Le Comité d'éthique envisage une pandémie de H5N1
J.-M. B.
06/03/2009 journal LE FIGARO
Une situation d'urgence pourrait obliger les autorités à définir des priorités pour la distribution de vaccins et de médicaments, malgré le principe d'égalité entre les citoyens.
Le comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi le 17 juillet 2007 par l'Espace éthique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, des questions relatives à une possible pandémie humaine de grippe aviaire, a rendu son avis vendredi dernier. L'état d'urgence créé par une telle menace risque en effet de faire passer au second plan, voire d'abolir certaines libertés publiques, ou les principes d'égalité entre les citoyens.
Pour Alain Grimfeld, président du CCNE, «la mise en place d'un plan de lutte contre une pandémie ne doit pas aggraver les situations d'injustice existantes». Il n'était donc pas question pour le CCNE de proposer un «habillage éthique» aux décisions des pouvoirs publics, mais au contraire de rappeler qu'au nom de l'égalité, chaque personne doit être reconnue dans sa dignité, dans sa valeur absolue unique, y compris pendant la pandémie. Or si celle-ci surgit, l'État sera tiraillé entre l'égalité absolue de tous les citoyens (qu'il doit garantir) et la nécessité provisoire d'une «priorisation» des ressources limitées.
Définir des critères à l'avance
Pour le rapporteur du groupe de travail, Pierre Le Coz, ce sera à la puissance publique d'assurer la totale transparence : «Prouvez, pour mettre en confiance les Français, que ni le favoritisme, ni l'argent, ni une position donnée dans l'organigramme social ne déterminera la priorité de mise à disposition de doses de vaccins.» Qui doit bénéficier prioritairement des ressources de médicaments ou de vaccins ? Si l'on se base sur l'exemple du don d'organes, le tirage au sort serait à la fois insatisfaisant, injuste, et inacceptable pour la majorité de la population.
Vacciner en priorité le personnel soignant, au contact des malades ayant contracté le H5N1, les militaires, les chauffeurs et conducteurs de train, les ouvriers des usines nucléaires, oui. Mais à condition d'avoir rendu publiques à l'avance, les listes de priorité. Et si des citoyens refusent d'être vaccinés, au nom de la liberté (même si l'état d'urgence est décrété), faudra-t-il les vacciner par la contrainte pour éviter qu'ils ne propagent l'agent viral de la grippe aviaire ?
La limitation des déplacements, les fermetures des écoles ou des entreprises, la mise en quarantaine à domicile, et le danger de stigmatisation de certains groupes doivent faire (entre autres) l'objet de recherches et d'affichage par les autorités. Le Comité d'éthique réclame à l'État français qu'il définisse à l'avance des critères éthiques, et qu'il les explique aux citoyens pour qu'ils les acceptent. Car le jour de la pandémie, ce sera trop tard !