Randonnées new age, kits de survie, bunkers de luxe... Le commerce de l'apocalypse ne connaît pas la crise.Par Victoria GairinComment, vous n'avez toujours pas réservé votre place au chaud pour survivre à la fin du monde ? Si l'on en croit les prophéties inspirées du calendrier maya, qui fixent l'apocalypse au 21 décembre 2012, c'est de la pure inconscience. Plus que onze mois pour creuser son trou, édifier son bunker, faire des provisions et dire au revoir (sait-on jamais) à la planète Terre... On n'a pas trouvé mieux pour juguler la crise financière : faire de fumeuses prédictions un véritable business. Et le pire, c'est que ça marche. Les arnaques en tout genre fleurissent sur la Toile sur fond de théories catastrophistes et autre spéculation apocalyptique.
En France, on connaissait le petit village de Bugarach dans l'Aude qui, depuis quelques mois déjà, accueille tout ce que le globe compte de néo-babas, adeptes new age et illuminés de tout poil, intimement convaincus que le cataclysme final ne passera pas par là, grâce au célèbre pic, point culminant des Corbières, dont la géologie protégerait les environs. Mais ces randonnées ésotériques aux noms évocateurs, tels que "sauvez le monde", les yourtes, les cérémonies en blanc et autres incantations réalisées dans le plus simple appareil ne sont que folklore au vu de ce que préparent les Américains.
De l'autre côté de l'océan, "sauver sa peau" peut en effet coûter une petite fortune. Pour 50 000 dollars, soit environ 35 000 euros, la société Vivos propose une place de choix dans un bunker antiatomique souterrain. Claustrophobes, s'abstenir. Chacun des vingt bunkers prévus par l'entreprise de construction peut contenir entre 200 et 1 000 personnes. Cuisines, cellules pour la nuit, salles de détente, cinéma, hôpital et centre dentaire, l'abri a des allures de paquebot de luxe. La mer en moins, bien sûr. Selon certains médias, plusieurs milliers d'Américains auraient déjà choisi leur place dans ce monde parallèle, dont les réserves permettraient de survivre pendant un an à une catastrophe majeure.
Science-fictionQuant à ceux qui n'auraient pas les moyens de s'offrir ce blockhaus trois-étoiles, qu'ils se rassurent : on ne compte plus les sites internet et les best-sellers qui prodiguent les meilleures astuces pour se barricader chez soi. Le site Apocalypse2012 vous indique ainsi comment construire votre propre abri et dresse une liste de conseils à suivre pour survivre : "Prévoyez une pièce raccordable à un groupe électrogène, qui, s'il est installé dans cette pièce, devra disposer d'un système d'évacuation des fumées et de gaz, afin de ne pas vous asphyxier. Idéalement, les fumées devront être évacuées vers le sol pour vous permettre de ne pas attirer l'attention. Cette pièce devra encore disposer d'un grand placard où entreposer les provisions et qui fermera à clé afin d'assurer et de maîtriser un rationnement potentiel."
On croirait à une plaisanterie tant ces postulats font penser à un mauvais scénario de science-fiction. Pour Georges Fenech, président de la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), il n'en est rien. "Si l'apocalypse est présente dans l'ensemble des religions monothéistes, avec l'arrivée d'Internet, elle revêt un caractère parfaitement irrationnel. En grec, le terme signifie révélation, ou vérité, et non chaos ou bouleversement. Mais nous devons être extrêmement vigilants. La récupération et l'interprétation de certaines théories peuvent devenir extrêmement dangereuses."
"La rumeur est exploitée par des gourous"Si le terme a évolué, les propos alarmistes, eux, ne datent pas d'hier. Déjà, au XVIe siècle, l'apothicaire français Nostradamus livrait des écrits divinatoires sur les catastrophes à venir. Et l'on se souvient, il n'y a pas si longtemps, des théories de l'an 2000... Pour 2012, tous les phénomènes sont bons pour prévenir le chaos. Pour certains, Fukushima est l'élément annonciateur de la fin. Pour d'autres, ce serait le réchauffement climatique.
Au programme du 21 décembre prochain ? Un renversement des pôles magnétiques, l'arrivée d'une nouvelle planète qui percuterait la nôtre ou l'alignement de la Voie lactée. Rien que ça ? "On doit, bien sûr, respecter la liberté de croyance de chacun, rappelle Georges Fenech. Le problème, c'est que la rumeur planétaire est exploitée par des gourous sans temple qui créent un climat anxiogène. Et les conséquences peuvent être terribles." À craindre, un désengagement social. Et même pire, un passage à l'acte. On se souvient bien sûr du suicide collectif des 914 adeptes du Temple du peuple au Guyana en 1978, du drame de la secte Heaven's Gate en 1997, et des 16 brûlés vifs de l'Ordre du temple solaire dans le Vercors en 1995. "Cette année, en Bourgogne, cinq femmes sont tombées sous l'emprise d'un gourou canadien, via Internet. Une enquête vient d'être ouverte pour incitation au suicide, s'inquiète le président de la Miviludes. Nos équipes seront donc sur tous les fronts d'ici le 21 décembre."
En attendant, il ne nous reste plus qu'à nous procurer kits de survie (150 dollars), trousses de secours (39,90 dollars) et mugs antiatomiques sur le site officiel du 21 décembre 2012. Et à télécharger l'application iPhone "Twenty12" qui permet de compter à rebours jusqu'au jour funeste. J - 345 jours, 12 heures, 7 minutes, 24 secondes...
