(Source: ça m'intéresse)
Non, nos capacités cérébrales ne diminuent pas après l’adolescence. Des chercheurs ont battu en brèche la théorie largement répandue selon laquelle notre cerveau serait malléable pendant une brève période (jusqu’à la puberté), puis verrait inexorablement le nombre de ses neurones diminuer tout le reste de la vie.
Le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo (*), directeur de recherche à l’institut Pasteur (unité Perception et Mémoire) et au CNRS (Gènes, synapses et cognition) et son équipe ont prouvé que quel que soit notre âge, notre cerveau peut, si certaines conditions sont remplies, produire de nouveaux neurones.
1. Quelle est la découverte ?Les travaux de Pierre-Marie Lledo et son équipe se sont déroulés
en trois grandes étapes :
– En 2003, les chercheurs ont découvert que le cerveau adulte avait
« un potentiel de régénérescence », remettant en cause le dogme central de la neurobiologie.
– En 2005, ils ont démontré que les nouveaux neurones étaient capables de voyager dans le cerveau. Ils ont ainsi pu connaître les conditions qui favorisaient la production de nouveaux neurones.
– En juin 2012, les chercheurs ont prouvé que le cerveau tirait avantage de ces nouveaux neurones.
« Les nouveaux neurones permettent d’apprendre plus vite et d’avoir une meilleure mémoire » , résume à Quoi.info le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo.
En effet, les souris avec de nouveaux neurones ont su répéter un exercice au bout de 15 fois (contre 30 pour les autres) et ont su le reproduire un mois après les tests (les autres avaient oublié l’exercice entre-temps).
2. Comment continuer à produire des neurones ?Notre cerveau ne fabrique pas de nouveaux neurones en permanence et en quantité égale chez tous les individus.
L’équipe de chercheurs a identifié
cinq facteurs nécessaires pour que le cerveau continue à produire de nouveaux neurones :
continuer à apprendre, ne pas être figé dans la routine
ne pas être soumis au stress (notamment les pollutions visuelles et sonores, en milieu urbain)
ne pas consommer de psychotropes de manière régulière
éviter la sédentarité et/ou pratiquer une activité physique
avoir une vie sociale active« Si trois de ces conditions manquent, la neurogénèse, c’est-à-dire la production de nouveaux neurones, ne fonctionne pas » , explique Pierre-Marie Lledo. Il existe peut-être d’autres facteurs, mais à ce jour les scientifiques n’ont identifié que ces cinq-là.
Est-ce à dire que l’âge n’entre pas du tout en compte dans la production de neurones ?
« Non, tempère Pierre-Marie Lledo. Après 40 ans, la production de neurones diminue. Mais certains individus continuent à en produire à 80 ans, alors que chez d’autres cela s’arrête dès 30 ans. Le cerveau peut échapper à l’usure du temps, il a l’âge qu’on veut bien lui donner. La période de production de neurones ne s’achève pas si on continue à le stimuler. »3. Quelles sont les conséquences ?Pour l’éducation« La production de nouveaux neurones est plus importante si on échappe à l’ennui et à la routine. Cette découverte peut servir à repenser et réviser les méthodes d’apprentissage », estime le neurobiologiste.
Réparer les cerveaux malades ?
Cette découverte ouvre la voie vers une guérison future des victimes d’AVC, de traumatismes crâniens, des malades d’Alzheimer et de Parkinson. Mais ce n’est pas encore d’actualité :
« Pour l’heure, lors de nos tests en laboratoire, les nouveaux neurones meurent très vite quand les circuits cérébraux sont endommagés. Nous n’arrivons pas encore à les faire survivre » , poursuit Pierre-Marie Lledo.
Les questions éthiques« Plusieurs questions découlent de ces recherches : jusqu’où faut-il aller ? Faut-il stimuler artificiellement le cerveau de quelqu’un qui passe un examen afin qu’il crée de nouveaux neurones ? Faut-il augmenter artificiellement le nombre de neurones chez l’homme ? » , interroge le neurobiologiste.
Autant de questions ouvertes qui devront un jour être tranchées.
(*) Co-auteur avec Jean-Didier Vincent de Le Cerveau sur mesure (éditions Odile Jacob, 2012).
Par Marie Conquy