Total renégocie avec Bercy la possibilité de réduire son impôt par le mécanisme du bénéfice mondial consolidé. Au moment où le gouvernement veut mettre les pétroliers à contribution, le socialiste Jérôme Cahuzac s'oppose à ce renouvellement.La raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique) le 12 octobre 2010. JS EVRARD/SIPATotal risque d'avoir du mal à faire
pleurer sur son sort pour résister à la volonté du gouvernement de créer une contribution spéciale sur les compagnies pétrolières. Alors qu'il dégage les plus importants
bénéfices du CAC 40, le groupe ne paie en effet
pas d'impôt sur les sociétés en France, montre un bilan établi par les pouvoirs publics.
Total est d'ailleurs en train de
renégocier avec Bercy la possibilité de réduire à nouveau -
voire annuler -son impôt sur les sociétés par le mécanisme du bénéfice mondial consolidé. Une fois le feu vert de François Baroin obtenu, le groupe pourra donc continuer d'additionner le résultat de ses filiales dans le monde pour éventuellement
réduire son impôt en France, et ce jusqu'en 2013.
« A un moment où les ménages subissent de plein fouet
la hausse des prix, il n'est pas très raisonnable de renouveler ce régime de faveur pour trois ans supplémentaires », estime Jérôme Cahuzac, président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée. Celui-ci vient de recevoir de Bercy un bilan de cette niche fiscale, profitant à seulement 5 entreprises (dont
Total,
Vivendi,
NRJ et
Euro Media Group), pour un coût officiel de
460 millions d'euros. Lourd pour les finances publiques, l'avantage pour les entreprises paraît « modeste au regard de leur chiffre d'affaires, de leurs résultats, du montant des dividendes et des
stock-options à attribuer », estime Jérôme Cahuzac.
C'est le cas de Total qui le choque le plus : le député vient d'avoir la confirmation que le groupe n'avait pas payé d'impôt sur les sociétés en 2010, et n'en paierait pas plus cette année. « Pour une entreprise qui fait
10 milliards d'euros de bénéfice et qui en reverse la moitié à ses actionnaires, c'est quand même étrange », estime-t-il. Outre qu'il paie 800 millions de taxes en France (taxe foncière, taxe professionnelle, etc.), le groupe se défend en indiquant que ses filiales françaises ont
perdu 16 millions d'euros l'an dernier.
Une niche fiscale sous-évaluée
Cela n'est pas le cas chaque année, rétorque Jérôme Cahuzac, sans quoi Total n'aurait aucun intérêt à « r enouveler sa candidature au régime du bénéfice mondial consolidé ». De fait, ce mécanisme n'est intéressant que si le groupe peut
réduire l'impôt dû en France par la prise en compte de déficits à l'étranger. Pour un groupe ne faisant jamais de bénéfice dans l'Hexagone, le régime est globalement défavorable. C'est la situation dans laquelle Total affirme se trouver depuis plusieurs années. « Le bénéfice mondial consolidé nous fait perdre de l'argent depuis au moins trois ans », indique-t-on à la direction du groupe. Mais l'espoir de renouer, à terme, avec les bénéfices en France l'incite à renouveler l'opération.
Jérôme Cahuzac, lui, réclame la suppression de cette niche : « Il s'agirait d'une première mesure concrète bienvenue si le gouvernement entend réellement, comme il le prétend, mobiliser la fiscalité sur les sociétés pétrolières », estime le député. Le coût de cette niche est fortement sous-évalué, ajoute-t-il : le gouvernement évoque une dépense de 460 millions, alors que
Vivendi affiche, à lui seul, un gain de 580 millions.
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/industrie-lourde/actu/0201277292738-total-ne-paie-toujours-pas-d-impot-sur-les-societes.htm
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Une hausse de l'impôt sur les sociétés reviendrait à "
nous couper le bras", indique un ministre irlandais dans un entretien publié jeudi par La Tribune, suggérant à la
France d'augmenter son propre taux réel d'imposition plutôt que de réclamer une telle hausse à
Dublin.
Le
taux réel d'imposition sur les sociétés en
France "est inférieur à celui de l'
Irlande, à
8,2%", assure Lucinda Creighton, ministre irlandaise des Affaires européennes, dans cet entretien.
"
Peut-être que l'Irlande devrait demander à la France d'augmenter son taux d'imposition réel", suggère-t-elle".
Officiellement, le taux d'imposition des grosses sociétés en France est de
33%, contre
12,5% en Irlande, mais de nombreuses entreprises
échappent au moins partiellement à cet impôt grâce à des niches fiscales.
Selon un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, organe rattaché à la Cour des comptes, les grandes entreprises du
CAC 40, officiellement assujetties à ce taux d'IS de 33%, ne seraient en fait taxées qu'à hauteur
de 8% en moyenne, contre 22% pour les PME.
Mme Creighton a confirmé le refus de son pays, pourtant pressé par plusieurs pays européens dont la
France et
l'Allemagne, d'augmenter son impôt sur les sociétés, jugeant qu'un taux peu élevé était vital pour son économie.
"Une hausse de ce taux d'imposition reviendrait à nous couper le bras", affirme la ministre irlandaise. Celle-ci en appelle par ailleurs à la solidarité européenne afin d'obtenir une baisse du taux d'intérêt, actuellement de 5,8%, appliqué à l'Irlande en échange d'une aide de 85 milliards d'euros.
L'Irlande a pris ses responsabilités en refusant une restructuration de sa dette. "Nous faisons régler la facture par les contribuables irlandais. C'est une décision courageuse", explique-t-elle.
Une restructuration --une solution que refuse la Banque centrale européenne, selon Mme Creighton-- entraînerait des pertes pour les détenteurs de titres de dette irlandaise, principalement des
banques européennes, dont françaises et allemandes.
http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/afp_00334784.htm