source http://www.rue89.com/2011/02/02/frank-wisner-un-vieux-routier-de-la-diplomatie-americaine-au-caire-188739
Frank Wisner, 72 ans, envoyé par Barack Obama au Caire pour tenter de gérer au mieux le passage à l'après-Moubarak, est un spécialiste des situations inextricables.
Il a, du point de vue français, une autre caractéristique : il est marié à Christine de Ganay, une aristocrate française, ex-femme de Pal Sarkozy de Nagy-Bocsa, et donc ex-belle-mère de Nicolas Sarkozy…
Les Américains appellent ce genre de personnage un « troubleshooter », un mot qui n'a pas véritablement d'équivalent en Français, mais qui désigne un personnage envoyé pour démêler les situations « troublées ».
Ancien ambassadeur des Etats-Unis au Caire
Frank George Wisner, c'est une dynastie. Avec un père, Frank Gardiner Wisner, qui fut le chef des opérations stratégiques américaines à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, puis directeur des plans de la CIA dans les années 50, au début de la guerre froide, chargé de monter les opérations d'espionnage en direction de l'Union soviétique.
C'est aussi un homme qui a créé sa propre légende, diplomate au département d'Etat dès les années 60, devenu le spécialiste des zones de conflit. Dans les années 70, sous l'administration Carter, il plonge en Afrique australe, à l'époque des guerres de libération, de la présence cubaine, de l'apartheid.
En 1986, il devient ambassadeur des Etats-Unis au Caire, où il restera cinq ans et apprendra à connaître Hosni Moubarak, des liens jamais rompus depuis et qui lui valent aujourd'hui d'être le porteur de mauvaises nouvelles au Caire, en pleine contestation de la rue.
On retrouve ensuite Frank Wisner en Asie – Philippines et Inde –, avant de quitter la carrière diplomatique en 1997 et de passer dans le privé. Mais pas n'importe où : d'abord à Enron, l'une des plus grandes entreprises américaines dans le secteur de l'énergie, qui s'écroule dans un énorme scandale au début des années 2000, préfigurant par bien des aspects la crise financière de 2008.
Il est aussi, jusqu'en 2009, vice-président d'AIG, la compagnie d'assurance américaine en faillite dont l'Etat a dû prendre le contrôle lors de la crise financière.
Un vieux routier de la diplomatie
Mais l'appel des crises n'est jamais loin : Frank Wisner participe sous l'administration Bush à un groupe de travail indépendant qui réfléchit, avant l'invasion de l'Irak, aux institutions de l'après-Saddam Hussein, puis participe au nom de l'administration à la « troïka » qui a défini le statut final du Kosovo, devenu depuis un Etat indépendant mais encore contesté.
La diplomatie américaine a quelques personnages comme Frank Wisner dans sa manche. L'un d'entre eux vient de disparaître : Richard Holbrooke, mort brutalement en décembre, a été le représentant spécial de Barack Obama pour l'AfPak (Afghanistan-Pakistan) après avoir conduit les négociations de Dayton qui ont mis fin à la guerre de Bosnie.
Il fallait un vieux routier de la diplomatie et sans doute des services secrets, ayant roulé sa bosse sur plusieurs continents, plusieurs crises, connu des échecs et des succès, des méthodes douces et des coups fourrés, pour intervenir de manière avisée et informée sur une crise majeure pour les Etats-Unis, dans l'une des zones névralgiques du monde. Frank Wisner est de ceux-là.