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 CARL ROGERS

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turquoise



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MessageSujet: CARL ROGERS    CARL ROGERS  I_icon_minitimeMer 8 Oct 2014 - 0:18

Une communication non-violente.

Citation :
"L’individu possède en lui-même des ressources considérables pour se comprendre, se percevoir différemment, changer ses attitudes fondamentales et son comportement vis-à-vis de lui-même. Mais seul un climat bien définissable, fait d’attitudes psychologiques facilitatrices, peut lui permettre d’accéder à ses ressources."

Dès les années cinquante, l'Américain Carl Rogers fait l'effet d'une bombe lorsqu'il émet des doutes sur la possibilité d'enseigner quoi que se soit. Il révolutionne totalement les rapports thérapeute-patient. Il se présente sans masque, il ne joue pas le rôle d'un thérapeute, mais il est "réel", authentique, c'est à dire que ce qu'il ressent en lui est présent dans sa conscience, et qu'il est "transparent". Il n'y a rien de cacher en lui pour l'autre. Il ne joue pas à l'impassibilité et laisse voir ses émotions, que ce soit de la colère, de la sympathie, de l'amour… L'une des conditions indispensable de la thérapie est l'acceptation inconditionnelle de l'autre. La fameuse "neutralité bienveillante" est insuffisante, ce qui est soignant, c'est l'engagement affectif positif du thérapeute, l'identification profonde avec l'autre, l'empathie. Il crée la "Thérapie centrée sur la personne" ou "non-directivité" qui inspireront toutes les techniques de communication non-violente. Il y a violence dès qu'il y a prise de pouvoir de l'un sur l'autre. La voie de la non-violence passe par l'expression de soi et l'écoute de l'autre.






L'ACP : une foi en l'humain


Carl Rogers, psychologue américain a créé une approche psychothérapeutique qu’il appelle « approche centrée sur la personne » (ou ACP). Sa pensée est profondément ouverte et non dogmatique, originale et créatrice. Ce qu’il a mis en évidence et qui constitue un des postulats de sa pensée : la positivité du développement humain : chaque être humain a les ressources intérieures nécessaires à son développement personnel.
L’approche centrée sur la personne fait confiance à l’élan vital qui conduit l’homme à un développement de sa personne. Elle se donne pour but de libérer cet élan vital».
« Que nous parlions d’une fleur ou d’un chêne, d’un ver de terre ou d’un bel oiseau, d’un singe ou d’une personne, nous ferions bien, je crois, de reconnaître que la vie est un processus actif… que les comportements de l’organisme s’orientent vers son maintien, son enrichissement et sa reproduction ».
Carl Rogers
Il conteste toute idée de méthode de psychothérapie et considère qu’il s’agit avant tout d’une rencontre entre un patient et un thérapeute et que les seuls facteurs opérants de la part du thérapeute sont ses dispositions profondes envers le patient, son degré plus ou moins grand de disponibilité à l’égard de ses propres émotions et de celles du patient, son degré d’authenticité et sa cohésion interne.
Scientifique de formation, reconnu depuis de nombreuses années comme une référence en psychologie et psychothérapie, Rogers a refusé de se réfugier derrière son rôle social et ses connaissances scientifiques. Plus qu’une méthode, Rogers propose une philosophie de vie en prise avec le réel. Sa pratique de psychothérapeute est avant tout un acte de foi et d’amour envers les hommes.
Je le cite : « Je n’ai jamais trouvé utile ni efficace dans mes rapports avec autrui d’essayer de maintenir une façade, d’agir d’une certaine façon à la surface alors que j’éprouve au fond quelque chose de tout à fait différent. Mon intervention est plus efficace quand j’arrive à m’écouter, m’accepter et que je peux être moi-même. C’est au moment où je m’accepte que je deviens capable de changer ». C. Rogers (le développement de la personne). Nous ne saurions changer ni nous écarter de ce que nous sommes tant que nous n’acceptons pas profondément ce que nous sommes, c’est alors que le changement se produit presque à notre insu.
Une autre conséquence de cette acceptation de soi-même est que les relations deviennent réelles. Si je peux accepter le fait que je suis agacé ou ennuyé par une personne, je suis aussitôt mieux disposé, selon toutes probabilités, à accepter les réactions que provoque mon attitude. Ainsi, je parviens à accepter le changement dans l’expérience et dans les sentiments qui se manifestent en moi comme en elle.
Soumise en d’autres temps à des critiques et scandales, la pensée rogérienne n’en reste pas moins à mes yeux une philosophie de vie essentielle, basée sur les principes suivants :


·* non jugement,


·*acceptation de soi/acceptation de l’autre


·* regard inconditionnel positif

·* potentiel de croissance et de créativité chez chaque individu

·* authenticité/congruence : lorsque mon attitude reflète l’agacement que j’éprouve vis-à-vis de quelqu’un mais que je n’en suis pas conscient, ma communication comprend des messages contradictoires.

· *appréciation organismique (souvent plus digne de confiance que mon intellect) : en référence à la notion d’organisme qui renvoie non seulement à la structure physique et biologique de l’individu mais à l’individu en tant que totalité psychophysique).

La personne qui vient en thérapie est considéré comme un client et non comme un patient. Ce terme client précise aussi le pouvoir que Rogers et les praticiens de son approche accorde au client dans la relation thérapeutique et non sa passivité (en relation avec le terme patient).
La thérapie selon Rogers a pour but de favoriser par des attitudes et un climat l’émergence des ressources de la personne lui permettant d’acquérir plus d’autonomie et de favoriser sa croissance.
Les bases de cette approche sont les suivantes :
L’EMPATHIE :


La première des qualités et des compétences requises est la compréhension empathique : la capacité à montrer à l’écouté qu’il est profondément compris. Ce fait est essentiel pour l’écouté qui va en ressentir un profond soulagement et créé les premières bases d’un climat de confiance. L’empathie consiste en quelque sorte à saisir l’expérience intérieure de la personne (écoute centrée sur la personne) et à la partager.


Je dirais qu’il s’agit d’être à l’écoute de sa voix intérieure, d’une sagesse (que chacun possède), d’un sentiment interne, une intuition, une forte sensation qui nous influence souvent.


Comprendre exactement le sens qu’ont les paroles d’un patient, entrer entièrement, complètement et avec sympathie dans son cadre de référence est très important. Lorsque Rogers travaille avec des psychotiques, le fait de comprendre le monde étrange où vit l’individu psychotique, de comprendre et de sentir les attitudes d’une personne incapable de supporter la situation tragique où elle se trouve ou encore de comprendre quelqu’un qui se sent indigne et inférieur permet à ces personnes de changer eux aussi, d’accepter leurs propres craintes, leurs idées bizarres, leur découragement mais aussi leur moment de courage, de bonté d’amour et de sensibilité. Lorsque quelqu’un comprend ses sentiments à fond, il lui devient possible de les accepter en lui-même.

