Congo : 25 millions d’hectares de forêts menacés à long termeGreenpeace est extrêmement inquiète suite à l’annonce faite par le Ministre congolais de l’Environnement, José Endundo. Le gouvernement congolais vient en effet de légaliser 15 nouveaux titres forestiers dans les forêts tropicales du Congo et envisage de lever prochainement le moratoire existant dans le pays sur l’expansion de l’industrie forestière.
A terme, au vu des précédentes communications du ministre sur le sujet, ce sont au total 25 millions d’hectares de forêts denses qui seraient livrés à l’appétit de quelques groupes forestiers. Ceci sur un total de 60 millions d’hectares exploitables.
Gestion congolaise des forêts : un processus long, couteux et … inutile
En 2002, face au véritable chaos qui régnait dans le secteur de l’exploitation forestière industrielle en République démocratique du Congo (RdC), le gouvernement décidait d’un moratoire sur l’attribution de nouveaux titres forestiers, c’est-à-dire d’exploitations pouvant couvrir plusieurs centaines de milliers d’hectares.
Ce moratoire, faute d’un État capable de contrôler la situation sur le terrain, fut immédiatement et régulièrement violé. Par la suite, en 2005, sous la pression de la Banque Mondiale, le gouvernement entama une grande « revue légale de 156 titres forestiers » destinée à assainir cette industrie forestière. Début 2009, après un processus controversé, le Gouvernement rendait public les conclusions de cette revue légale : 65 titres étaient officiellement légalisés donc convertibles en concessions forestières de long terme.
10 millions d’hectares de forêts supplémentaires en danger
Deux ans plus tard, en janvier 2011, le Ministre de l’Environnement annonce la clôture officielle du processus, le repêchage de 15 nouveaux titres forestiers, préalablement jugés illégaux, mais aussi et surtout, évoque une levée prochaine du moratoire en vigueur depuis 2002.
Cette décision entérine l’attribution à une poignée d’entreprises industrielles d’une superficie totale de 15 millions d’hectares de forêts – cinq fois la taille de la Belgique – en dépit des nombreuses irrégularités identifiées par la revue légale. Au final, le long et coûteux processus de revue légale des titres forestiers aura donc totalement échoué à assainir le secteur forestier en RdC. Cette industrie est encore très régulièrement pointée du doigt pour ses pratiques scandaleuses, les nombreux conflits sociaux qu’elle engendre, mais aussi la fragmentation des massifs de forêts intactes, aux conséquences dramatiques pour la diversité biologique et le climat.
La levée du moratoire annoncée par le ministre viserait à autoriser l’exploitation de 10 millions d’hectares supplémentaires, si l’on en croit des documents officiels émanant du Ministère de l’Environnement lui-même. Au total, jusqu’à 25 millions d’hectares de forêts seraient vouées à l’usage exclusif de l’industrie forestière, au lieu de considérer sérieusement d’autres options plus avantageuses pour les communautés forestières, la biodiversité et le climat.
Une décision contraire aux intérêts des forêts, de leurs habitants et du climat !
La déforestation est responsable de 15 à 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le bassin du Congo abrite le deuxième plus important couvert de forêts tropicales au monde (après la forêt amazonienne), dont 80% des forêts dites intactes se trouvent en RDC. Elles abritent une biodiversité exceptionnelle, des espèces végétales encore inconnues, une faune extraordinaire avec des primates endémiques et menacés comme les bonobos. Mais ce sont aussi environ 40 millions de congolais qui sont dépendants matériellement et culturellement de ces forêts.
Le gouvernement de RD Congo est très impliqué dans le « volet forêt » des négociations internationales sur le Climat (REDD) et le processus national qui en découle.
La mise au point d’un plan national REDD est en cours actuellement à Kinshasa, impliquant la société civile, le tout supporté activement par la Banque Mondiale et différents bailleurs de fonds (coopération française, allemande, etc.).
Mais l’annonce de la légalisation des 15 titres forestiers et de l’intention de lever le moratoire vient saper la crédibilité du Gouvernement Congolais dans les négociations en cours.
Préserver les forêts tout en permettant un vrai développement pour le pays
Un mécanisme REDD viable doit absolument inclure des mesures pour protéger les forêts les plus importantes pour la biodiversité et le climat, et cela doit aller de pair avec un développement socio-économique durable pour les communautés locales.
Avant de décider d’une allocation de ces immenses espaces forestiers à telle ou telle activité, le gouvernement congolais et les bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale se doivent de mettre en place un vrai plan d’aménagement du territoire. Une vrai politique de protection des dernières forêts intactes d’Afrique est compatible avec un vrai développement pour la République démocratique du Congo.
Il serait scandaleux de lever le moratoire dans les conditions actuelles. L’exploitation industrielle n’est en aucun cas une solution pour protéger les forêts. Le maintien du moratoire devrait au contraire constituer la pierre angulaire d’une stratégie nationale de préservation du patrimoine forestier, et permettre l’émergence d’alternatives de développement plus équitables et moins destructrices.
Greenpeace a cosignée avec plusieurs ONG internationales (Rainforest , Global Witness et Bank Information Center) une lettre adressée au Gouvernement Congolais et à la Banque Mondiale, leur demandant expressément de s’engager à un maintien et à un renforcement du moratoire.