliers de documents confidentiels sur le conflit afghan. La centaine d'enquêteurs n'est pas encore parvenue à une conclusion.
La marge de manœuvre légale est limitée. Le droit américain comporte en théorie plusieurs dispositions (complicité d'un crime, détention illégale de documents volés) pour se retourner contre WikiLeaks mais attaquer le site soulève des questions éthiques. Cela signifie engager des poursuites contre l'éditeur des fuites, autrement dit les organisations qui rendent publiques ces documents… comme WikiLeaks et la presse. «Ce serait un terrible précédent. Si on agit ainsi avec WikiLeaks, ce sera seulement une question de temps avant qu'on répète le processus contre des médias traditionnels», s'inquiétait un chercheur, spécialiste de la confidentialité gouvernementale dans un article du Wall Street Journal.
Or, les médias américains ne sont pas tenus de respecter les injonctions gouvernementales en matière de secret défense s'ils obtiennent leurs scoops, sans vol, grâce à des informateurs. Le premier amendement de la constitution américaine garantit la liberté de la presse. «Aucun éditeur ayant publié des renseignements obtenus par un employé du gouvernement n'a été condamné dans l'histoire américaine. Les affaires de fuites dans la presse ont rarement été traitées comme un crime», rappelle un rapport du Congressionnal Research Service. Nixon n'a ainsi pu empêcher la publication par le New York Times de documents sur la guerre du Vietnam en 1971 (Affaire «des papiers du Pentagone»).
Un des enjeux de l'enquête sera de déterminer si WikiLeaks relève d'un média traditionnel. Une opinion que ne partageraient pas les experts du Pentagone. Généralement, lorsqu'un journal ou une chaîne de télévision dispose d'informations confidentielles, il prévient le gouvernement pour authentifier ses révélations et s'assurer qu'elles ne menacent pas la sécurité nationale. Or, WikiLeaks qui promet une publication de fuites «facile et en toute sécurité» n'a pas respecté cet usage.
Prouver que Wikileaks a agi sciemment
Selon le Wall Street Journal, les enquêteurs estiment que la méthode la plus solide pour amener des charges contre WikiLeaks serait de prouver que le site a agi sciemment. Les experts du Pentagone chercheraient à savoir si WikiLeaks a encouragé un soldat Bradley Manning, l'auteur présumé de l'ensemble des fuites, à lui céder le dossier afghan, après une première collaboration couronnée de succès. En juin, le site avait dévoilé une vidéo montrant l'armée américaine abattant des civils irakiens. Le Pentagone avait accusé Bradley Manning d'être la taupe du site. Si le gouvernement américain peut prouver que WikiLeaks a fait pression sur Manning, ilpourrait alléguer que WikiLeaks a participé à un complot. Problème : le fondateur du site, Julian Assange affirme ne jamais avoir versé un centime pour obtenir ses informations.
Poursuivre Assange est tout aussi délicat. D'ailleurs, pour le moment, l'enquête criminelle ne le vise officiellement pas. Il serait difficile de poursuivre l'Australien pour violation de la loi sur l'espionnage. Le texte très vague s'applique aux individus qui espionnent les Etats-Unis pour le compte d'une puissance étrangère. Assange n'est pas non plus soumis, au contraire de Manning, aux règles de confidentialité qui s'appliquent aux employés du gouvernement américain qui travaillent sur les questions de sécurité. Le fait qu'Assange ne soit pas Américain et opère en dehors des Etats-Unis constitue un autre obstacle. Pour que les autorités américaines puissent le juger, il faut pouvoir l'extrader. Cela suppose qu'Assange soit interpellé dans une nation prête à coopérer avec Washington. Or l'Australien, très méfiant, change constamment de pays de résidence.
Canberra a l'air aussi démuni que Washington. La justice australienne a annoncé lundi enquêter pour savoir si la publication des câbles avait enfreint sa loi. Mais l'Australie a démenti avoir reçu une demande américaine de révocation du passeport du fondateur de WikiLeaks. Pour MSNBC, l'affaire des câbles pourrait pousser le Pentagone et le ministère de la Justice à accélérer leur enquête. En attendant, un élu républicain est allé jusqu'à demander, l'inscription de WikiLeaks sur la liste des organisations terroristes…
sources : lefigaro.fr