LE NON-JUGEMENT : REGARD INCONDITIONNEL POSITIF :


La deuxième qualité est un accueil de l’autre sans être dans le jugement. Le sentiment d’être totalement accepté va libérer la parole et induire un sentiment de reconnaissance.


FAIRE CONFIANCE A SON EXPERIENCE PERSONNELLE : Rogers a écrit : « Ni la bible, ni les prophètes, ni Freud, ni la recherche, ni les révélations émanant de Dieu ou des hommes, ne sauraient prendre le pas sur mon expérience directe et personnelle. L’expérience de la personne a une valeur profonde, elle est sa réalité. Elle n’est pas remise en question ou étiqueter mais acceptée.
LES FAITS SONT MES AMIS : => apprendre. « J’ai acquis la conviction que mieux un individu est compris et accepté, plus il a tendance à abandonner les fausses défenses dont il a usé pour affronter la vie et s’engager dans une voie progressive »
Les techniques de reformulation très utilisées dans différentes thérapies et principalement dans l’approche centrée sur la personne, permettent à l’écoutant de vérifier si sa compréhension est juste et donne ainsi conscience à l’écouté du désir d’aider de l’écoutant et le sentiment de se sentir compris va l’aider, en confiance, à aller plus profondément explorer ce qui se passe en lui. La personne se met en contact peu à peu avec son intériorité, expérimente à travers le regard positif inconditionnel que pose le thérapeute sur lui, la sensation d’être acceptée et c’est ce sentiment qui va lui permettre d’aller plus loin dans son exploration et peu à peu de s’engager dans un processus.
L’aidant est assez passif extérieurement, il accompagne ce que dit l’autre afin que celui-ci se dégage peu à peu de l’emprise de ses problèmes/émotions et puisse alors lui-même trouver ses propres solutions.
Il sert de catalyseur et ne fait rien par lui-même mais tout comme en chimie, sa présence est indispensable pour que la réaction ait lieu. Lorsque le patient se sent lui-même écouté, il découvre les richesses qui existent en lui alors que l’écoutant ne lui a dispensé ni conseil, ni jugement, ni interprétation, ni solution mais juste un accompagnement bienveillant dépouillé de tout désir d’influence : expérience indispensable et précieuse pour retrouver un respect de soi.
Les solutions toutes faites que l’on propose à l’autre peuvent l’entraver dans sa quête et l’empêcher de trouver la solution qui lui convient.


PLUS QU’UNE AIDE DIRECTIVE ET DES SOLUTIONS TOUTES FAITES : ACCOMPAGNER


Plus que de conseils et d’une aide « directive », le patient n’a-t-il pas besoin avant tout d’une écoute, d’un accompagnement pour trouver en lui une créativité et des ressources insoupçonnées ?
Lorsque la personne vient exposer son problème, le thérapeute va l’écouter avec empathie(c’est à dire cœur ouvert sans jugement sans faire des interprétations, en essayant de voir les choses à la façon dont l’autre les ressent) et va lui renvoyer, en miroir chaleureux ce qu’elle est en train de ressentir.
Le thérapeute ne se réfugie pas derrière une façade d’expert, « celui qui sait », il est avant tout une personne et se sert de celle-ci, de son ressenti pour aider la personne à cheminer. Pour Rogers, c’est le client qui est son propre expert et qui a en lui « ses » solutions.
« Le mystère du thérapeute nourrit l’illusion du pouvoir. La transparence la dissipe ». La confiance peut bien sûr exister dans une relation où le thérapeute reste mystérieux et caché mais il s’agit plutôt de cette confiance que l’on ressent pour une personne supérieure à soi-même. Dans l’approche centrée sur la personne, le but est d’établir une relation égalitaire dans laquelle le thérapeute doit gagner la confiance plutôt que de l’imposer par le mystère et la supériorité » “Pratique de la Relation d’Aide” B. Thorne et Dave Mearns.
Ce que viennent chercher les patients, les clients, c’est un peu d’amour (sous diverses formes : écoute pour certain, chaleur, présence à l’autre, empathie, conseils….).
Cet amour est, je pense, une composante humaine que l’on oublie trop souvent d’aborder dans la relation thérapeute/client et que Rogers et d’autres dans cette approche ont souligné, c’est pourquoi elle est « répertoriée » parmi les approches humanistes.
Le but de la thérapie n’est pas le bonheur mais d’être une personne « pleine ». Voici ce qu’en dit Rogers qui résume bien sa philosophie et sa vision de la thérapie que je vous partage :


« ….. J’aimerais insister sur un dernier point : le chemin qui conduit à la vie pleine est plus riche, plus large, que l’existence étriquée de la plupart d’entre nous. Il nous engage dans un vécu tantôt inquiétant, tantôt satisfaisant, mais empreint de sensibilité, plus ouvert, plus divers, plus prospère. En avançant dans la thérapie, les clients s’engagent certes à vivre parfois plus intimement leurs douleurs mais plus violemment leur extase, ressentent plus clairement leur colère mais aussi leur amour, ils connaissent plus profondément leur peur mais aussi leur courage, il est question de croissance, de s’agrandir, de courage pour être, comme il faut du courage pour se plonger tout entier dans le courant de l’existence. Et pourtant, source inépuisable d’enthousiasme, ce sont cette vie, ce devenir, que choisit l’être humain quand, dans son cœur, il se sent libre». Carl Rogers


Laurence Créma



Krishnamurti et Carl Rogers : le sens de l'éducation
"L'éducation d'aujourd'hui desséche l'individu et atrophie ses valeurs morales.
Il devient un numéro, un engrenage dans la machine aveugle qu'est son environnement matériel.
Une telle préparation à la vie a sans doute été absurde à toutes les époques,
mais aujourd'hui elle constitue un crime, un péché..  Maria Montessori

http://www.montessori-formations.fr/la-methode-montessori.html


René Barbier (Université Paris 8) et André de Peretti


Krishnamurti et Carl Rogers : le sens de l'éducation

Rogers et Krishnamurti : une rencontre intellectuelle (André de Peretti)

