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Sujet: la rebellion et les zapatistes au Mexique Mer 22 Oct 2014 - 8:13
Le monde zapatiste une merveilleuse alternative de société, qu'en pensez-vous?
Invité Invité
Sujet: Re: la rebellion et les zapatistes au Mexique Mer 22 Nov 2017 - 8:47
Le mouvement zapatiste.
Les zapatistes ont défié la modernité néolibérale en 1994, aujourd'hui, ils semblent passés de mode, les grands médias n’en parlent plus, au point que l’on pourrait, les croire disparus. Leur expérience témoigne de la viabilité des idées et des pratiques d’émancipation anti-autoritaire.
Le mur et la brèche : Premières notes sur la méthode zapatiste : : http://lavoiedujaguar.net/Le-mur-et-la-breche-Premieres
En haut, les murs, en bas (et à gauche), les brèches lundi 10 avril 2017, par SCI Marcos & Galeano, SCI Moisés
La tempête sur notre chemin :
Pour nous femmes et hommes des peuples originaires zapatistes, la tempête, la guerre, dure depuis des siècles. Elle est arrivée sur nos terres avec la fumisterie de la civilisation et de la religion dominantes. En ce temps-là, l’épée et la croix ont fait couler le sang des nôtres.
Avec le temps, l’épée s’est modernisée et la croix a été détrônée par la religion du capital, mais on a continué à demander notre sang comme offrande au nouveau dieu : l’argent.
Nous avons résisté. Nous avons toujours résisté. Nos rebellions ont été supplantées par la dispute entre les uns et les autres pour le Pouvoir. Les uns et les autres, toujours en haut, nous ont demandé de lutter et de mourir pour les servir, ont exigé de nous l’obéissance et la soumission, sous le mensonge de nous libérer. Comme ceux qu’ils disaient et qu’ils disent combattre, ils sont venus et ils viennent nous diriger. Il y a eu ainsi de prétendues indépendances et de fausses révolutions, passées et à venir. Ceux d’en haut se sont remplacés et continuent à le faire depuis lors, pour mal gouverner ou pour aspirer à le faire. Et dans les calendriers passés et présents, leur proposition continue d’être la même : que nous, femmes et hommes, mettions notre sang ; tandis que eux dirigent, ou simulent diriger.
Et auparavant, tout comme maintenant, eux oublient que nous n’oublions pas.
Et la femme, toujours en bas, hier et aujourd’hui. Même dans ce que collectivement nous fûmes et que nous sommes.
Mais les calendriers n’ont pas seulement apporté douleur et mort pour nos peuples. En étendant sa domination, le Pouvoir a créé de nouvelles fraternités dans la disgrâce. Nous avons alors vu l’ouvrier et le paysan ne faire qu’un avec notre douleur, et être écrasés sous les quatre roues du wagon mortel du Capital.
À mesure que le Pouvoir avançait avec le temps, l’en-bas a grandi encore et encore, élargissant la base sur laquelle le Pouvoir est Pouvoir. Nous avons alors vu se joindre des professeurs, des étudiants, des artisans et des petits commerçants, des gens des professions libérales, les etcétéras avec des noms différents mais les mêmes tristesses.
Cela n’a pas suffi. Le Pouvoir est un espace d’exclusion, de discrimination, de sélection. Et donc les différences ont été pourchassées ouvertement. La couleur, la race, le credo religieux, la préférence sexuelle ont été expulsés du paradis promis, vu que l’enfer était leur maison de toujours.
Ont suivi la jeunesse, l’enfance, la vieillesse. Le Pouvoir a converti ainsi les calendriers en motif de persécution. Tout ce qui est en bas est coupable : pour être femme, pour être enfant, pour être jeune, pour être adulte, pour être ancien·ne, pour être humain·e.
Mais l’exploitation, la spoliation, la répression et la discrimination s’élargissant, le Pouvoir a aussi agrandi les résistances… et les rébellions.
Nous avons vu en ce temps, et maintenant, se lever le regard de beaucoup, hommes, femmes, autres. Différents, mais semblables dans la rage et l’insoumission.
Le Pouvoir sait qu’il n’est ce qu’il est qu’aux dépens de ceux qui travaillent. Il en a besoin.
