Au moins 24 nouvelles taxes ont été créées en cinq ans"Vous avez taxé les clés USB, les disques durs, les véhicules selon des caractéristiques fluctuantes au gré des lois de finances (...) Vous avez même taxé les poissons, les crustacés et les mollusques, avant que la Commission européenne ne vous dise que décidément, celle-là était peut-être de trop !" A front renversé, alors que l'argument du "matraquage fiscal" est en général celui de la droite contre la gauche, le député socialiste du Lot-et-Garonne, Jérôme Cahuzac s'est livré, mardi 18 octobre, à un réquisitoire contre les taxes que propose l'UMP dans le cadre du projet de loi de finances.
La pique du président de la commission des finances de l'Assemblée visait à souligner un paradoxe : c'est selon lui sous le mandat de Nicolas Sarozy qu'a été battu le record de créations de taxes nouvelles.En 2007, l'actuel chef de l'Etat n'avait pas de mots assez durs contre les hausses d'impôts et la fiscalité. Il promettait de réduire les prélèvements obligatoires de quatre points durant son mandat. Soit, expliquait-il dans un entretien au Monde, "2 000 euros rendus aux Français par foyer et par an, y compris les retraités, et 4 900 euros par foyer si on s'en tient à la France qui travaille." Entre 2007 et 2011, selon Bercy, le taux de prélévements obligatoire sera finalement passé de 43,6 % en 2007, selon l'OCDE, à 44,5 % prévus pour 2012, et 40,7% en 2000.
Cette rupture de promesse pourrait se justifier, en premier lieu par la crise. Mais l'Elysée n'a pas souhaité assumer ce changement de cap et a continué à marteler qu'il refusait "absolument la perspective d'une augmentation générale des impôts" (discours de Nicolas Sarkozy au Conseil économique, social et environnemental, le 14 janvier 2011). Un refus martelé dans des dizaines de discours, comme le montre une simple recherche sur le site de l'Elysée.
Pour augmenter les rentrées fiscales sans toucher aux impôts les plus "visibles" et les plus symboliques (sur le revenu, sur les sociétés ou la TVA), la majorité a rusé, et mutiplié au fil des ans les taxes et dispositifs de prélévements divers et variés, touchant à de très larges domaines.
Le Monde.fr a tenté, à partir de la liste de la commission des finances de l'Assemblée, d'établir une liste des taxes créees depuis le quinquennat. En se limitant aux seules taxes incluses dans les lois de finances (donc sans tenir compte de celles prévues par les finances sociales), et en ne retenant que les taxes encore en vigueur (donc sans tenir compte de taxes supprimées, ni des hausses de taxes existantes), on parvient sans peine à une trentaine de nouvaux prélèvements.
PROJET DE LOI DE FINANCES 2012 (Taxes en cours de discussion à l'Assemblée) * Taxe supplémentaire exceptionnelle sur les hauts revenus : Cette taxe, votée par les députés le 19 octobre, touchera les ménages les plus riches, en imposant une surtaxe de 3 % sur les revenus de 250 000 à 500 000 euros, et de 4 % au-delà de 500 000, jusqu'à ce que les finances publiques soient à l'équilibre.
* Taxe sur les sodas et boissons sucrées : Cette taxe impose 6,22 euros à l'hectolitre pour les boissons artificiellement sucrées. Elle vient d'être étendue aux boissons "light" sucrées à l'aide d'édulcorants. Elle doit rapporter jusqu'à 120 millions d'euros.
* Taxe sur les loyers élevés des micro-logements : Encore en discussion, cette taxe de 10 % à 40 % sur le loyer touchera à partir du 1e janvier les locations de petites surfaces dont le prix dépasse 40 euros du mètre carré. On ne sait pas combien elle va rapporter.
COLLECTIF BUDGÉTAIRE 2011 * Taxe sur les nuitées d'hôtel supérieures à 200 € : Cette taxe mis en place dans le collectif budgétaire de l'été 2011 a remplacé au débotté une taxe sur les parcs à thème, abandonnée sous la pression des lobbies. Elle concernera les chambres les plus luxueuses, et devait rapporter 90 millions d'euros.
* Contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier : Egalement issue du "plan Fillon" de l'été 2011, cette taxe frappe les entreprises pétrolières, et devrait rapporter 120 millions d'euros.
* Imposition des plus-values latentes lors du transfert d'un domicile fiscal à l'étranger : Toujours issue du "plan Fillon", cette taxe vise à limiter "l'effet d'aubaine" pour les contribuables qui quittent la France. Elle doit rapporter 189 millions d'euros.
* Contribution sur les activités privés de sécurité : Touchant les entreprises de sécurité privées, elle est destinée à financer le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnadps), qui contrôlera l'activité des sociétés de sécurité qui se multiplient en France. Elle rapporte 17 millions d'euros.
LOI DE FINANCES 2011 * Taxe de risque systémique pour les banques : Adoptée dans le projet de loi de finances 2011, cette taxe doit dissuader la prise de risques des établissements bancaires et compenser le coût de résolution de crises issues de ce risque. Elle doit rapporter 809 millions d'euros.
* Taxe de droit de timbre pour l'introduction d'une instance dans le cadre de la réforme de l'aide juridictionnelle : Violemment critiquée par les avocats qui la jugent "profondément injuste", cette taxe impose le paiement de 35 euros pour toute action judiciaire. Elle devrait rapporter 88 millions d'euros.