La rencontre intellectuelle entre Carl Rogers et Krishnamurti m'était apparue dans les années 70, quand je rédigeais : "Pensée et vérité de Carl Rogers", je notais à ce moment là, l'importance du voyage qu'il avait fait, à 20 ans, en Chine, et dans tout l'Orient. Long voyage puisqu'il était resté plus de 6 mois. J'avais été frappé par le lien entre ce voyage et la singularité de sa conception des choses et du monde et de l' orientation qu'il allait progressivement développer.
Je pouvais donc écrire :
" Rogers découvrit l'Orient, foules et individualités, aspects immémoriaux et connaissance de l'instant intense, changements et relativités en attente. Peut-être rencontra-t-il des sages qui comme Krishnamurti lui assurerait : le corps a son intelligence, la vie est maintenant, mais si il y a de la peur on ne peut pas vivre " (De Peretti, 1974; p.41)






Cet aspect du maintenant nous le retrouverons dans "l'ici et maintenant", concept très fort chez Carl Rogers ainsi que cette notion de peur qui empêche de vivre. Krishnamurti dit encore :
" L'innocence existe, la vérité n'a pas de chemin, on peut devenir autre, changer immédiatement n'est pas une utopie, est-ce-que vraiment le temps existe si la division n'existe plus entre les hommes ou en soi- même " ( citations de conférences faites à la radio et à la télévision en 1972). Ces quelques notations fugitives me paraissent marquer un certain nombre de points que je vais tenter de dégager.
Dans ces aspects de maintenant, de présence, d'instance, de réalité d'attention, je ferais une remarque préalable au sujet des traductions qui pour Rogers comme Krishnamurti sont très difficiles et imparfaites. Par exemple pour Carl Rogers, son livre " on becoming a person", en train de devenir une personne, a été traduit par "le développement de la personne". Cette traduction gomme l'idée de devenir et est une contradiction intérieure. Nous allons retrouver les mêmes choses dans certaines traductions des mots de Krishnamurti.
Nous travaillons donc sur des approximations, d'autant plus que Krishnamurti, lui-même, nous avertit :
" Attention, le mot n'est pas la réalité ", n'est pas le réel de la même manière que Korzybski avait dit jadis :
" La carte n'est pas le territoire ".
Chaque mot est à la fois indication et butée, chaque mot forme aussi butée et risque de blocage ou risque au contraire d'entraînement dans des inerties. Il y a donc à chaque instant une précaution à prendre.
Cette précaution me semble très souvent apparaître dans l'expression de Krishnamurti lorsqu'il s'adresse à un auditoire et qu'il demande à chacun de voir en lui-même un certain nombre de problèmes au delà de ce qui peut être dit par lui.
Rogers et Krishnamurti se retrouvent dans le même continent, ils ont cinq ans de différence, dans le même continent d'esprit et de réalité c'est à dire avec un besoin d'indépendance, un besoin d'autonomie, un refus des gourous et des autorités. A cet égard, il est intéressant de revoir quelques textes de l'un et de l'autre.
Chez Rogers on en trouve l'origine dans la façon dont il a vécu, quand il raconte son enfance où il travaillait dans la vie rurale, seul pendant l'été.
" C'était une leçon d'indépendance que d'être mon maître, loin de tous les autres ", phrase qu'il complète en exprimant :
" je n'ai eu, dans le domaine professionnel, ni à m'assujettir, ni à combattre une image paternelle. De nombreux individus, des organisations, des écrits ont joué un grand rôle dans ma formation mais aucun n'a été dominant " ( De Peretti, 1974, p.37)
Nous retrouvons ce souci d'autonomie, ce souci d'indépendance chez Krishnamurti. quand il nous assure, lui aussi, d'une manière très ferme :
" Si nous voulons nous examiner très profondément et dans le plus grand calme (et non pas conformément à Freud ou Jung ou à quelque autre expert, mais nous regarder véritablement tel que nous sommes), peut-être verrons nous comment nous nous isolons tous les jours, comment nous dressons autour de nous-mêmes un mur de résistance et de peur. Nous "regarder" nous mêmes est plus important et beaucoup plus fondamental que de nous observer selon tel spécialiste. Si vous vous regarder conformément à Jung, Freud, ou le Bouddha, ou n'importe qui, vous regardez par les yeux d'un autre. Et c'est ce que vous faites tout le temps " ( Krishnamurti, 1968, pp.46 et 47)
Les deux auteurs traduisent cette même tendance à l'autonomie, à l'indépendance en mettant l'accent sur la liberté. Liberté, essentielle pour l'un comme pour l'autre ; Krishnamurti assure même :
" L'homme doit être complètement libre ".
Il en a déduit des conclusions pour la religion et tous les auteurs comme ce texte le rappelle. On retrouve une chose analogue chez Rogers.
Lorsque je rédigeais cet ouvrage, j'échangeais beaucoup de lettres avec lui et lui posais quelques questions ayant trait au religieux. Ses réponses me semblent être en rapport avec Krishnamurti, quand il dit :
" Je refuse d'être étiqueté dans le champ religieux. L'affirmation que je produisais quand on me poussait au pied du mur sur cette question était que "je suis trop religieux pour être religieux". Je crois que ce paradoxe résume très bien ma position. Je suis un idéaliste, un humaniste, et je travaille vers quelques uns des mêmes buts que ceux vers lesquels travaillent des personnes religieuses, mais je n'ai que peu ou pas besoin des étiquettes ou des concepts de la religion. " (De Peretti, 1974, p.17)
Nous en avons beaucoup discuté ensemble dans d'autres rencontres et je crois que cette attitude de distance, de liberté, d'espace préservé mais non pas d'espace de défense, est assez caractéristique. J'ai également été frappé par ce que dit Krishnamurti à l'égard des systèmes :
" Les systèmes sont destructeurs et séparatistes ".
Mais, les allusions faites aux systèmes visaient essentiellement tous les systèmes fermés qui étaient ceux étudiés à la suite de la création de la cybernétique des années 43 à 50. Bien entendu la théorie des systèmes s'est beaucoup développée, nous assistons à l'ouverture des systèmes, et l'on voit s'orienter des théories vers les systèmes ouverts comme la théorie de la complexité d'Edgar Morin. Cette question concernant les systèmes s'entend donc par rapport aux institutions et à tout ce que nous avons pu dénoncer les uns et les autres contre le durcissement de l'institué, dans le cadre de l'institution, par rapport à l'instituant : pour au contraire redonner du mouvement, redonner des possibilités de devenir. Là encore, on voit s'opposer le devenir ou le devenu. Spengler se posait également la question dans le "Déclin de l'occident" , le devenu lui paraissant, lui aussi, dangereux par rapport à ce que doit être un mouvement permanent.
Revenons sur Rogers et Krishnamurti. Je pense que leur problème a été de maintenir cet état de distance vis à vis de l'emprise des institutions, des systèmes comme Krishnamurti le dit, comme de toutes les théorisations abstraites qui d'une certaine manière travaillent au curare, qui immobilisent les possibilités d'action et de développement. Dans ce sens, l'un et l'autre ont été sensibles à ce qu'ils ont appelé la révolution à partir de l'individu lui-même pour lui-même mais aussi par résonance pour les autres. Il est étonnant que Krishnamurti ait parlé de "the only revolution "
" Celle d'une révolution intérieure profonde qui doit se produire en nous "(J. Krishnamurti, 1968, p.106) quand Rogers évoquait "the quiet revolution". Dans les deux cas il y a eu un phénomène prophétique par rapport à notre époque annonçant l'importance décisive du pouvoir propre à chaque personne.
