Discussion sur la taille du cerveau humain
"
-Que sais-tu de la conscience ?
Ne voulant pas tenter de répondre trop vite et de se tromper, elle entra dans une réflexion intense. Au bout de quelques
instants, elle dût se rendre à l’évidence : elle ne savait pas grand-chose.Elle récita hésitante ce qu’elle put ressortir de sa
mémoire avant qu’il ne la coupe :
-Il ne s’agit pas de la conscience ça. Comment tu définirais la conscience ?
-Heu … comme une capacité extraordinaire que l’être humain possède en raison de la taille supérieure de son cerveau
comparée à celle d’autres espèces.
-Une capacité extraordinaire oui, mais elle n’est pas directement liée à la taille de notre cerveau. Beaucoup d’espèces
ont un cerveau plus gros que le nôtre : tous les grands mammifères en fait. L’éléphant, la baleine, le gorille ou le requin
par exemple. Pourtant ils ne sont pas dotés de la même intelligence que nous, ni du même niveau de conscience.
Elle n’avait jamais pensé à ça. Et elle devait reconnaitre que dit comme cela c’était une évidence mais c’était également le
genre de question sur lequel elle ne s’était jamais penchée.
-Dans ce cas, rebondit-elle, c’est une question de rapport. Le rapport du poids de notre cerveau et du poids de notre corps.
Notre cerveau est le plus développé car même si un éléphant ou une baleine pèse plusieurs tonnes, le rapport poids du
cerveau/poids du corps est inférieur chez eux.
-C’est un bon début, mais avec ton raisonnement, beaucoup de petits mammifères qui ne pèsent que quelques centaines de
grammes ont donc un rapport plus élevé que le nôtre.
Encore une fois c’était évident. Elle s’en voulait d’être allée trop vite en conclusions. Elle plissa le front et se lança dans une
série de réflexions qu’elle voulait appliquées afin de ne pas se tromper à nouveau mais il interrompit ses pensées :
-Mais tu n’as pas tout à fait tort. Il s’agit bien d’un rapport de poids comme tu le disais. Mais il faut ramener ce rapport au
sein d’une même espèce. Dans l’histoire de l’évolution, le cerveau progresse plus lentement que le corps. Lorsque notre
corps grandit, il lui faut un cerveau plus gros, à même de contrôler par exemple les terminaisons nerveuses qui sont en plus
grand nombre. C’est pourquoi les gros mammifères ont un gros cerveau. Mais le cerveau décroit aussi plus lentement que le
corps. Ce qui explique que les petits mammifères, qui pour certains furent plus gros par le passé, possède un rapport encore
élevé. Si nous voulons comparer ce rapport avec d’autres espèces, il faut le faire avec celles qui sont proches de nous en
ordre de taille et de poids. Les chimpanzés, les gorilles, l’australopithèque, l’homme de Neandertal ou homo erectus.
Et lorsque l’on prend en compte ce fuseau de comparaison, il apparait en effet que le cerveau d’Homo Sapiens est le plus développé.
Mais il est aussi celui qui a évolué le plus vite comparativement à l’évolution de notre corps.
-Pourquoi cela ?
-Et bien, en fait on n’en sait rien. Mais il semblerait que cet avantage a été acquis depuis l’apparition des premiers primates.
Il existe une formule un peu plus poussée que le rapport poids d’un individu-poids de son cerveau, et je te passe les détails
sur celle-ci mais elle révèle que les primates ont toujours eu un cerveau deux à trois fois plus développé que les autres mammifères.
Et cette avance intellectuelle s’est toujours maintenue puis s’est amplifiée jusqu’à Homo Sapiens.
-Les primates descendent eux-mêmes de mammifères et il me semble que ces derniers étaient très petits à l’époque des dinosaures.
Pourquoi alors ces animaux se sont dotés d’un gros cerveau alors qu’ils n’ont jamais été de gros individus ?
C’est contradictoire avec ce que tu disais avant.
-C’est vrai et c’est un mystère. La taille de notre cerveau a augmenté beaucoup plus vite que la taille de notre corps.
Cette croissance est unique et on ne l’observe chez aucune autre espèce. Peut-être que le mammifère dont nous sommes
issus et qui vivait à une époque dominé par des grands prédateurs a dû s’adapter très vite. Pour survivre au milieu des dinosaures,
il a peut-être rapidement développé des capacités lui permettant d’échapper aux prédateurs. La vue, l’ouïe, l’odorat, la vie en
nocturne et le stress permanent ont pu booster l’évolution de son cerveau d’une manière plus importante que chez d’autres
animaux. Mais ce n’est qu’une hypothèse qui ne sera jamais vérifiable. La vérité est que nous ne saurons probablement jamais
pourquoi notre cerveau est tel qu’il est.
"
Discussion créée à partir des écrits de Stephen Jay Gould