Créé dans un laboratoire chinois, un virus qui mélange les gènes du H5N1 et du H1N1 inquiète la communauté scientifique. Pour de nombreux experts, l'intérêt scientifique de cette recherche ne se justifie pas en regard des risques potentiels
Un nouveau virus mutant de la grippe aviaire est né en Chine. Le plus étonnant, c’est son origine. Ce sont des scientifiques chinois qui l’ont créé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur « création » fait débat. Comme ils l’expliquent dans revue Science, ces chercheurs ont réussi à combiner le matériel génétique de deux virus grippaux, le H5N1 et le H1N1. Un mélange qui pourrait s’avérer détonnant puisque le H5N1 est mortel dans 60% des cas ; quant au H1N1, il est à l’origine de la pandémie de l’hiver 2009-2010 et un cinquième de la population a été touché. En clair, le 1er est hautement mortel alors que le second est lui hautement contagieux
Un mutant pour nous mettre sur la piste du vaccin
Le virus hybride créé en Chine s'est avéré facilement transmissible entre cochons d'Inde, via les voies respiratoires. Selon eux, le virus H5N1 n'aurait donc besoin que d'une simple mutation génétique pour être en mesure de se communiquer d'un mammifère à un autre.
C’est pour empêcher ce scénario que ces chercheurs de l'Académie des sciences agricoles chinoise et de l'université agricole du Gansu auraient créé ce virus. En clair « pour aider à mettre au point des vaccins » mais aussi pour mieux comprendre les mutations naturelles des virus, et donc mieux les prévenir.
Une erreur et c’est 100 millions de morts…
Des intentions certes louables mais qui ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Le virologue Simon Wain-Hobson ne cache pas son inquiétude : « Si quelqu'un commettait une erreur, ou qu'il y ait une fuite ou quelque chose de ce genre, le virus pourrait contaminer les gens et provoquer entre 100.000 et 100 millions de morts », a-t-il déclaré à l’AFP. Pour lui, comme pour d'autres experts, l'intérêt scientifique de la recherche ne se justifie donc pas en regard des risques potentiels.
John Oxford, virologue à l’Université Queen Mary de Londres, estime quant à lui que cette étude a le mérite de réveiller la communauté scientifique. Pour lui, ce virus OGM montre que les deux souches de grippe peuvent effectivement échanger des gènes et représenter une menace. «Tôt ou tard, un individu sera infecté par les deux souches, c’est statistique», prévient-il. «Il faut nous réorganiser, réviser nos plans de lutte contre les pandémies et nous assurer que nous avons des stocks de vaccins contre le H5N1», déclare John Oxford.
06/05/13