J'ai donc été assez frappé de retrouver cette alerte quand nous avions publié à la fin des années 70, l'ouvrage de Carl Rogers intitulé en anglais d'une expression assez difficile à traduire en français "on personal power", sur le pouvoir personnel. Le pouvoir personnel en France, dans nos connotations qui irriteraient Krishnamurti à juste titre, ça voulait dire : Général de Gaulle ; ce n'était pas possible alors que c'était le contraire qui était signifié : le pouvoir de chaque individu réellement existant en lui. C'est vers celui-ci que les sociologues se sont penchés, après avoir vécu sur l'obsession de la collectivité et de la bureaucratie. Ainsi je pense à Michel Crozier et Friedberg, qui en sont arrivés à parler sur "L'acteur et le système". Pour eux et pour nous, l'acteur n'est pas complètement piégé par le système, en effet il a des chances, à fortiori s'il en prend les moyens et suit les intuitions personnelles que Rogers ou Krishnamurti incitent à reconnaître.
En contraste à cet aspect de la révolution personnaliste, à cette possibilité donnée à chacun de faire quelque chose, réellement, s'il y consent, on peut se souvenir d'un tenant de l'existentialisme tel que Jean-Paul Sartre.
Il écrivait dans "La critique de la raison dialectique" que sa propre pensée était entièrement, totalement englobée à l'intérieur du marxisme.
J'ai relevé, et c'est facile à faire, dans des pages de cet ouvrage, le mot incantatoire de totalisation revenir toutes les deux lignes, la totalisation, totalisation...une espèce de réalité jacobine au carré. Il est vrai que de temps en temps J.P. Sartre s'en est libéré ...Mais, enfin, il a participé avec beaucoup d'autres à l'hégémonie d'une pensée totalitaire : d'ailleurs toutes les pensées, toutes les idéologies jusqu'en 1989, ont été hégémoniques. On croyait faire tout ce qu'il fallait avec la pensée structuraliste, le structuralisme expliquait tout, le freudisme expliquait tout, la réalité marxiste léniniste expliquait tout. Tout était expliqué de tous les cotés jusqu'au moment du grand craquement des idéologies que nous connaissons bien et qui a été symboliquement frappé par les coups portés sur le mur de Berlin. Or, déjà Rogers comme Krishnamurti avaient senti que des révolutions étaient possibles, que des affirmations personnelles plus fortes que des inerties bureaucratiques et collectivistes, devenaient nécessaires.
Dans ce livre que j'évoquais et que nous avons fini par éditer sous le titre : "un manifeste personnaliste" pour éviter encore une fois une traduction qui eut été mal interprétée. Carl Rogers relevait que des personnes comme Soljenitsine avaient montré des capacités de faire bouger les choses comme on a pu le constater. Rogers est allé lui-même, pour son dernier voyage, en 1986, à Moscou et à Tbilissi. Il reçut un accueil triomphal de milliers de psychologues et thérapeutes soviétiques, ce qui montre bien que quelque chose était en train de basculer comme nous l'avons vu. Nous savons également, par le destin exemplaire de Nelson Mandela ce que peut être la réalité poignante d'un individu résistant aux dominations racistes et aux exclusions. Nous voyons aussi que des personnalités peuvent affronter des poids écrasants de passé, de ce passé contre lequel Krishnamurti s'irrite si fortement et nous aussi, à juste titre, quand ce passé est fixateur, au lieu d'être suscitateur. De même, Shimon Pérèz et Isaac Rabin au Moyen-Orient avec Yasser Arafat, ont démontré que des acteurs existent, que des acteurs individuels peuvent agir dans les marges de l'histoire, malgré les durcissements des choses, montrant courageusement que des changements, des évolutions libératoires sont possibles.
Je voudrais maintenant aborder un autre point concernant les proximités qu'on peut observer entre Krishnamurti et Rogers. Je ne peux pas dire s'ils se sont rencontrés aux États Unis d'une façon quelconque, je ne le sais pas, mais ce sont simplement des consonances, des résonances que je constate.
D'abord, à propos de l'inconscient : j'ai souvent entendu Rogers dire que pour lui, l'inconscient était un concept inutile, il n'était pas indispensable et je vois chez Krishnamurti, une indication du même ordre dans cet extrait que je vous cite :
" Je ne sais pas trop pourquoi nous partageons la conscience en extérieure et intérieure, la conscience de surface et celle qui se poursuit sous le niveau conscient. Pourquoi tant d'histoires autour de l'inconscient "(.(Krishnamurti, 1968, p.36)
Cette idée persiste dans son refus d'entrer dans des perspectives d'analyses dans lesquelles il montre que si l'on divise et que l'on redivise on continuera à rediviser. Ce qui est tout à fait différent du chemin qu'ouvre sa vision et que nous retrouvons chez Rogers.
J'ai utilisé le mot vision et effectivement nous rencontrons des termes de "voir" qu'il emploie habituellement, encore une fois avec l'approximation des traductions comme des mots eux-mêmes. Voir : il y a tout un ensemble de développement de ce verbe dans la thérapie avec les invitations à la visualisation de problèmes organiques ou de blocages.
A chaque instant, au delà de cette notion de vision associée à celle de silence et d'écoute, une rencontre assez forte peut s'établir entre Carl Rogers et Krishnamurti.
Effectivement, nous sommes en présence, chez les deux hommes, d'une attitude de précaution contre tout ce qui est de l'ordre de l'intellectualité. Là également, l'un et l'autre se défient des rationalisations, dans le cas de Krishnamurti c'est souvent le mot de pensée qui est mis en suspicion, mais traduit de quel mot anglais ? par rapport à quel vécu, quelle considération ? Pour nous, la pensée est une réalité statique qui peut pourtant être autre chose. Encore une fois, les mots n'offrent que l'approximation mais nous pouvons bien, tout de même, sentir les nuances.
Rogers aussi bien que Krishnamurti ne veulent pas qu'on séparent sentiments, pensées, émotions, réalités multiples de la personnalité dans son aspect unitif. Il y a, chez l'un et l'autre, des allusions à un certain nombre de thèmes mystiques qui sont ceux de la pensée unitive dans beaucoup d'expériences, même s'ils sont en précaution et à distance d'un certain nombre de dispositions et de conceptions, comme nous le rappelions il y a quelques instants.
Nous noterons, aussi, le besoin d'une certaine intuition. Il serait intéressant de rechercher des rapports avec ce que Bergson a pu expliciter sur les réalités de l'intuition et sa précaution contre l'intelligence, l'intellectualité trop opératoire, trop opérationnelle, qui crée trop de divisions.
Au delà des choses qui se divisent, doit être vécue une démarche d'unification, d'unité de l'esprit, de l'être, du corps, en évitant tout ce qui à chaque instant crée des dichotomies, des séparations, fait des blocages.
De ce point de vue, nous pouvons remarquer une autre indication importante lorsque Krishnamurti proteste à sa façon, très fine, contre les savoirs et accentue au contraire la valeur de la connaissance.
" Connaître n'est pas savoir, le savoir est fait d'accumulation, de conclusions, de formules, mais connaître est un mouvement constant, un mouvement qui ne comporte aucun centre, qui est sans commencement, sans fin " (Krishnamurti, 1972)