À chaque rébellion, il a répondu et il répond en achetant ou en trompant les plus faibles, en enfermant et assassinant les autres. Il n’a pas peur de leurs exigences, c’est leur exemple qui lui fait horreur.
Ça n’a pas suffi. Après avoir dominé des nations, le pouvoir du Capital a cherché à mettre l’humanité entière sous son joug pesant.
Ça n’a pas été suffisant non plus. Le Capital prétend maintenant gérer la nature, l’apprivoiser, la domestiquer et l’exploiter. C’est-à-dire la détruire.
Toujours par la guerre, dans son avancée destructrice le Capital, le Pouvoir, a démoli les premiers fiefs et les premiers règnes. Et sur leurs ruines il a édifié des nations.
Ensuite il a dévasté les nations, et sur leurs débris il a érigé un nouvel ordre mondial : un grand marché.
Le monde entier s’est converti en un immense entrepôt de marchandises. Tout se vend et s’achète : les eaux, les vents, la terre, les plantes et les animaux, les gouvernements, la connaissance, les loisirs, le désir, l’amour, la haine, les gens.
Mais dans le grand marché du Capital, il n’y a pas que les marchandises qui s’échangent. La « liberté économique » est seulement un mirage qui simule l’accord mutuel entre qui vend et qui achète. En réalité, le marché se fonde sur la spoliation et l’exploitation. L’échange est donc celui des impunités. La justice se transforme en une grotesque caricature, et dans sa balance l’argent pèse toujours plus que la vérité. Et la stabilité de cette tragédie appelée capitalisme dépend de la répression et du mépris.
Mais ça n’a pas suffi non plus. Dominer dans le monde matériel n’est pas possible, si on n’en domine pas les idées. L’imposition par les religions s’est approfondie et a atteint les arts et les sciences. Comme la mode pour les vêtements ont surgi et surgissent des philosophies et des croyances. Les sciences et les arts ont cessé d’être le trait distinctif de l’humain et se sont rangées dans les rayons du supermarché mondial. La connaissance est devenue propriété privée, tout comme le loisir et le plaisir.
Le Capital, de cette manière, s’est consolidé en une grande broyeuse mécanique qui n’utilise plus seulement l’humanité entière comme matière première pour produire des marchandises, mais aussi les connaissances, les arts… et la nature.
La destruction de la planète, les millions de déplacés, la hausse du crime, le chômage, la misère, la fragilité des gouvernements, les guerres à venir, ce ne sont pas les produits des excès du Capital ou d’une gestion erronée d’un système qui a promis ordre, progrès, paix et prospérité.
Non, toutes ces disgrâces son l’essence même du système. Ce sont d’elles qu’il s’alimente, c’est à leurs frais qu’il grandit.
La destruction et la mort sont le combustible de la grande machine du Capital.
Et ils ont été, ils sont et ils seront inutiles, les efforts pour « rationaliser » son fonctionnement, pour l’« humaniser ». L’irrationnel et l’inhumain sont ses pièces centrales. Il n’y a pas d’arrangement possible. Il n’y en a pas eu auparavant. Et ce n’est pas non plus possible maintenant d’atténuer son cours criminel.
L’unique façon d’arrêter la machine c’est de la détruire.
Dans la guerre mondiale actuelle, la dispute est entre le système et l’humanité.
C’est pour ça que la lutte anticapitaliste est une lutte pour l’humanité.
Ceux qui prétendent encore « arranger » ou « sauver » le système, en réalité nous proposent le suicide massif, global, comme sacrifice posthume au Pouvoir.
Mais à l’intérieur du système il n’y a pas de solution.
Et ne suffisent plus ni l’horreur, ni la condamnation, ni la résignation, ni l’espoir de se dire que le pire est passé et que les choses ne pourront que s’améliorer.
Non. Ce qui est sûr c’est que ça va devenir pire.
C’est pour ces raisons, plus celles que chacun rajoute au vu de ses calendriers et ses géographies particulières, qu’il faut résister, qu’il faut se rebeller, qu’il faut dire « non », qu’il faut lutter, qu’il faut s’organiser.
C’est pour ça qu’il faut faire se lever le vent d’en bas avec résistance et rébellion, avec organisation.
C’est seulement ainsi que nous pourrons survivre. Seulement ainsi qu’il sera possible de vivre.
