Stéphane a donné un entretien à Viva dans lequel il dévoile des choses intéressantes.
“Il faut réapprendre à s’indigner. Mais pas n’importe comment ni contre n’importe quoi. Tout ne mérite pas l’indignation. Je crains toujours ceux qui s’en prennent aux institutions sans proposer d’alternative.
S’indigner ne sert pas à grand chose si on ne prend pas ensuite la décision de s’engager pour construire autre chose. Voilà pourquoi aujourd’hui, je me sens plus proche des Indignés de Wall Street que des indignés d’Espagne ou de Grèce. Aux Etats-Unis, l’indignation se porte sur les dysfonctionnements graves de la finance mondiale. Une saine indignation. Une juste indignation.
Déjà, le Conseil National de la Résistance (Cnr) en 1944 stigmatisait « la féodalité de la finance » contre laquelle il souhaitait résister. En s’appuyant sur le programme du Cnr, de gros efforts ont été faits dans les années d’après-guerre, pour plus de justice sociale d’abord en réglementant les marchés, puis avec la création de la Sécurité sociale. Ce fut les Trente glorieuses.
A partir des années 1975, sous l’influence des doctrines de l’école de Chicago*, est devenue dominante l’idée que l’État ne sert à rien et qu’il ne doit entraver en rien la liberté du marché. Nous sommes arrivés aujourd’hui à une véritable catastrophe. Nos sociétés vont mal. Les gens veulent renouer avec des valeurs démocratiques fondamentales. Nous l’avons vu avec les révoltes du printemps arabe qui ont beaucoup utilisé le terme « indigné » et mon petit livre ...
Je dois dire que lorsque nous avons publié avec Sylvie Crossman ce petit opuscule au titre court et provoquant, nous ne nous doutions pas qu’il aurait autant d’influence. Il a été traduit dans 33 pays. En France, il s’est vendu à 2 millions d’exemplaires. S’il a autant intéressé, c’est qu’il est sorti à un instant particulier, un moment opportun où les gens en ont assez.
On l’a vu en France avec les manifestations pour les retraites ou lors de la forte mobilisation pour les primaires socialistes. Mais chez nous en France, et plus encore dans certains pays comme l’Allemagne où la démocratie fonctionne bien, l’ennemi est devenu plus diffus. Mais nous le connaissons. Il s’agit de la spéculation financière. L’engagement pour demain, c’est de celui-ci qu’il s’agit, le même qu’en 1944. D’abord, réguler les marchés, ensuite réinstaurer une véritable démocratie sociale.”
"Rendez-nous notre démocratie" ou "La finance contre la démocratie" ou encore "Le politique doit reprendre le contrôle de l'économique"
Voilà le genre de slogans que l'on pourra observer sur des pancartes portées fièrement par des américains du mouvement "Occupy Wall Street". Chez les européens ce serait plutôt:
"Nous ne vivons pas en démocratie" ou "Power to the people" ou encore "No nos representan"
Bien que nombre d'exceptions existent et rapprochent les deux mouvement dans leurs revendications et leurs formes, on peut distinguer deux attitudes différentes. Les américains réclament la justice sociale et demandent à leurs dirigeants politiques d'être fort contre l'oligarchie financière et économique. Les Européens du mouvement des indignés sont plus orienté vers la mise en place d'une réelle démocratie, dans la rue, ou le peuple, par les assemblées, en viendrait peut-être un jour à prendre la place des gouvernements. Monsieur Hessel se sent plus proche des américains, normal: il n'arrive pas à comprendre, ou ne peut pas imaginer tellement c'est gros, que nous ne vivons pas en démocratie.
Nous ne vivons pas en démocratie, le peuple n'a pas le pouvoir, au contraire il donne les pleins pouvoirs à une minorité, qui par un jeu médiatique et institutionnel, provient toujours du même milieu social et partage toujours les mêmes idées.
Vous(Stéphane Hessel) dites qu'il faut en premier lieu s'en prendre au monde de la finance, ou plus exactement qu'il faut appeler nos gouvernants à réguler la finance. Je trouve que c'est une vision assez peu réfléchie. Nos systèmes politiques se sont construits autour de la protection des classes privilégiées. Dès le 18ème siècle on (les voleurs de révolution, comme cela se produit actuellement après les révoltes arabes) a mis en place des systèmes politiques laissant penser au peuple qu'il vivait dans un régime politique juste et légitime, et permettant aux oligarchies économiques et financières de conserver leurs monopôles: la "démocratie représentative".
Réclamer des réformes qui nuisent aux oligarchies économiques et financières à nos gouvernements, cela revient à leur demander de réduire leurs propres privilèges. Soyez-sûrs que s'ils le font, ils le feront de la manière la plus minime, et dès que "ça" repartira, ils se repartageront la part du lion. Pour preuve: trois ans après une crise systémique sans-précédent, rien n'a changé.
Il faut ensuite savoir pour quoi on se bat: pour un ordre politique, social et économique juste ou alors pour un ordre qui soit juste un peu moins pire que celui dans lequel nous vivons?
Je pense que l'idéalisme va de pair avec la rationalité, il nous faut chercher ce qu'il y-a de meilleur. Ce n'est pas trois réformes qui contraindront les exploiteurs, ceux qui se font de l'argent sur le dos des autres (consciemment ou non), à partager une partie des fruits de leur pillage qui va amener la paix, l'équité et la justice sur Terre.
Notre système politique n'est ni juste ni légitime: pourquoi la masse ne pourrait-elle pas faire de la politique, directement? Si elle ne peut pas savoir ce qui est bon pour elle, alors comment peut-elle savoir qui va bien la gouverner?
Et le problème est là, si l'on réclame des réformes à nos gouvernements; on leur donne une légitimité. On donne une légitimité à ces institutions qui ont permis, autorisé et accompagné le développement éffréné de la destruction environnementale planétaire et l'accroissement des inégalités de richesse par l'essor de la finance mondiale.
Je refuse de m'en remettre à n'importe qui auquel la société donnerait un pouvoir de décision: car la polarisation du pouvoir assure la corruption et les conflits d'intérêts.
Alors sentez-vous plus proche du mouvement "Occupy Wall Street", qui réclame des miettes à leurs maîtres, si cela vous semble bon. Mais je vous met au défi de me faire changer d'avis, je vous met au défi de me montrer que nous avons besoin de nos systèmes politiques qui ont montré leur nocivité. Pour l'instant toutes les interview de vous que j'ai lu me font le même effet: un manque de réflexion, une bien-pensance, une modération incompréhensible.
Les Indignés d'Europe sont nombreux à créer et mettre en avant la démocratie réelle ou directe, à travers les assemblées populaires entre autre, ils n'ont pas besoin de vous, ni de chef: mais face au silence des médias sur le côté "revendication d'une véritable démocratie" du mouvement, je suis obligé de faire valoir mon opinion pour pousser la réflexion.