Ce qui me parait intéressant, là, étymologiquement c'est ce mot de connaissance qui indique bien, par le préfixe de com, une pluralité qui est vécue, alors que le mot savoir a un coté coupant, comme le notait Paul Claudel. Ce sont des logiques coupantes qu'introduit chaque savoir, apportant des possibilités d'action mais limitées et excluant des quantités de choses, alors que la notion de connaissance est plus ensemblière. Elle est plus vécue dans un mouvement extrêmement rapide, qui pourrait peut-être aller jusqu'à "ce sentiment océanique" de la joie (de connaître ?) dont parlait Freud (par rapport auquel je suis pas sûr qu'il ait été toujours en accord, encore des problèmes de complexités à voir...!)
Mais dans cette approche d'une non séparation recherchée dans les choses, nous pouvons remarquer, aussi bien chez Krishnamurti que chez Rogers, un aspect particulièrement intéressant, prophétique en quelques façons par rapport à l'évolution de la pensée scientifique dans la plus dure des sciences dures, la physique. L'un des concepts le plus habituel actuellement chez les physiciens nucléaires est la non-séparabilité. C'est le fait que leur constatation des faits et leur théorisation par leurs équations ont comme conséquences qu'ils ne peuvent plus séparer justement certains corpuscules, certaines émergences, certaines apparitions en continu, discontinu peu importe. Les choses sont puissamment liées, entrelacées, tressées dans un tissage les unes par rapport aux autres. C'est donc, la physique, la plus éloignée de la considération du psychisme, la plus éloignée de l'être, jusque là entraînée à voir le monde d'une façon fragmentaire, qui, aujourd'hui, renie cette fragmentation, renie le scientisme. Ce phénomène me paraît extrêmement intéressant. C'est tout le débat actuel que l'on retrouve par exemple dans les ouvrages de Bertrand d'Espagnat, physicien nucléaire ou chez Basarab Nicolescu, autre physicien nucléaire. Avec leurs collègues, ils se préoccupent de problèmes transdisciplinaires. Ils vivent les problèmes du dépassement des séparations, ils ne peuvent plus appréhender les aspects d'une façon scientiste, morcelée, divisée. Nous pouvons constater, là, un phénomène dans lequel les sciences humaines ont encore une certaine distance par rapport aux pensées aussi bien de Carl Rogers que de Krishnamurti, mais elles sont aussi à la traîne par rapport aux progrès réalisés mentalement par les physiciens dans leur exploration du monde, compte tenu des moyens puissants dont ils disposent actuellement aux niveaux matériel et conceptuel. Il serait intéressant de développer, ce problème de l'unité, central dans l'oeuvre de Rogers.
J'ai souvent, sur ce point, été surpris de la façon dont, en France, les gens ont interprété son mode d'intervention, en thérapie ou dans les groupes ; les gens pensant qu'avec lui, il n'y avait plus de droit de parler d'autres choses que de sentiments. Alors en même temps, traduire en français le mot feeling par le mot sentiment, quel désastre, quel changement toutefois à mes yeux. Car pour moi, feeling semble dire beaucoup plus une résonance intériorisée, ampleur unifiante, tout ce que l'on voudra et non pas seulement un sentiment distinct, séparé. Même si, et c'est typiquement français, ce sentiment c'est : sentimentalement, mentalement mais sans que cela ne redescende, bien entendu, pourvu que ce soit bien localisé, dans une belle ignorance du mode de fonctionnement du cerveau lui-même, qui heureusement, fonctionne de façon dynamique : mais on voudrait bien le rendre statique lui aussi.
Nous évoluons, s'il se peut dans une souplesse de fonctionnement, vers ce fonctionnement optimal qu'évoquait Rogers. Cette souplesse nous la retrouvons dans ce vécu existentiel souple, vécu sans intérieur même ni extérieur, avec précaution pour ne pas entrer dans des délimitations mais au contraire en s'attachant à entrer dans des visions, dans des "prises" sur la réalité, ( mais Krishnamurti aurait-il aimé ce mot ?) dans des conceptions, dans des compréhensions plus fines.
J'aimerais, ici, ouvrir un autre champs : Je remarque chez l'un et l'autre une recherche de légèreté, d'allégement par rapport à la lourdeur de nos conceptualisations, de nos théorisations, de nos surcomplications. Elles font partie du petit péché mignon du monde universitaire français et international, dans la mesure où si l'on peut surcompliquer les choses, pourquoi ferait on des choses simples... Effectivement, l'une des preuves du sérieux universitaire est de rendre les choses le plus compliqué possible, le moins compréhensible possible, le moins accessible possible. Je pense que cela fait partie des défis que l'on se donne à soi-même qui continuent à faire florès dans nos aimables institutions. Mais là encore ce n'est ni le fait de Rogers ni de Krishnamurti qui, eux, cherchent le contraire. Je l'avais noté à propos de Carl Rogers, en montrant sa recherche incessante d'une économie dans la conceptualisation. Il utilise le minimum de concepts possible, autant que cela est possible pour communiquer et surtout pour rester, quand même, à la limite de l'exclusion du monde prétendu intellectuel, des intelligentsias et des apparatchiks de tous bords.( De Peretti, 1981, p. 205 ss)
C'est une réelle recherche d'économie, une recherche d'indications éclairantes, et chaque fois par le fait même, une recherche de subtilité. Mais combien les conceptions de Rogers et certainement celles de Krishnamurti également, ont pu être, ensuite, alourdies, surcompliquées, au lieu de cette simplicité que l'on voit dans leur expression, dans leur communication, dans la souplesse de leur évolution intérieure et de leur évolution dans la relation avec les autres.
Il est clair que le concept de congruence est très lié à la notion de l'attention que l'on retrouve chez Krishnamurti, cette attention, cette congruence, c'est la même chose. C'est être présent à soi-même, et présent sans tension, sans contraction, et surtout sans projet de défensivité.
A ce sujet, j'avais eu l'occasion de dire à Carl Rogers qu'à la place du terme de non-directivité qu'il avait employé, il aurait du dire non-défensivité. L'expression "non-directivité" a été utilisée de façon abusive, extrémisée. Les "non" chez Carl Rogers, ne signifiaient pas annulation mais voulaient dire précaution. Je sens ce même sentiment des précautions intérieures, des prudences, des ruses, des ruses subtiles chez Krishnamurti comme chez Rogers. C'est pourquoi je lui proposais le terme de non-défensivité. Nous étions dans son jardin de Californie en face d'un colibri, un oiseau mouche, et je lui faisais remarquer que c'était un symbole de cette attitude souple qu'il désignait parce que le colibri, a la possibilité, non seulement, de la marche avant comme les autres oiseaux, mais aussi de la marche arrière. Il s'arrange pour s'approcher des fleurs, juste ce qu'il faut pour reculer s'il est trop près, ré-avancer s'il est trop loin. A chaque instant il peut régler sa présence/distance, à la fine pointe des fleurs (ou des choses) pour ne pas les abîmer mais pour bénéficier du nectar, pour être dans une présence qui ne soit pas pression, ni dans une distance qui serait aussi pression par défaut. Des pressions, comme on l'a trop vu, dans l'utilisation de certains silences en thérapie qui sont finalement manipulatrices, pressant la personne à s'exprimer au lieu d'être un accueil dans la réflexion. Cet accueil exprime une tout autre signification des choses qui peuvent exister, le silence a d'ailleurs beaucoup d'interprétations différentes. Je me souviens d'en avoir discuté avec des Pères abbés trappistes pour lesquels le silence est la règle même de la vie monastique dans les Trappes. Je les interrogeais alors : Est-ce que chaque silence est identique ? Et ils me confirmèrent qu'il y a beaucoup d'expressions, beaucoup de silences qui sont différents les uns des autres.
