Le texte qui fait parler l’Angleterre
TRISTAN DE BOURBON
vendredi 12 août 2011, 22:12
L’éditorialiste du Telegraph met directement en cause les comportements des élites économiques et politiques britanniques pour expliquer le comportement des émeutiers. Son analyse fait un véritable buzz. Par Tristan de Bourbon
Le texte qui fait parler l’Angleterre
©epa
Afin de répondre aux émeutes qui ont secoué le pays depuis le week-end dernier, le Premier ministre a voulu se montrer très sévère, au point de tomber dans un populisme malvenu. « La contre-attaque a bien et véritablement commencé », a-t-il assuré devant les Parlementaires, après avoir prévenu que « toute personne condamnée doit s’attendre à aller en prison ».
La démesure des décisions judiciaires, favorisées par le soutien du chef du gouvernement, font depuis trois jours largement débat. Plus encore, les critiques s’élèvent contre l’analyse des autorités. Le Premier Ministre a en effet accusé « la culture » des émeutiers, qui « glorifie la violence, montre un manque de respect de l’autorité et parle des droits mais jamais des responsabilités », et dont profiteraient « les gangs des rues ». Pour y répondre, il réclame « plus de disciplines dans nos écoles », « un système judiciaire criminel qui marque une claire et lourde ligne entre le bien et le mal ».
Un édito salué par la concurrence
La plus violente diatribe à son encontre est venue de Peter Oborne, l’éditorialiste politique en chef du quotidien de droite The Telegraph, dont l’écrit a été repris par ses concurrents et relayés massivement sur Twitter. Il estime que « la criminalité dans nos rues ne peut pas être dissociée de la désintégration morale des plus hauts rangs de la société moderne britannique. Les deux dernières décades ont vu un déclin terrifiant des standards au sein de l’élite gouvernante britannique. Il est devenu acceptable pour nos politiciens de mentir et de tricher. (.) Il n’y a pas que la jeunesse sauvage de Tottenham qui a oublié qu’elle a des devoirs aussi bien que des droits, mais aussi les riches sauvages de Chelsea et Kensington ».
Peter Oborne considère la plupart de l’élite londonienne « aussi déracinée et coupée du reste de la Grande-Bretagne que ces jeunes hommes et femmes sans emploi qui ont causé de si terribles dommages ces derniers jours. (.) Peu d’entre eux s’embêtent à payer leurs impôts britanniques s’ils peuvent les éviter et encore moins sentent un sens d’obligation envers la société, un sentiment pourtant naturel il y a encore quelques décades pour les riches et les mieux lotis ». Il cite ainsi les exemples de Richard Branson, le patron de Virgin, ou de Philip Green, le patron de Topshop, pour avoir ou vouloir éviter de payer leurs impôts sur les bénéfices en domiciliant leur société dans un paradis fiscal.
Les politiques visés également
Après l’élite économique, l’élite politique, qualifiée d’« aussi mauvaise » que les « jeunes voyous », comme l’a montré le scandale des dépenses des parlementaires révélé par le journal de Peter Oborne. Parmi les plus virulents contre les jeunes jeudi au Parlement, le journaliste rappelle que Gerald Kaufman avait demandé le remboursement d’une télévision pour 8.865£ (près de 10.000 euros).
Enfin, conclut-il, alors qu’il y a quelques semaines « le Premier Ministre excusait son erreur de jugement en embauchant l’ancien directeur de la rédaction Andrew Coulson en clamant que « tout le monde mérite une seconde chance », il était très parlant qu’il n’a pas parlé de seconde chance lorsqu’il a requis une punition exemplaire pour les émeutiers et les casseurs. « Ces doubles standards de Downing Street sont symptomatiques des doubles standards répandus au sommet de notre société. (.) Bien évidemment, ces derniers sont intelligents et assez riches pour être certains qu’ils obéissent à la loi. Cela ne peut être dit des malheureux jeunes femmes et hommes, qui sans espoir et aspiration, ont causé tellement de désordre et de chaos ces derniers jours. Mais les émeutiers ont cette défense : ils suivent tout simplement l’exemple montré par les figures plus âgées et respectées de la société ».
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