Source : http://www.camer.be/index1.php?art=5279&rub=12:1
Un rapport de l'ONG britannique Global Witness démontre comment les grandes banques facilitent la corruption dans les pays pauvres.
S'il est une cause de la crise actuelle que nul ne conteste, c'est bien l'incroyable liberté laissée aux banques depuis plus de vingt ans. L'argent fou a non seulement fait sauter toutes les barrières et toutes les règles de prudence, il a aussi dissous nombre de verrous éthiques. Les arsenaux anti blanchiments déployés par les puissances occidentales au milieu des années 80 ne sont souvent que des tigres de papier destinés à apeurer le menu fretin.
Le commerçant français qui dépose un peu trop fréquemment du liquide sur son compte a toutes les chances d'apparaître sur les écrans radars de la justice. Les proches des dictateurs qui mettent leur pays en coupe réglée ne risquent pratiquement rien.
Spécialisée dans la lutte contre la corruption internationale, l'organisation non gouvernementale (ONG) britannique Global Witness vient de publier un rapport édifiant sous la forme d'une série d'études de cas (1). De la Guinée équatoriale au Congo, du Gabon au Liberia, de l'Angola au Turkménistan, le système bancaire international se rend complice d'appropriations illicites à grande échelle.
« Si l'on veut que les ressources telles que le pétrole, le gaz ou les minerais aident réellement l'Afrique et d'autres régions à se sortir de la misère, les gouvernements doivent empêcher les banques de conclure des affaires avec des dictateurs corrompus et leurs familles », soutient Gavin Hayman, l'un des porte-parole de l'association. Un impératif auquel les chefs d'État réunis lors du sommet du G20 n'ont pas vraiment souscrit.
Financement de guerres
À Hong Kong, la Bank of East Asia abrite des fonds issus de la vente clandestine de cargaisons de pétrole et destinés aux dépenses personnelles du fils du président du Congo, la Citibank mais aussi Fortis ont facilité le financement des épouvantables guerres civiles du Liberia et de la Sierra Leone en abritant des capitaux procurés par le négoce du bois, la Deutsche Bank a aidé l'ancien tyran du Turkménistan à conserver sous son contrôle personnel des milliards provenant des ventes de gaz, des dizaines de banques ont accordé à une compagnie angolaise des prêts considérables gagés sur les ventes futures de pétrole alors que l'opacité la plus complète entoure l'utilisation de ces capitaux...
Pressions politiques
L'inventaire de ces pillages dressé par Global Witness n'offre qu'un petit aperçu d'un phénomène dont ne parle jamais Bernard Kouchner, pourtant fin connaisseur de l'Afrique. Il ne faut pas compter sur les banques pour élever des digues. L'ONG britannique a adressé un courrier aux 50 plus grandes d'entre elles pour leur demander si elles avaient émis des recommandations de façon à ne pas ouvrir des comptes aux chefs d'État, hauts fonctionnaires et membres de leur famille de pays réputés pour leur corruption endémique. Seize seulement ont répondu. Aucune n'a affiché un refus de principe !
Les réglementations nationales sont peu contraignantes. En matière de blanchiment, les banques sont seulement soumises à une obligation de « diligence raisonnable » pour identifier leurs clients et l'origine des fonds. Leur inaction s'explique parfois par les pressions politiques. En France, 20 banques gèrent aujourd'hui près de 200 comptes distincts appartenant aux membres des familles du président Bongo au Gabon et Sassou Nguesso au Congo que l'Élysée ne souhaite pas inquiéter. Le secret bancaire et l'anonymat garantis par les paradis fiscaux servent aussi d'argument commode aux financiers pour expliquer leur impuissance à remonter les circuits de l'argent de la corruption.
Des milliards de dollars
« D'une main, les pays riches donnent de l'aide, de l'autre ils laissent la porte ouverte à l'arrivée dans le système financier de sommes bien plus colossales », déplore Global Witness. Si ces fonds restaient sur place, la spirale de la pauvreté serait aisément enrayée. Des milliards de dollars générés par la vente du pétrole guinéen prospèrent sur des comptes en Occident alors que quelques dizaines de millions suffiraient à assurer des soins de santé élémentaires à une population démunie de tout.
(1) Le rapport peut être téléchargé sur le site http://www.globalwitness.org
Source : http://www.camer.be/index1.php?art=5279&rub=12:1