Je voudrais mettre l'accent sur cette recherche de subtilités chez l'un et l'autre. Rogers a souvent dit combien il était attentif à ces subtilités ; nous les retrouvons sur d'autres points, par exemple dans la souplesse vécue par les deux hommes ; Elle est toujours accompagnée d'une marque de précaution de ce qui pourrait être pour l'interlocuteur jugement. Voici ce que nous dit Krishnamurti :
" Êtes vous capable de regarder sans aucun sentiment de condamnation, d'évaluation " (J. Krishnamurti, op. cit., p.152)
Nous retrouvons, ici, cette précaution par rapport aux problèmes de jugement, en préservant la notion d évaluation (nous pourrions en discuter) : mais en tous cas, c'est un appel contre la moralisation et le rejet.
J'ai trouvé beaucoup de possibilités de subtilités chez l'un et l'autre. Chez Rogers, la réalité de cette légèreté me parait très importante pour signifier cette souplesse dans toute la relation. A propos de l'attitude de congruence Max Pagès disait que :
" Ce n'est pas une ascèse, une inhibition de soi, elle est au contraire une acceptation de soi, mieux une "affection de soi", un plaisir d'être soi "(in A. de Peretti, 1974, p. 186)
Il existe peut-être une différence dans la conception du soi entre Krishnamurti et Rogers, c'est un problème, mais là encore, je pense que l'essentiel est de prendre un appui intérieur, une référence stabilisante. Voici ce que j'écrivais sur ce point : il s'agit de " se disposer à être tout simplement naturel, ("genuine") dans la relation à l'autre, simple et pourtant prêt à suivre toute la subtilité des évolutions de sentiments et d'idées que l'expérience, naissante et fraîche, au contact de l'autre, va mettre en marche"(A. De Peretti, ibidem).
C'est non pas la subtilité de la personne en terme de ruse mais c'est la subtilité de suivre l'évolution incessante. Effectivement si nous regardons de près, si nous acquiesçons, si nous consentons (au sens étymologique), à la fois, à sentir et à accepter ce qui se passe en nous, nous voyons bien que les choses changent à une vitesse accélérée chez nous, chez les autres et dans la relation. Il est donc nécessaire de suivre fidèlement, finement ce qui se passe en nous.
Quand je lis Krishnamurti comme Rogers, je ressens cette perception de légèreté, c'est à dire une dominante de sourire, une démarche d'incitations qui ne vont pas trop loin. Ce ne sont pas des gros rires qui sont requis, ni un sérieux crispé, c'est quelque chose de délié, lié à cette légèreté. Celle-ci nous communique une possibilité de mouvement intérieur, mouvement par rapport aux autres en évitant de se crisper sur des attachements comme le dit Krishnamurti ou des adhérences : nous avons des risques d'adhérence intellectuelle. J'apporterais une nuance en disant qu'un vide intérieur n'est pas un vide d'annulation, c'est un vide d'une pluralité de relations à nous-mêmes.
Dans mon livre sur Rogers, j'ai essayé de l'expliquer métaphoriquement en empruntant une notion à la physique des corps où un corps pur peut être en trois phases : il peut être gazeux, liquide, solide. Le problème subtil d'une approche est d'être près du "point triple" parce qu'il est alors possible d'être aussi bien ou en alternance presque immédiate, liquide, gaz, solide à chaque instant (A. de Peretti, 1974, pp.283 et sq.)
Selon ce symbolisme, cette métaphore, il y a la possibilité d'être à la fois, simultanément ou presque dans un sentiment, dans une évocation, dans un sourire. C'est exister dans une situation dans laquelle plusieurs phases de nous-mêmes sont mises en communication les unes avec les autres comme avec celles des personnes avec lesquelles nous dialoguons. Dans cette souplesse, le fonctionnement ne se bute pas, n'est pas solidifié ou complètement vaporisé ou complètement liquide mais il est plural. C'est dans cette possibilité multiple que nous pouvons voir les choses au niveau de l'humour. L'humour qui est à la fois sérieux et tendresse, lucidité et accueil que quelque chose d'autre puisse être, et non pas butée, ou limitation définitive.
Chaque limite est vécue comme agréée, reconnue au point qu'elle s'efface non pas qu'elle y soit contrainte mais parce qu'elle est accueillie.
Cette précaution que je retrouve chez l'un et l'autre leur permet justement de ne pas tomber d'une dépendance dans une contre-dépendance. Et pour nos deux auteurs, le problème subtil est d'éviter et l'une et l'autre car comme le dit Krishnamurti :
" Si je suis en colère contre ma colère, je vais rester en colère ".
Alors qu'il faut que j'accueille ma colère. Il s'agit là des "inversions de mouvement" qu'avait notées Pagès à propos de la position, de l'attitude dans l'approche rogérienne.
Il y aurait beaucoup à voir dans ce que l'on pourrait appeler la précaution de non-fermeture d'aucunes phases de l'être, d'aucune relation à autrui, d'aucune constatation des contraintes de la vie, de la condition humaine, ni des contraintes des institutions elles-mêmes. C'est une non-fermeture à chaque instant, cette précaution est nécessaire pour éviter tout ce que j'ai traité sous le terme des processus d'inertie. Ces processus ou mécanismes d'inertie, comme vous voudrez, s'effectuent aussi bien dans les pensées que dans les perceptions. La perceptivité au sens de Krishnamurti me semble être cette précaution pour qu'à chaque instant on évite que la perception ne se bloque ou ne se fixe sur certains traits ou bien ne cherche la forme la plus simpliste qui justement n'ait pas cette souplesse de l'adaptation à la totalité du réel. Donc, refuser la fermeture (principe de non-fermeture), vivre tous les paradoxes que nous sommes amenés à rencontrer, rechercher la souplesse devant nos frénésies d'activisme et inerties d'activisme. A ce sujet Krishnamurti nous dit :
" Ne rien faire est infiniment plus important que de faire quelque chose " ( J. Krishnamurti, l972, p.109) qui ne veut pas dire, là encore, laxisme ni quoi que ce soit de négatif mais une invitation à suspendre notre obsession de "faire".
Ce qui serait capital dans le cadre de l'éducation où l'on voit à l'heure actuelle, l'ensemble du monde adulte poussant les enseignants, eux-mêmes, à faire de plus en plus de pressions pour que les jeunes aient de plus en plus de savoirs, soient de plus en plus contrôlés, à chaque instant, par un"contrôle continu". Dans cette réalité obsessionnelle, ils sont sans cesse comparés les uns aux autres, ce qui les oppose, les divise, au lieu de les mettre en coopération d'apprentissage, en coopération de devenir, en coopération de développement, en coopération de réalité.
Comme le dit Krishnamurti :
" Il n'existe que ces deux choses : l'amour et l'esprit vide de toutes pensées " (ibid, p.110)
Mais là, je suppose encore une fois que le mot pensée doit être revu dans sa traduction, car l'ensemble de la personnalité n'est pas nié, loin de là, par Krishnamurti, pas plus qu'il ne l'est par Rogers, malgré les procès qu'on a pu lui faire. Je pense que c'est à une richesse, une souplesse, un humour auquel nous sommes conviés dans une disposition de confiance, d'amour et de positivité fondamentale, que, personnellement, je retrouve dans l'un et l'autre : même si, par rapport à l'un et l'autre, comme tout un chacun, je peux avoir quelques distances.