Source : http://www.lepoint.fr/societe/2012-le-business-de-la-fin-du-monde-10-01-2012-1417262_23.php
Les riches investissent dans les bunkers Pour les constructeurs de bunkers, le terrorisme, c’est bien, mais l’apocalypse, c’est encore mieux. Danila Andreïev s’est lancé dans la construction de « chambres de panique » il y a trois ans, quand la peur des attaques terroristes et des réglements de compte qui tournent mal a suscité l’apparition d’une demande pour ce genre de service. Aujourd’hui, il vend des « bunkers de survie » à 281 000 euros pièce, en capitalisant sur l’angoisse suscitée par les théories de fin du monde en 2012.
« Je ne suis pas un adepte des scénarios apocalyptiques », prévient Andreïev, 31 ans, dont l’entreprise Spetsgeoproekt (abréviation de Projets Géologiques Spéciaux), est en train de construire quinze casemates dans des lieux secrets à travers la Russie. « Mais en entendant des clients parler de la fin du monde, tu commences tout de même à y réfléchir ».
Alors que la Russie est une cible récurrente pour les terroristes (37 personnes sont mortes dans un attentant suicide à l’aéroport moscovite Domodedovo en janvier), de plus en plus de Russes cherchent des moyens de se protéger contre ce qu’Andreïev appelle un « cataclysme mondial », que des prédictions fondées sur une interprétation du calendrier Maya, par exemple, annoncent pour 2012.
Selon son vice-président Allen Thompson, Northwest Shelter Systems, une entreprise basée à Sandpoint, (Idaho) spécialisée en abris anti-nucléaires, a enregistré une augmentation de 60 % en demandes de devis de la part d’acheteurs potentiels depuis le tsunami et le tremblement de terre au Japon, au mois de mars. Vivos Group, un constructeur de bunkers en Californie, dont le site web présente une météorite qui heurte la Terre, confirme : les réservations dans ses abris ont été multipliés par dix depuis le désastre qui à causé la disparition de 25 000 personnes.
Selon le fondateur de Vivos, Robert Vicino, « des milliers de demandes proviennent de Russie et des ex-pays soviétiques ». L’abri Vivos le plus proche de la Russie se trouve quelque par en Europe centrale, confie-t-il. Une place y coûte environ 17 500 euros par personne. « Chacun a une croyance ou un pressentiment différent de ce qui nous attend », explique-t-il. « Vivos n’est pas tant focalisé sur 2012 que sur le fait de fournir une solution d’assurance de vie à nos familles quand la catastrophe arrivera ».
Vivos construit des sites aux États-Unis et ailleurs. En janvier, l’entreprise a décidé d’acheter un bunker de deux étages édifié pour le gouvernent britannique en 1990 dans la campagne écossaise.
Spetsgeoproekt prévoit d’inaugurer cette année un show-room à Roublevka, la banlieue huppée de Moscou, et se développe déjà en régions, rapporte Andreïev. Les blockhaus de la compagnie vont de 35 à 90 m². Le maintien d’une unité, y compris du système d’aération, revient à 1 750 euros par an.
L’Altaï, région montagneuse de Sibérie méridionale qui longe la Chine, la Mongolie et le Kazakhstan, est particulièrement intéressant car il est censé être « résistant aux inondations », explique Andreïev. Spetsgeoproekt a commencé à y construire un bunker de 80 m² pour 245 800 euros.
« Ils disent tous la même chose : l’année prochaine, il y aura une inversion polaire ou quelque chose du genre, et la Russie sera presque entièrement inondée, sauf l’Altaï et quelques autres régions », dit Andreïev.
Alexeï, 35 ans, l’un de ses clients, confie que l’inquiétude face à l’apocalypse imminente l’a poussé, en février, à commander la construction d’un abri qui pourrait accueillir huit personnes, non loin de Moscou, pour 105 300 euros. Il a refusé toutefois de dire son nom, pour ne pas révéler qu’il possèdera bientôt un bunker. « Une catastrophe va certainement arriver l’année prochaine, tout indique qu’il se passera quelque chose le 21 décembre 2012 » : Alexeï fait référence aux interprétations des prévisions apocalyptiques de Nostradamus, de la mystique aveugle bulgare, Baba Wanga, et du calendrier Maya. Son bunker à lui est conçu à partir de plans militaires soviétiques des années 1970, assorti de technologie moderne. Les murs ressemblent à ceux des centrales nucléaires et les systèmes d’aération sont empruntés aux vaisseaux spatiaux et aux sous-marins. Les portes sont celles des chambres fortes des banques suisses.
La Russie a une histoire de construction de bunkers, surtout pendant la guerre froide et sa menace nucléaire.
Quelques site jadis secrets à Moscou et dans les environs sont ouverts au public depuis la chute de l’URSS, en 1991, dont une enceinte de 7000 m² à 60 m de profondeur, sous la place Taganskaïa, au cœur de la capitale. Transformé aujourd’hui en musée de la guerre froide, le lieu est disponible à la location pour fêtes et mariage.
Peut-être est-ce un signe des temps que Evgueni Oubyko, un ancien ingénieur de l’Armée rouge qui a servi dans ce qui fut la Tchécoslovaquie, ressente le besoin de commencer à produire des bunkers flottants. L’ingénieur de 45 ans a déjà conçu son propre « coffre-fort mobile » de 32 m², dont il fait la publicité sur son site. Une réplique coute 56 000 euros. Il a déjà quatre commandes. « L’activité sismique accroit et les dérèglements météorologiques sont plus fréquents, il est clair que la tendance est telle que le tremblement de terre et le tsunami récents au Japon vont nous paraitre comme des évènements mineurs », prévient Oubyko. « Le gens commencent à penser aux abris, comme Noé à son arche ».
Source : http://larussiedaujourdhui.fr/articles/2011/05/25/les_riches_investissent_dans_les_bunkers_12289.html
Article original : http://www.themoscowtimes.com/business/article/apocalypse-angst-as-rich-russians-buy-bunkers/436893.html