Et seulement alors, comme le fut notre parole il y a vingt-cinq ans, nous pourrons voir que…
« Quand cessera la tempête, quand la pluie et le feu laisseront une fois de plus en paix la terre, le monde ne sera plus le monde, mais quelque chose de meilleur. »
La guerre et les murs dehors et dedans
Si avant, la souffrance causée par la guerre était patrimoine exclusif de l’en-bas mondial, maintenant elle agrandit ses calamités.
Sur chaque coin de la planète la haine et le mépris prétendent détruire des familles, des communautés entières, des nations, des continents. Il n’est désormais plus nécessaire d’avoir commis un délit ou d’être présumé criminel, il suffit juste d’être suspecté d’être humain.
Provoqué par l’avarice du grand argent, le cauchemar actuel prétend le faire payer à ceux qui en souffrent. Les frontières ne sont plus seulement des lignes en pointillés sur les cartes et aux postes de douane, maintenant ce sont des murailles de militaires et de policiers, de ciment et de briques, de lois et de persécutions. Dans tout le monde d’en haut la chasse de l’être humain augmente, et culmine en compétitions clandestines : gagne celui qui le plus expulse, enferme confine, assassine.
Comme nous ne cessons de le dire depuis plus de vingt ans, la globalisation néolibérale n’a pas amené le surgissement de la communauté planétaire, mais la fragmentation et la dissolution desdits « États-nations ». Nous avons appelé alors, et maintenant encore, ce processus avec le nom qui le décrit au mieux : « guerre mondiale » (la quatrième, selon nous).
La seule chose qui s’est mondialisée a été le marché et, avec lui, la guerre.
Pour ceux qui font fonctionner les machines et font naître la terre, les frontières ont été et continuent d’être ce qu’elles ont toujours été : des prisons.
Notre affirmation a provoqué alors, il y a deux décennies de cela, des sourires moqueurs dans l’intelligentsia internationale enchaînée à de vieux dogmes caducs. Et ceux-là mêmes, aujourd’hui bégayent face à une réalité frénétique et, ou bien essayent de vieilles recettes, ou bien adoptent l’idée à la mode qui, après toute une complexe élaboration théorique, cache la seule chose véritable : ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’il se passe, ni de ce qui arrive, ni de ce qui a précédé le cauchemar actuel.
Ils se plaignent. La pensée d’en haut leur a promis un monde sans frontières, et le résultat est une planète gavée de recoins chauvinistes.
Le monde ne s’est pas transformé en une gigantesque mégalopole sans frontières, mais en une grande mer secouée par une tempête qui n’a aucun antécédent de similaire magnitude. À l’intérieur, des millions de déplacés (qui sont, avec fracas médiatique, rassemblés sous le nom de « migrants ») naufragent dans de petits bateaux, avec l’espoir d’être sauvés par le gigantesque navire du grand Capital.
Mais, non seulement il ne le fera pas ; lui, le grand Capital, est le principal responsable de la tempête qui menace déjà l’existence de l’humanité entière.
Sous le déguisement maladroit du nationalisme fasciste, les temps de l’obscurantisme le plus rétrograde reviennent réclamer attentions et privilèges. Fatigué de gouverner dans l’ombre, le grand Capital démonte les mensonges de la « citoyenneté » et de « l’égalité » face à la loi et au marché.
Le drapeau de « liberté, égalité et fraternité » avec lequel le capitalisme a revêtu son passage en système dominant dans le monde n’est déjà plus qu’un torchon sale et jeté à la poubelle de l’histoire d’en haut.
Au final le système se dévoile et montre son vrai visage et sa véritable vocation. « La guerre toujours, la guerre partout », murmure l’emblème du superbe navire qui navigue sur une mer de merde et de sang. C’est l’argent, pas l’intelligence artificielle, qui combat l’humanité dans la bataille décisive : celle de la survie.
Personne n’est à l’abri. Ni l’ingénu capitaliste national, qui rêvait des bienfaits que lui offrait l’ouverture des marchés mondiaux, ni la classe moyenne conservatrice, survivant entre le rêve d’être puissante et la réalité d’être troupeau du berger de service.
Sans parler de la classe laborieuse de la campagne et de la ville, aux conditions plus difficiles encore, si cela est possible.