http://www.barbier-rd.nom.fr/rogersetkrishnamurti.htm


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MessageSujet: Fernand Deligny   CARL ROGERS  I_icon_minitimeJeu 9 Oct 2014 - 2:00

Il y a un auteur que  j'aime particulièrement : Fernand Deligny, né en 1913 à Bergues et mort en 1996 à Monoblet dans les Cévennes. Pupille de la nation, son père qui était officier étant mort à grande guerre, il passe sa petite enfance à Bergerac, puis, retourné dans le Nord avec sa mère, fait ses études à Lille au Lycée Faidherbe, où il entre en hypokhâgne, puis en khâgne qu’il abandonne : il s’inscrit alors en fac, où il suit des cours de philosophie et de psychologie, sans obtenir aucun diplôme. Il entre au parti communiste. Ses premiers contacts avec l’institut médico-pédagogique installé entre les murs de l’hôpital psychiatrique d’Armentières datent de 1934. Des quelques étapes qui viennent d’être retracées d’un parcours, ou pour reprendre le terme utilisé par Deligny lui-même d’un « cheminement », entre tous atypique et inclassable, résolument non conforme, se dégage la figure singulière d’un homme de terrain et d’écriture qui, toute sa vie, s’est occupé, soucié avec un maximum d’attention, d’enfants en difficulté, écartelés entre les deux pôles de la délinquance et de la folie : diagnostiquant le fait qu’ils sont avant tout des malades de la vie familiale et de la société, il a systématiquement évité de les soigner ou de les former, ce qui rend difficile de lui attribuer le titre d’éducateur, et, avec un instinct très sûr, il s’est formellement interdit de les adapter ou de les insérer, ce qui fait de lui autre chose qu’un travailleur social, pour reprendre les deux appellations qui lui ont été le plus souvent décernées.

"Ne leur apprends pas à scier si tu ne sais pas tenir une scie, ne leur apprends pas à chanter si chanter t'ennuie, ne te charge pas de leur apprendre à vivre si tu n'aimes pas la Vie."

Celui-là que tu traites d'indifférent et d'endormi, as-tu vu avec quelle adresse et quelle vivacité il est capable de chiper un gâteau dans une pâtisserie pleine de clients?
Il vit. Rien de perdu.

La vie elle-même travaille mieux la pâte humaine que le préposé à l’éducation qu’est le travailleur social.

