Une nouvelle caméra de la taille d'un grain de sel !
4 MIN de lecture
Des chercheurs de l’Université de Princeton et de l’Université de Washington ont mis au point un appareil photo ultracompact de la taille d’un gros grain de sel, capable de prendre des photos haute définition et en couleurs. Le système repose sur une technologie appelée métasurface, qui capte la lumière au moyen de plus d’un million de nano-antennes optiques. La configuration de chacune de ces antennes est définie à l’aide d’un algorithme conçu pour obtenir la meilleure qualité d’image possible. Cette approche pourrait un jour révolutionner l’imagerie médicale.
Les caméras miniatures sont aujourd’hui exploitées dans de nombreux domaines : imagerie médicale, smartphones, surveillance/sécurité, robotique, conduite autonome, etc. À une échelle encore plus petite, les imageurs nano-optiques ouvrent la voie à de nouvelles applications dans divers domaines allant de la robotique à la médecine. Les métasurfaces constituent une technologie prometteuse pour concevoir de tels imageurs, mais avec les dispositifs développés jusqu’à présent, la qualité de l’image n’est pas vraiment satisfaisante. Des chercheurs apportent aujourd’hui une solution pour en améliorer la netteté.
>>À lire aussi : Top 10 des plus belles photos scientifiques de 2021
Une qualité équivalente à celle des objectifs traditionnels
Dans un article publié dans Nature Communications, l’équipe affirme que son système de caméra miniaturisé et ultracompact peut produire des images nettes et en couleurs, de qualité équivalente à celles que l’on obtiendrait avec un objectif d’appareil photo classique 500 000 fois plus grand. Alors qu’un objectif traditionnel utilise une série de lentilles incurvées en verre ou en plastique pour courber les rayons lumineux et effectuer la mise au point, le nouveau système optique repose sur une métasurface : large d’à peine un demi-millimètre, elle est constellée d’1,6 million de plots cylindriques, chacun ayant à peu près la taille du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) !
Les métasurfaces sont faites à base de nitrure de silicium – un matériau semblable au verre, qui est compatible avec les méthodes de fabrication de semi-conducteurs standards utilisées pour les puces informatiques. Cela signifie qu’une conception donnée de métasurface pourrait facilement être produite en série à un coût inférieur aux objectifs des appareils photo conventionnels, soulignent les chercheurs.
Le fonctionnement de la plupart des dispositifs optiques conventionnels repose sur la modification de la phase, de l’amplitude ou de la polarisation du front d’onde de la lumière. Les métasurfaces permettent de maîtriser le front d’onde à l’aide d’une interface optique d’épaisseur extrêmement fine. Elles se composent d’un assemblage de diffuseurs ou de résonateurs optiques à l’échelle nanométrique, tous positionnés de manière à former correctement l’ensemble du front d’ond
Les caméras microscopiques précédentes (à gauche) capturaient des images floues et déformées, avec des champs de vision limités. Le nouveau système, appelé nano-optique neuronale (à droite), peut produire des images nettes et en couleurs, comparables à celles d’un objectif d’appareil photo standard. Crédits : E. Tseng et al., Nature Communications (2021)
Chaque « plot » de la surface a ainsi une géométrie unique et fonctionne comme une antenne optique. Grâce à des algorithmes basés sur l’apprentissage automatique, les interactions de ces microstructures avec la lumière se combinent pour produire des images en couleurs de la plus haute qualité et de plus grand champ de vision, encore jamais obtenues avec une métasurface à ce jour.
Une approche qui combine l’optique et le traitement neuronal
Les dispositifs précédemment développés capturaient généralement des images floues et déformées, avec des champs de vision limités ; ils nécessitaient la lumière laser pure d’un laboratoire ou d’autres conditions idéales pour produire des images de haute qualité. Là où l’approche des chercheurs se distingue des autres, c’est dans la conception intégrée de la surface optique et des algorithmes de traitement du signal qui produisent l’image ; ceci a permis d’améliorer les performances de l’objectif dans des conditions de lumière naturelle, a expliqué Felix Heide, professeur adjoint d’informatique à Princeton et auteur principal de l’étude.
>>À lire aussi : Illusion d'optique : de quelle couleur voyez-vous cette photo ?
Il est en effet particulièrement complexe de déterminer la configuration que doit adopter chacune des microstructures (emplacement, taille, forme) recouvrant la surface pour obtenir la meilleure image possible. Mais l’un des membres de l’équipe, Shane Colburn, a relevé ce défi en créant un simulateur informatique permettant d’automatiser les tests de différentes configurations des nano-antennes. En raison du nombre d’antennes et de la complexité de leurs interactions avec la lumière, ce type de simulation peut toutefois utiliser « des quantités massives de mémoire et de temps », a déclaré Colburn.
Les chercheurs ont comparé les images produites avec leur système aux résultats obtenus via les dispositifs à métasurface existants, ainsi qu’aux images capturées par une optique composée traditionnelle qui utilise une série de six lentilles réfractives. Mis à part un léger flou sur les bords du cadre, les images de la caméra nanométrique étaient comparables à celles obtenues avec la configuration de l’objectif traditionnel, qui est plus de 500 000 fois plus volumineuse !
>>À lire aussi : Cet appareil photo capture un seul photon à la fois !
Heide et ses collègues travaillent désormais à ajouter plus de capacités de calcul à la caméra elle-même, pour augmenter encore la qualité de l’image, ainsi que des capacités de détection d’objets ou autres pour la médecine et la robotique. Leur système pourrait par exemple permettre de réaliser une endoscopie peu invasive pour diagnostiquer et traiter des maladies, ou encore d’améliorer l’imagerie de certains systèmes robotiques soumis à des contraintes de taille et de poids. Des réseaux de milliers d’objectifs de ce type pourraient également être utilisés pour transformer toute une surface en caméra : « Vous n’auriez plus besoin de trois caméras à l’arrière de votre téléphone, car tout l’arrière de votre téléphone deviendrait une caméra géante. Nous pouvons penser à des manières complètement différentes de construire des appareils à l’avenir », a déclaré Heide.
source: https://www.science-et-vie.com/