* Contribution de solidarité territoriale et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires : Instaurée par l'article 65 de la loi de finances 2011, il s'agit d'une taxe visant les opérateurs ferroviaires privés autorisés à utiliser le réseau ferré français. On ne connaît pas son produit.
* Contribution financière sur la capitalisation boursière : Cette taxe créée à l'article 9 de la loi de finances institue une contribution pour les sociétés détentrices de capitalisations au-delà d'un milliard d'euros. Elle est comprise entre 20 000 et 300 000 euros (pour 20 milliards de capitalisation), et doit financer l'autorité des marchés financiers (AMF). Elle pourrait rapporter autour de 12 millions d'euros. Les établissements financiers sont également concernés.
* Taxation des sommes placées sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurances : Egalement créée par l'article 9 de la loi de finances, elle taxe de 5 % à 10 % les sociétés d'assurances qui constituent une réserve d'argent dans certaines conditions.
* Contribution adtionnelle à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux applicables à certaines stations radioélectriques : Cette taxe vient, avec d'autres, compenser la fin de la taxe professionnelle, décidée en 2010 par Nicolas Sarkozy. Elle touche les entreprises dites "de réseau", donc qui touchent à l'énergie, au transport ou aux télécommunications, qui sont surtaxés de 5 % sur leur imposition forfaitaire (Ifer).
LOI DE FINANCES 2010 * Taxe spéciale d'équipement au profit de la société du grand Paris : Cette taxe, plafonnée à 117 millions d'euros par an, touche les propriétaires, entreprises ou particuliers, de foncier dans la région Ile-de-France. Elle doit permettre de financer la société du grand Paris.
* Contribution annuelle au profit de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire due par les exploitants des installations nucléaires de base : Cette taxe cible les exploitants de centrales. Elle est destinée à financer l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
* Taxe exceptionnelle sur les bonus des traders : Cette taxe, instaurée en 2009 à titre exemplaire, en pleine crise financière, est destinée à financer Oseo, le fonds créé pour aider les PME, en taxant les rémunérations des "salariés, professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'exposition aux risques de l'entreprise". Elle a rapporté 270 millions d'euros en 2010.
LOI DE FINANCES 2009 * Droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel : Dans la loi de finance rectificative pour 2009, le législateur a voté une indemnisation des avoués et de leurs salariés. Cette taxe, d'un montant forfaitaire de 330 euros est due, lors d'un procès, “par la partie qui interjette appel principal, lorsque l'appelant est tenu de constituer avocat devant la cour d'appel”.
* Droit de timbre perçu en cas de renouvellement anticipé de la CNI : La loi de finance pour 2009 impose à tout citoyen de présenter sa carte nationale d'identité afin de la renouveler. En cas de défaut de présentation de la précédente carte, on doit s'acquitter d'un droit de timbre de 25 €. La somme ainsi récoltée est versée à l'Agence nationale des titres sécurisés, dans la limite de 12,5 millions d'euros.
* Taxe pour la gestion des certificats d'immatriculation des véhicules : Depuis 2009, la délivrance d'un certificat d'immatriculation d'un véhicule neuf ou d'occasion et soumise à un droit de timbre de 4 €.
* Eco-taxe poids lourds : Pour limiter la pollution, les acteurs du Grenelle de l'environnement voulaient dissuader, au moyen d'une taxe appelée "éco-redevance kilométrique" – comprise entre 0,025 et 0,20 € –, le transport des marchandises par la route. Votée dans le projet de loi de finances pour 2009, l'éco-taxe sur les poids lourds devait être expérimentée en 2011 dans la région Alsace. Ce test a été reporté à 2013. Étendu à tout le pays en juin 2013, le dispositif devrait rapporter 1,2 milliard d'euros par an.
LOI DE FINANCES DE 2008 * Taxe minière spécifique applicable à la production d'or en Guyane : Cette taxe concerne les exploitants d'or de Guyane, qui sont taxés à hauteur de 1 % du cours moyen annuel de l'or au maximum, soit 198 euros par kg d'or au maximum, et 40 à 80 euros au minimum.
* Taxe annuelle sur la détention de véhicules particuliers polluants : Cette taxe de 160 euros, issue du Grenelle de l'environnement, s'applique aux véhicules polluants, en fonction de leur émission de CO2
* Droit fixe sur chaque rapport de certification des comptes : Cette taxe, destinée à financer le Haut conseil du commissariat aux comptes, prélève des sommes sur les rapports de certification sur des marchés réglementés.
Loi de finances 2007 * Taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules : Cette taxe, qui vient donc en renforcer une autre, s'applique aux véhicules polluants, qui sont surtaxés de deux ou quatre euros.
Au total, donc, ce sont 24 nouvelles taxes qui auront été lancées et maintenues depuis cinq ans, pour le seul projet de loi de finances, sans comptabiliser les taxes qui permettent de financer la Sécurité sociale, et qui seront l'objet d'un prochain article du Monde.fr.Source : http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/10/21/au-moins-24-nouvelles-taxes-ont-ete-creees-en-cinq-ans_1591172_823448.html#xtor=RSS-3208