« Et pourtant combien de maisons de rééducation s’ornaient de cellules d’isolement aussi inconfortables que possibles où l’on jetait l’enfant puni en le privant de nourriture. Pendant qu’il était là-dedans, il fichait la paix au personnel, en attendant la mort. »

Hommage à Fernand Deligny

Amoral ? Asocial ?
“ Toujours replié sur moi-même à en avoir mal à l’os plat du milieu de la poitrine qui doit être la pliure de l’homme, voilà que je ne suis pas symétrique et que je ne suis jamais semblable à moi-même. Il y a une bonne partie de ce moi-même, informe, plastique, affectif, qui prend les empreintes comme le mastic du serrurier. J’en veux énormément au cancer capitaliste qui va, comme on dit, atteindre le cœur. Il est probable que ça va puer encore un moment dans la Cité. Mais demain ? Il serait dommage que dans les villes-jardins, dans les écoles offertes au soleil, les enfants soient gris, monotones et dociles, hébétés par des siècles de méfiance de l’homme. Retors, buté, vaniteux et exigeant dans la vie courante, toujours pris dans le réseau social comme un vagabond dans des barbelés de clôture, je suis, devant le plus loqueteux des fugueurs entraînés par deux gendarmes, comme un peintre à la technique stable devant un dessin d’enfant, désagréablement conscient de ma sociabilité. Amoral ? - En tout cas, pas du tout partisan de la morale “ qui a cours ”, comme on dit en bourse. Asocial ? - Certainement étranger à cette hypocrite exploitation de l’homme par l’homme, à cette sudation d’ennui, à toute hiérarchie préétablie. Mais je ressens l’égoïsme comme une acrobatie mentale qui, à la première hésitation, vous laisse les reins cassés au fond de votre propre angoisse. Alors je cherche, avec ceux qui n’ont pas trouvé pour compagnons. ” (Les vagabonds efficaces)
Regard porté sur les administrateurs et les éducateurs
Deligny est très critique et très dur avec les fondateurs et administrateurs des établissements spécialisés. Il dénonce ces militants dans les centres d’éducation, dans les comités, les conseils et les associations qui se chargent de protéger l’enfance mais sont en réalité “ les ennemis de l’enfance, ennemis souvent inconscients car ils sont d’abord les ennemis d’eux-mêmes, depuis leur prime jeunesse ”.
“ Ils emploient volontiers un terme magnifique, somptueux de bêtise, perle qui se grossit des sécrétions de mille comités accrochés à la table des administratives réunions comme des huîtres sur leur rocher : le redressement moral. Comme si les enfants avaient quelque part un morceau d’on ne sait quoi, bien droit chez les uns, tordu chez les autres, et qu’on façonnerait en forme d’échine courbée à petits coups d’exemples, à petits coups de trois petits-beurre les jours de visites ou de grande fête. Tous ces administratifs petits pontes cachent la mollesse de leur caractère dans leur situation sociale comme le bernard l’hermite protège son ventre dans une coquille empruntée. Eux qui sont des insuffisants sociaux docilement résignés à un emploi monotone notoirement inefficace, que peuvent-ils comprendre à des enfants qui ont l’invraisemblable audace de manifester des troubles du comportement ? Ils aiment l’ordre, les rapports écrits pour être couverts et les médisances orales pour être renseignés. Ils ignorent ce qu’un groupe de gosses peut consommer d’énergie, de clous, de briques, de semelles, de temps, d’idées, de tout, de tout. ” (les vagabonds efficaces)
Deligny pose la question et l’importance du fondement même de l’Institution, des établissements d’éducation et d’éducation spécialisée... Le travail des éducateurs, acteurs au et du quotidien, est, en partie, déterminé par les orientations déjà prises en amont, et l’éducation risque fort d’être déjà pervertie par les objectifs non éducatifs de certains fondateurs et administrateurs.
Quant aux éducateurs, Deligny pense que leur valeur ne réside ni dans les diplômes, qui risquent de faire écran à l’écoute humaine, d’instaurer une justification à toute action dite éducative, ni dans la fonction souvent déjà dictée et vite sclérosée, mais dans l’implication et la sincérité de la personne qui écoute sans juger, qui ne triche pas, qui tente dans le risque.
“ Éducateurs... ? Qui êtes-vous ? Formés, comme on dit, dans des stages ou dans des cours nationaux ou internationaux, instruits sans aucun souci préalable de savoir si vous avez dans le ventre un minimum d’intuition, d’imagination créatrice et de sympathie envers l’homme, abreuvés de vocabulaire médico-scientifique et de techniques esquissées, on vous lâche, pour la plupart enfantins issus de bourgeois, encore tout encoquillés dans vous-mêmes, en pleine misère humaine. Et bon an, mal an, petites marionnettes par-ci, petits chœurs par-là, tests et pipeaux, complexes et statistiques, congrès et rapports tissent un filet de camouflage sur cette mystérieuse ordure sociale de l’enfance inadaptée qui crève en taudis, tourne mal en maison bourgeoise et croupit encore bien plus souvent qu’on ne veut le dire dans des annexes de prison ou d’inhumains établissements. ” (les vagabonds efficaces)
“ Si tu joues au policier, ils joueront aux bandits. Si tu joues au bon Dieu, ils joueront aux diables. Si tu joues au geôlier, ils joueront les prisonniers. Si tu es toi-même, ils seront bien embêtés. ” (Graine de Crapule)
“ Si tu es pour si peu dégoûté du métier ne t’embarque pas sur notre bateau car notre carburant est l’échec quotidien, nos voiles se gonflent de ricanements et nous travaillons fort à ramener au port de tous petits harengs alors que nous partions pêcher la baleine. ” (Graine de Crapule)
“ Pour nous, prendre un gosse en charge, ça n’est pas en débarrasser la Société, le gommer, le résorber, le dociliser. C’est d’abord le révéler (comme on dit en photographie) et tant pis, dans l’immédiat, pour les portefeuilles qui traînent, les oreilles habituées aux mondaines confitures, les carreaux fragiles et coûteux. Tant pis pour le quartier qui nous regarde de haut, dont les villas trouvent qu’on aurait pu mettre ça ailleurs et dont les propriétaires sont prêts à crier à l’attentat aux mœurs s’ils voient un de nos voyous pisser contre un arbre. Tant pis pour les fruits que la propriétaire se gardait pour ses marmelades et les fleurs engraissées pour ses tombes, tant pis pour ceux qui veulent qu’enfance rime avec innocence. Tant pis pour les ribambelles de vieilles filles qui, périodiquement, font en cordée la promenade de la rééducation (avec point de vue sur l’attentat aux mœurs par beau temps). ” (les vagabonds efficaces)
Avant de se poser les problèmes de rééducation il s’agit d’abord que l’enfant ou l’adolescent soit, existe tel qu’il est lui-même ; le travail est à engager non à partir d’une image plaquée d’emblée, mais, à partir de l’Être, avec l’Être. Cela conduit à d’abord laisser être, au risque d’être choqué. Conformer à une image sage n’est que du dressage, dressage par peur de l’autre et par peur de nous-mêmes.

http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article2758
http://stl.recherche.univ-lille3.fr/seminaires/philosophie/macherey/macherey20062007/machereydeligny.html

Graine de crapule
http://www.peripleenlademeure.com/IMG/pdf/grainedecrapule-2.pdf
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CARL ROGERS

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