Et, pour compléter l’image apocalyptique, des millions de déplacés et de migrants se heurtant aux frontières devenues subitement aussi réelles que les murs qu’à chaque pas mettent en travers les gouvernements et les criminels. Dans la géographie mondiale des médias et des réseaux sociaux, les déplacés, fantômes errants sans nom ni visage, ne sont à peine qu’un numéro statistique qui change de localisation.
Le calendrier ? À peine un jour après la promesse de la fin de l’histoire, de la déclaration solennelle de la suprématie d’un système qui autoriserait le bien-être à celui qui travaille, de la victoire sur « l’ennemi communiste » qui prétendait restreindre la liberté, imposer des dictatures et générer de la pauvreté, de l’éternité promise qui annulerait toutes les généalogies. Le même calendrier qui annonçait à peine hier que l’histoire mondiale commençait tout juste. Et il en ressort que non, que tout cela n’était que le prélude du plus effrayant cauchemar.
Le capitalisme comme système mondial s’effondre et, désespérés, les grands capitaines ne trouvent pas vers où aller. C’est pour cela qu’ils s’en retournent à leurs tanières d’origine.
Ils offrent l’impossible : le salut local contre le naufrage mondial. Et les fadaises se vendent bien parmi une classe moyenne qui s’estompe parmi ceux d’en bas en matière de revenus, mais qui prétend suppléer ses carences économiques avec des refrains de race, de credo, de couleur et de sexe. Le salut d’en haut est anglo-saxon, blanc, croyant et masculin.
Et maintenant, ceux qui vivaient des miettes de la table des grands capitaux regardent, désespérés, comment contre eux aussi se dressent les murs. Et, le comble, prétendent diriger l’opposition à cette politique guerrière. C’est ainsi que nous voyons la droite intellectuelle faire de grands gestes de contrariété et tenter des protestations timides et ridicules. Parce que non, la globalisation n’a pas été le triomphe de la liberté. C’était et c’est l’étape actuelle de la tyrannie et de l’esclavage.
Les nations n’en sont déjà plus, bien que leurs gouvernements respectifs ne s’en soient pas encore aperçus. Leurs drapeaux et leurs emblèmes nationaux paraissent pâles et ternis. Détruits par la globalisation d’en haut, infectés par le parasite du Capital, la corruption étant leur unique signe d’identité, avec une hâte maladroite les gouvernements nationaux tentent de se protéger d’eux-mêmes et de tenter la reconstruction impossible de ce qu’ils furent un jour.
Dans le compartiment étanche de ses murailles et de ses douanes, le système drogue la moyenne sociale avec l’opium d’un nationalisme réactionnaire et nostalgique, avec la xénophobie, le racisme, le sexisme et l’homophobie comme horizon de salut.
Les frontières se multiplient au sein de chaque territoire, au-delà de celles peintes sur les cartes. Également et, surtout, celles que soulèvent la corruption et le crime faits gouvernement.
La prospérité postmoderne n’était rien d’autre qu’un ballon gonflé par le capital financier. Et la réalité est venu le faire éclater : des millions de déplacés par la grande guerre remplissent les terres et les mers, s’accumulent aux postes de douane et avancent en ouvrant des brèches dans les murs déjà bâtis ou sur le point de l’être. Auparavant encouragés par le grand Capital, les fondamentalismes rencontrent une terre fertile pour leurs propositions d’unification : « De la terreur naîtra une seule pensée, la nôtre. » Après avoir été alimentée par les dollars, la bête du terrorisme menace la maison de son créateur.
Et, tout autant dans l’Union américaine qu’en Europe de l’Ouest ou dans la Russie néo-tsariste, la bête se replie sur elle-même et tente de se protéger. C’est là (mais pas seulement) qu’elle porte à la gloire la stupidité et l’ignorance les plus crasses et, par le biais de ses figures de gouvernants, synthétise sa proposition : « Revenons au passé. »
Mais non, l’Amérique ne retrouvera pas sa grandeur. Jamais plus. Ni le système tout entier dans son ensemble. Qu’importe ce que fassent ceux d’en haut. Le système est déjà arrivé au point de non-retour.
Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain, sous-commandant insurgé Moisés , sous-commandant insurgé Galeano Mexique, 14 février (aussi jour de nos mort·e·s) 2017.