ESPIONNAGE – Normalement pur texte technique, la loi de programmation militaire 2013 inclut un article concernant l'élargissement de la surveillance. De quoi provoquer un tollé au sein des professionnels et association Internet.
L'affaire de l'espionnage de la NSA aurait-elle inspiré le gouvernement ? L'article 13 de la loi de programmation militaire, votée mardi 10 décembre au Sénat, pourrait le laisser croire. Il élargit le champ d'accès aux données téléphoniques et informatiques des Français, détenues par les opérateurs télécoms et les hébergeurs, à partir du 1er janvier 2015. En clair, leurs mails, conversations téléphoniques et données de géolocalisation pourront être observés.
Le nouveau dispositif autorise la police et la gendarmerie, mais aussi les ministères de la Défense, de l'Intérieur et de l'Economie à accéder à ces données sans recourir à un juge. Jusqu'à présent, il était permis de s'en passer seulement dans les cas de terrorisme. Désormais, les services de l'Etat pourront le faire dans les cas de lutte contre la criminalité, la délinquance organisée et la préservation du potentiel scientifique et économique de la France.
Presque unanimité contre le principe de la loi
C'est ce dernier cas de figure qui inquiète de nombreux acteurs du Web, syndicats professionnels comme association de défense des libertés Internet. "Ce point de préservation du potentiel scientifique et économique de la France est trop vague. On peut imaginer que l'Etat ait ainsi le droit de surveiller des manifestants contre un aéroport ou des journalistes qui enquêtent sur l'héritière d'un groupe de cosmétiques", ironise pour metronews Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur Internet.
Autre critique, plus inattendue, celle du Medef. Pour le syndicat patronal, "il s'agit d'une grave atteinte à la confiance que l'ensemble des acteurs doivent avoir dans l'Internet". Gilles Babinet, responsable des enjeux du numérique pour la France auprès de la Commission européenne a quant à lui déclaré dans Les Echos que "nous sommes à deux doigts d'une dictature numérique".
Un avis partagé par Jérémie Zimmermann qui estime que la France est face à une "dérive totalitaire". Avant de conclure sur une citation de Thomas Jefferson : "si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l'une ni l'autre". Une variante moins connue, mais tout aussi inquiétante que le Big Brother de George Orwell, auquel la loi a souvent été comparée.
Jean-Sébastien Zanchi
http://www.metronews.fr/high-tech/loi-de-programmation-militaire-un-big-brother-a-la-francaise/mmlk!4WUr3KRvcR3Ys/